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Attaquant du Shanghai Shenhua, en Chine, depuis juin 2015, le Sénégalais Demba Ba raconte son acclimatation à ce Championnat forcément particulier.

«Comment vivez-vous votre aventure chinoise ?
So far so good comme on dit (NDLR : jusqu’ici, tout va bien). Oui, je m’épanouis. Le style de vie est différent, mais il me convient. La ligue chinoise, ce n’est pas l’Europe non plus, on ne va pas commencer à raconter des salades, mais c’est correct. Quand on est footballeur, la première des priorités après avoir jaugé le niveau du Championnat, c’est de savoir s’il y a du monde dans les stades. Parce que je vous garantis que jouer dans un stade vide, ce n’est pas la joie et que ça ne fait plaisir à personne. De ce côté-là, je suis servi. Notre stade est l’un des plus petits de Chine mais on a une forte affluence, entre 17 et 20 000 spectateurs de moyenne. Mais c’est l’un des seuls vrais stades de football. Les autres sont géants, avec une grande piste d’athlétisme, mais il peut y avoir entre 20 et 40 000 personnes.
Avez-vous mis du temps à vous adapter ?
Dieu merci non. J’ai une capacité d’adaptation sans doute au-dessus de la moyenne. Le seul problème que j’ai eu, c’était en Allemagne. Et encore, je revenais d’une très grosse blessure. Mais sinon, entre l’Angleterre, la Turquie et la Chine, mes débuts ont toujours été très bons.

«Gillot, qu’est-ce que j’ai rigolé avec lui»

Comment s’est passée votre première saison, notamment avec Francis Gillot comme entraîneur ?
Très bien. J’ai appris à connaître un personnage qui est énormément détesté par beaucoup de monde en France. J’ai rarement vu un entraîneur aussi honnête, c’est d’ailleurs peut-être pour ça qu’il est si mal-aimé dans ce monde d’hypocrites. Je vous garantis que j’ai passé six mois à apprendre à rigoler ! Il n’a pas l’air comme ça (il explose de rire), mais qu’est-ce que j’ai rigolé avec lui.
Le voir partir était une déception…
Oui, même si je sais que le président a tout fait pour le garder. Mais il a dû retourner en France. Je pense que s’il avait pu, il serait sûrement resté parce que tout le monde l’aimait ici. Il avait des valeurs et il respectait les valeurs des autres, notamment des Chinois.
Vous rappelez-vous du jour où on vous a proposé le Championnat chinois ?
Oui je m’en souviens bien ! C’est par l’intermédiaire d’Ahmet Bulut, un agent qui travaille avec le mien sur la Turquie. À l’époque, j’habitais à côté de Moussa (NDLR : Sow, alors à Fenerbahçe). Ce jour-là, on était au resto avec Moussa. Ahmet, qui venait de me faire signer en Turquie, m’appelle et me dit: ‘‘Demba, j’ai un club pour toi, Shanghai est très intéressé.’’ Je lui ai répondu ‘‘Ne me rappelle plus’’. Il a insisté et m’a dit ‘‘Je suis sérieux, il faudrait qu’on se voie ce soir, j’habite à côté du restaurant’’. Pour clore la conversation, je lui ai lancé que je n’avais pas le temps et que je n’avais pas envie d’y aller. J’étais bien à Besiktas, le style de vie me convenait. Les supporters m’aimaient, je les aimais. Donc sur le coup, j’ai dit ‘‘Non, c’est mort’’. Tout l’été, il a continué à faire le travail et m’a dit qu’il avait une offre concrète. Mais je ne voulais pas savoir pour ne pas être tenté. Quand j’ai fini par avoir connaissance de l’offre, j’ai commencé à réfléchir…
Le montant du salaire fait d’un coup réfléchir (les médias chinois ont évoqué la somme de 14 M€ annuels)…
Bien sûr. Vous savez, ce sont des sommes où, au bout d’un moment, on se dit qu’on va aller tenter l’expérience. Et que ça se passe bien ou pas, je suis encore jeune, j’avais toujours la possibilité de revenir en Europe.

«Quand les gens entendent la Chine, ils pensent à Bruce Lee et Jackie Chan»

Vous y avez cru, au début, quand on vous a montré le montant proposé ?
Je me suis demandé ‘‘Mais comment peut-on sortir des sommes comme ça ?’’ dans un Championnat regardé presque uniquement en Chine, où je ne sais pas comment se passe le sponsoring. J’ai commencé à réfléchir. C’est alors que mon agent m’a dit : ‘‘Demba, tu me connais, quand tu as été à Istanbul, je ne voulais pas que tu y ailles. Là, c’est pareil, j’ai envie que tu restes à Istanbul. Mais pour la première fois de ma vie, je vais te dire quelque chose que je ne t’ai jamais dit parce que pour moi un agent ne doit pas faire ça. À ta place, j’y réfléchirai à deux fois. Au bout d’un moment, il y a des montants où on se dit qu’on peut mettre énormément de personnes à l’abri’’.
Aviez-vous peur de vous perdre ? Ce Championnat avait été médiatisé à l’époque d’Anelka et Drogba, avant d’être de nouveau dans l’ombre…
Je partais dans l’inconnu le plus total. Malheureusement, il y a des a priori, et je suis tombé dedans. Ç’a d’ailleurs été une erreur. Quand les gens entendent la Chine, ils pensent à Bruce Lee et Jackie Chan. Alors que pas du tout. D’ailleurs, si cela n’avait pas été Shanghai, je ne sais pas si j’aurais accepté. L’offre était très belle, mais je voulais avoir une certaine qualité de vie aussi. Et quand on arrive dans la ville, on se dit ‘‘Waouh, impressionnant’’. C’est grand, il y a des gratte-ciels à perte de vue. Dans tous les quartiers, il y a de grands centres commerciaux avec toutes les marques possibles et inimaginables. En plus, je suis quelqu’un qui aime bien manger et je suis vraiment servi question restaurants.
Où avez-vous vos habitudes ?
Quand j’ai envie de manger de la viande halal, j’ai un turc qui est très très bon au coin de ma rue. Ça me rappelle un peu mon année passée en Turquie. Sinon, j’ai un de mes restos préférés qui vient d’ouvrir. Il s’appelle l’atelier Joël Robuchon, il n’a ouvert que depuis quelques jours mais il va devenir ma nouvelle cantine.

«Je sens que les Chinois vont en remettre une couche bientôt»

Si je marque dix buts dans un Championnat où il n’y a que Demba Ba et dix buts avec Jackson Martinez, Guarin et Ramires, cela n’a pas la même valeur.
Vous rendez-vous compte du potentiel financier de ce Championnat ?
Je le vois vraiment. Mais on est encore loin de son véritable potentiel. Je pense qu’ils ne sont même pas à 30% de leurs capacités. Ils ont une puissance financière incroyable, vous n’avez même pas idée. Je ne savais pas qu’on pouvait être aussi riche. J’ai l’impression que ce qu’ils investissent n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan. Ça ne va pas les appauvrir.
Quels sont les signes qui vous font dire qu’ils sont très riches en dehors des salaires et des indemnités de transfert ?
Je parlais avec un ami footballeur au téléphone, qui pour moi est un grand joueur, mais je ne dirai pas son nom. On s’appelait par FaceTime. Mon directeur sportif était à côté de moi. Pour rigoler, je lui ai dit que j’avais notre prochaine recrue au téléphone. Quelques semaines après, le même directeur sportif me dit ‘‘Penses-tu qu’on peut avoir ce joueur ?’’.
Vous voulez dire qu’ils ne se refusent rien ?
Je pensais qu’il rigolait, alors que pas du tout. Il m’a même demandé son salaire. Et quand je lui ai répondu, ça ne l’a même pas dérangé, c’est pour vous dire…
Que vous êtes-vous dit en voyant débarquer les Gervinho, Ramires et consorts en janvier ? 
Je n’étais pas étonné. Mais j’étais forcément content parce que je savais que ça allait augmenter le niveau de la ligue. Si je marque dix buts dans un Championnat où il n’y a que Demba Ba et dix buts avec Jackson Martinez, Guarin et Ramires, cela n’a pas la même valeur. Je me suis dit que le niveau allait augmenter et que le monde extérieur allait s’y intéresser davantage. Du moins pendant une certaine période. D’ailleurs, je sens qu’ils vont en remettre une couche bientôt.
Vraiment ? 
Je pense. En revanche, je ne sais pas combien de temps ça va durer. Parce que si les propriétaires voient que, malgré leurs investissements, le niveau du Championnat et de l’équipe nationale n’augmentent pas, ils se calmeront peut-être. Mais si ça prend…

«Des fois, j’ai envie de retourner en Angleterre, surtout quand je regarde la Premier League»

Demba Ba n'oublie pas le Championnat d'Angleterre. (MANTEY STEPHANE/L'Equipe)

Demba Ba n’oublie pas le Championnat d’Angleterre. (MANTEY STEPHANE/L’Equipe)
Ma famille est un sacrifice depuis le début de ma carrière, mais ça, les gens ne le voient pas. Ils ne voient que les grosses sommes d’argent.
Des amis footballeurs vous ont-ils déjà appelé pour avoir votre point de vue sur ce Championnat ?
Oui, quelques-uns. Ils me demandent comment est la vie là-bas, est-ce que les clubs payent en temps et en heure.
Pour vous, c’est trop, toutes ces sommes dépensées ?
Non, c’est le football d’aujourd’hui. C’est comme ça. Je mérite chaque centime que je touche. Je fais quand même de nombreux sacrifices. Les gens ne s’imaginent pas, ce n’est pas facile tous les jours.
Par exemple ?
Ma famille est un sacrifice depuis le début de ma carrière, mais ça, les gens ne le voient pas. Ils ne voient que les grosses sommes d’argent. La famille, c’est le plus gros sacrifice, ils ne sont pas à Shanghai avec moi.
Comment gérez-vous la distance avec votre famille ?
Elle comprend. Elle habite à Paris. Toutes ces années, j’ai la plupart du temps été avec eux. Quand j’ai décidé d’aller en Chine, selon moi, le meilleur équilibre, c’était qu’ils restent à Paris, que mes trois enfants aillent à l’école à Paris. Ma femme a sa famille autour d’elle parce que ce n’est évidemment pas simple. En fin d’année, on a quand même une belle période de vacances, le tout avec quelques breaks pour que je rentre et les vacances scolaires pour que eux viennent me voir. J’y trouve donc mon équilibre même s’il y a des périodes plus difficiles que d’autres.
Combien de temps vous voyez-vous rester en Chine ?
Bonne question… Je ne sais pas. Il y a des moments où j’ai envie de retourner en Angleterre, surtout quand je regarde la Premier League. Mais quand ma famille vient et qu’on est dans une période victorieuse avec mon club, je me dis que c’est aussi bien d’être là. Il y a d’autres moments où j’ai envie de retourner à Istanbul également parce que les supporters et le club me manquent. Je vis donc au jour le jour, et, dans ma tête, je pars pour finir mon contrat.»

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