Les conquérants qui ont laissé des traces dans l’histoire, les ont écrites avec l’encre du rire et des larmes. Ils n’étaient pas des aventuriers de la chance, juste guidés par le vent et portés par les opportunités faciles.
De même, ceux qui vont loin dans le football sont portés par l’élan d’un tremplin solide, subissent les épreuves qui les confortent, vivent des fortunes heureuses qui raffermissent leurs espérances et finissent par se faire habiter par des sentiments de grandeur.
On espère que les “Lions”, qui viennent d’hériter d’une poule délicate pour la Can-2015, se tracent aussi un chemin de lumière où les doutes et les réserves ne sont pas des faiblesses, mais une correcte appréhension des défis à la hauteur desquels il faut se situer. Peur de rien ? Non, sûr de soi et sûr de tout.
On ne sort pas des chemins de gloire tracés entre Le Caire et Monastir (malgré tout) pour penser qu’on a une vessie pour lanterne. On a plutôt foi que les “Lions” cheminent sur un boulevard dont ils peuvent contrôler les deux voies. Ils ont des freins arrière qui tranquillisent contre les sorties de route inopinées.
Ils ont un milieu avec une conduite assistée qui, en quatrième ou en cinquième vitesse, selon les formules systémiques en place, possède un guidage au Gps dont l’excellence de la navigation se fait apprécier au fil des sorties. Devant, les phares, naguère blafards, retrouvent une luminosité qui éclairent un parcours mieux maîtrisé.
On n’a pas une Lamborghini, mais ce n’est pas un taxi-brousse qu’on emmène à Mongomo.
La première chance de vaincre est dans les raisons d’y croire. Elles ne manquent pas. Par-delà les incertitudes du sport qui relativisent tout, il y a les convictions qui forgent les destins.
Il y a quelques mois, quand tombait le résultat du tirage des poules de qualifications, on se pensait trahi par le sort. Partager une poule avec l’Egypte et la Tunisie avait fait ressurgir des peurs ancestrales. Celles qui remontent aux décennies 1970, quand la traversée du Sahara vers le nord du continent revenait à se perdre dans le triangle des Bermudes.
On ne compte plus les frêles esquifs sénégalaises qui se sont disloquées sur les bords de la Méditerranée, voire les navires taillées dans du matériau de valeur et qui ont fini par couler corps et biens, parfois âmes comprises.
Et voilà que les pyramides ont été le tremplin vers le futur. Quand on est monté si haut, on ne peut avoir les faiblesses du vertige devant le Ghana, l’Algérie ou l’Afrique du Sud. Ce sont des adversaires qu’on regarde les yeux dans les yeux. C’est sans doute le sentiment de la grande majorité des Sénégalais ; c’est ce que les “Lions” ont semé dans les cœurs ces derniers temps.
A lire l’ancien président de la Fédération sénégalaise de football El Hadj Malick Sy “Souris” et le voir s’ébaubir devant les “Lions”, on mesure ce que pèse ce capital confiance. Car c’est celui d’un homme au long cours. Sur les terrains, dans les coulisses, au faîte des podiums.
Quand les “Lions” ont remporté l’unique médaille de leur histoire, aux Jeux de l’Amitié de 1963, il était sur le terrain. Quand la génération exceptionnelle de 2002 a été finaliste de la Can et quart de finaliste du Mondial, il était président de la Fédé. Son appréciation positive est d’autant plus riche que ses considérations sont libres et portent la pertinence de celui qui a vécu et vaincu.
Comme le dit El Hadj Malick Sy, une Can ne se gagne pas sur les simples acquis présents, mais sur la capacité qu’on a à chercher à s’ouvrir les frontières de l’absolu. L’Allemagne était une énorme équipe en allant au dernier Mondial. Pour le gagner, elle s’est donné les moyens d’être colossale. C’est le défi des semaines à venir.
Et quoi qu’on dise, le pire aurait été de tomber dans le groupe D, à la place de la Guinée, pour devoir rencontrer la Côte d’Ivoire, le Mali et le Cameroun. Contre les autres on joue, là il aurait fallu se battre.