De passage au Sénégal pour un bref séjour, Kader Mangane, qui est en rééducation après sa grave blessure au genou, s’est confié au journal Le Quotidien. Actualité oblige, l’ancien défenseur des Lions et sociétaire de Kayseri Ercieyesspor en Turquie, s’est prononcé sur l’échec de la Can 2015 et sur le profil du futur sélectionneur. Entretien.
Quelles sont les raisons de votre séjour à Dakar ?
Je suis venu voir la famille, régler quelques détails personnels. J’en profite également pour travailler un peu avec le genou parce que c’est important.
Justement, comment évolue votre blessure au genou ?
Ça progresse bien. On procède étape par étape. Ça ne sert à rien de brûler les étapes. Mais je me sens de mieux en mieux. J’ai commencé à travailler avec mon kiné avec qui je me suis déplacé pendant deux semaines au Sénégal. Je ne suis pas encore dans la phase où je peux courir, c’est pourquoi j’ai accepté que le kiné soit là avec moi. Ça a été une bonne chose de l’avoir.
Comment se déroule la rééducation ?
C’est selon l’emploi du temps de la journée. J’essaie de m’organiser avec le kiné. Tous les matins par exemple, on va en salle. Ensuite, l’après-midi, on reprend le travail. Entre les deux séances, j’en profite pour m’occuper de mes activités personnelles. Comme je disais tout à l’heure, ça se passe bien.
D’ailleurs, j’ai beaucoup gagné au niveau de la flexion du genou. Après une grosse opération des ligaments croisés, c’est souvent difficile parce que le genou est gonflé. Il faut retrouver la sensibilité du genou. Depuis plus d’un mois, on travaille sur ça et je sens une nette amélioration.
Ressentez-vous encore des douleurs ?
C’est normal qu’on ressente certaines douleurs. C’est pour le renforcement musculaire. Il faut dire que c’est la plus grosse blessure que j’ai eue de ma carrière. Je l’ai acceptée. Cela fait partie de la vie d’un footballeur. Ce n’est pas évident, mais le plus dur a été de faire l’opération.
A partir de là, on sait qu’on doit attendre six mois pour revenir. Il faut être fort mentalement pour revenir. Il n’y a pas de miracle pour ce genre de blessure. Il faut être patient, bien se soigner pour pouvoir revenir à la compétition la saison prochaine.
Vous avez connu pourtant une blessure à la cheville assez sérieuse à la veille de la Can 2012…
Ce n’est pas la même chose. En 2012, c’était plus un problème de cartilage. Là, on rentre dans les ligaments. C’est plus délicat et plus long. Même si chaque blessure avec son lot de difficultés. Il faut prendre son mal en patience. Mon seul objectif, c’est de travailler pour revenir en force.
Pourtant, la plupart des joueurs qui contractent ce genre de blessure finissent par mettre un terme à leur carrière. Ce n’est pas votre cas ?
C’est un choix à faire. C’est vrai que six mois, c’est long. Mais en même temps, c’est rien. Je crois qu’il faut être prêt mentalement pour surmonter ce genre de blessure. Il faut savoir combler cette période. C’est pourquoi j’ai choisi de venir au Sénégal, pour être proche de la famille, des amis ; ça te permet de couper un peu. Tu ne restes pas dans ta bulle à cogiter tous les jours ou à souffrir seul. Tu travailles.
Quand je vais retourner, j’ai encore un mois de rééducation dans le Sud (de la France). Ça ne sera pas facile. Tous les jours, on souffre. Des fois, le genou gonfle, des fois, tout se passe bien. Il faut être prêt à surmonter tout cela. Quand on se dit que c’est notre métier et que les blessures font partie de la vie de tous les jours, on doit pouvoir travailler dur pour revenir. C’est ma philosophie.
Est-ce que l’entourage aide dans ce genre de situation ?
Bien sûr. L’entourage est très important. Et sur ce plan, je dois dire à merci à tous ceux-là qui me soutiennent. Que ce soit la famille, les amis, le club, je suis vraiment bien entouré. Ça me donne la force et le courage.
Je sais qu’il y a des gens qui attendent que je revienne pour leur faire encore plaisir sur le terrain. J’ai eu un message de l’ensemble des joueurs de mon club. Ils m’ont adressé un message de soutien. La direction du club est attentive à ma rééducation. Ça fait plaisir tout cela. Voilà pourquoi, j’ai envie de revenir. Et je me donnerai tous les moyens pour retrouver mon meilleur niveau.
Vous êtes lié au club jusqu’en 2016. Songez-vous à partir ?
C’est vrai qu’à un moment donné il y avait la possibilité de se trouver un nouveau challenge. Avant la blessure, je dois avouer que j’avais deux à trois clubs en France…
Il y avait Rennes sur la liste ?
Rennes, c’est mon club de cœur. C’est ma ville. Mais, il n’y avait pas Rennes sur la liste. Je pense que ça n’allait pas faire plaisir à certains supporters de me voir aller chez l’ennemi (Lorient). Malheureusement, la blessure arrive au mauvais moment.
Et il y a peu d’équipes qui vont oser prendre des risques de faire signer un joueur qui revient de six mois de blessure. Pour l’intérêt de l’équipe et de moi-même, c’est d’attendre encore quelque temps, peut-être six mois et de voir l’évolution de la blessure. D’autant plus qu’il me restera six autres mois de contrat.
A vous entendre parler, vous ne pensez pas encore à la retraite ?
Non ! Vous savez, je vais fêter mes 32 ans le 23 mars prochain inchallah. Quand il y a la santé, il faut toujours prendre du plaisir. Tant que le plaisir et l’envie seront là je continuerai á jouer.
Après la Suisse, la France, l’Angleterre, l’Arabie Saoudite, la Turquie, quel est le championnat qui vous tente encore ?
C’est vrai que j’ai quand même fait le tour du monde. Et j’aurais pu aller en Italie où j’avais des contacts très avancés à un moment donné. Malheureusement, le championnat italien ne m’a jamais attiré même si j’aime bien le pays. Par contre, j’aime bien le championnat espagnol. Aujourd’hui, si j’avais vraiment le choix, je retournerai en France. J’ai ma famille là-bas, et c’est bien d’être proche de mes enfants.
Maintenant, le football est mon métier. On ne sait pas où l’avenir nous conduira. Peut-être aux Etats-Unis. Je n’en sais rien. Aujourd’hui, c’est plus le challenge sportif que je cherche. Après on dit que le football, il y a de l’argent. C’est bien parce qu’on joue aussi pour gagner de l’argent.
Et je remercie le Bon Dieu de m’avoir permis d’exercer ce métier tout en gagnant de l’argent. J’ai toujours été un homme de défis. Et je suis prêt à relever un nouveau défi.
Parlons de l’Equipe nationale qui n’arrive toujours pas s’imposer en Afrique, malgré le potentiel qu’elle dispose. En tant qu’ancien capitaine des Lions, qu’est-ce qui, selon vous, ne va pas ?
Je peux comprendre la déception de tout un Peuple. On sait qu’il y a ce potentiel dans cette équipe. Je suis persuadé qu’on gagnera quelque chose. Mais pour cela, il faut bâtir. Il faut laisser l’équipe qui est en place. On ne peut pas à chaque fois vouloir tout changer pour recommencer. J’ai confiance en cette génération. Je suis sûr que sous peu, cette génération va ramener quelque chose au Sénégal.
Qu’est-ce qui leur a manqué cette année ?
C’est vrai que tout le monde y croyait. Moi, j’y croyais et je continue à y croire. Je crois qu’il y a un manque d’expérience. Après le match contre le Ghana, tout le monde voyait l’équipe aller loin. Il fallait rester sur cette lancée lors du second match contre l’Afrique du Sud. Il faut être des tueurs dans ce genre de match. Je n’étais pas là-bas. Je ne sais pas ce qui s’est passé, au niveau des dirigeants, du coach…
On peut parler des choix du coach, de la responsabilité des dirigeants, mais on perd du temps. La page est déjà tournée. La seule chose que j’ai envie de dire, c’est de poursuivre le travail avec cette équipe. Après, il y a effectivement d’autres jeunes qui arrivent et qui seront intégrés, mais une bonne partie de l’équipe doit rester.
Est-ce que ce groupe n’a pas manqué de leader ?
Je ne suis pas de cet avis. Ce n’est pas parce qu’on est jeune qu’on ne doit pas être leader. Tous ces joueurs sont titulaires dans leurs clubs. Ils ont beaucoup de responsabilités. Quand ils viennent en sélection, ils ont les mêmes responsabilités. Et c’est à eux de montrer ce charisme et d’être des leaders. Maintenant, c’est bien d’avoir toujours quelqu’un qui tire le groupe vers le haut.
On ne voit plus les anciens autour de l’Equipe nationale. Contrairement à d’autres pays, est-ce que cela n’est pas un handicap ?
Je me demande si on leur a ouvert la porte. Ce sont des gens qui ont beaucoup à apporter de par leur présence. Quand Ferdi (Coly) était là, c’était le grand frère. C’était l’intermédiaire. On a vraiment beaucoup apprécié sa présence quand on a été là. Je crois qu’on doit laisser la place à ceux-là qui ont beaucoup donné à la sélection.
Je ne comprends pas qu’un Monsieur, je l’appelle comme ça parce que c’est un ami, comme Tony Sylva (ancien gardien des Lions) qui est là au Sénégal et qui a du temps, avec tout ce qu’il a donné au Sénégal, étant un ancien capitaine de cette équipe, ne soit pas l’entraîneur des gardiens en Equipe nationale.
Il a du vécu. Il en a fait des Can, une Coupe du monde… Il mérite ce poste. Je crois que cela ferait énormément plaisir à Tony Sylva. Ce serait une reconnaissance pour lui et il pourra beaucoup apporter aux gardiens.
Il y en a qui ont rejoint l’équipe récemment. Il s’agit de Alassane Ndour, Lamine Diatta…
C’est une bonne chose. Mais est-ce qu’ils ont leur mot à dire. Le but, ce n’est pas d’être là juste pour être là. Il faut qu’ils aient leur mot à dire. Qu’ils puissent parler aux joueurs en tant que grands frères quand l’occasion se présente. Il y en a beaucoup d’autres qui peuvent apporter leur expérience. Il y a des gens comme Salif Diao, Aliou Cissé,…
Le débat actuel c’est le nom du successeur de Giresse. Quel type de coach faudrait-il aux Lions ?
Je ne pense que cela soit seulement un problème de coach. Aujourd’hui, vous prenez Mourinho et si derrière ça ne suit pas, il ne fera pas de résultats. Les gens ont beaucoup tiré sur Alain Giresse, mais les dirigeants aussi doivent se remettre en question.
Maintenant, s’il faut choisir un entraîneur local, je prendrai quelqu’un qui a un vécu avec la sélection et l’associer aux anciens. Par contre, je ne vois pas ici un entraîneur local qui a un vécu en Europe ou une grande expérience continentale.
Qu’on le veuille ou non, un entraîneur devra avoir assez de personnalité pour diriger cette nouvelle génération de footballeurs. Il faut se faire respecter, il faut du charisme face à ces jeunes-là qui côtoient les grands entraîneurs du monde. Pourquoi la Côte d’Ivoire est allée prendre Hervé Renard ?
Pourquoi ils n’ont pas pris un local ? L’Equipe nationale, ce n’est pas le marché Sandaga. Voilà de petits détails que ces jeunes Lions n’accepteront pas.
Concrètement, vous voyez qui sur le banc des Lions ?
Celui que je vois, je ne le concidère pas comme un entraîneur local ; il s’agit de Aliou Cissé. Il a tout ce qu’il faut.