En juillet 2016, Demba Ba se fracturait le tibia gauche avec le Shanghai Shenhua. Aujourd’hui remis de sa blessure, l’ancien attaquant d’Hoffenheim et de Beşiktaş, qui pourrait signer chez le promu turc Göztepe dans les prochains jours, revient sur une carrière qui s’est aussi notamment déroulée à Chelsea et Newcastle.
Qu’est-ce qui t’a le plus marqué à Shanghai, que tu as rejoint en 2015 ?
L’immensité de la ville. C’est impressionnant. D’ailleurs, je n’en ai toujours pas vu le bout ! C’est un monde totalement différent du nôtre. Je n’étais jamais allé en Chine auparavant. C’était l’occasion de vivre une nouvelle expérience.
C’est le côté financier qui t’a le plus motivé ?
C’est sûr qu’à ce niveau, les conditions étaient inédites. Mais il n’y avait pas que ça. Je n’y serais jamais allé que pour l’argent. J’ai commencé à me renseigner sur la ville. Une métropole folle dans laquelle on a envie de vivre. Au niveau du football, c’est en train de grandir petit à petit. Les stades sont garnis avec 25 000 personnes par match. De belles conditions étaient réunies, alors il fallait tenter.
Quel regard portes-tu sur l’évolution du foot chinois ?
C’est un championnat qui est en plein développement et qui essaie, coûte que coûte, de grandir. Certainement un peu trop vite. Quand on regarde les stars qui sont arrivées en Chine, il y a une trop grosse différence de niveau avec les locaux. Dans mon équipe, le Shenghai Shenhua, j’essaie de leur donner des conseils, de partager mon expérience. Tu te demandes, tout de même, si les étapes ont été respectées… Ceux qui gèrent le football chinois essaient, eux aussi, d’apprendre. Sauf qu’en apprenant, on fait tous des erreurs.
À même pas vingt ans, tu te casses une première fois la jambe contre La Gantoise alors que tu évolues à Mouscron. Qu’est-ce que tu te dis à ce moment-là ?
Alors que j’étais encore sur le terrain, avec la jambe en Z, la première chose à laquelle je pense, c’est de demander au médecin en combien de temps je pourrais m’en remettre. C’est vrai, c’était dur, mais mentalement, ça ne l’était pas pour moi. J’avais déjà accepté le fait que ma jambe soit cassée, maintenant, il fallait revenir. Tout ce qui arrive dans la vie est là pour une raison particulière. Je me dis toujours qu’il y a pire. Je me suis cassé la jambe, mais certains ne peuvent même pas marcher… J’ai relativisé très rapidement et pendant 6-8 mois, je suis au club, à faire ma rééducation. Je voulais revenir vite.
Tu exploses en 2007, à Hoffenheim, alors en D2. Comment était ta vie en Allemagne ?
J’ai rencontré des gens formidables ! Bon, d’un point de vue culinaire, les Allemands mangent beaucoup de viande de porc, donc je n’ai pas pu goûter les plats typiques. En dehors de ça, je ne garde que des bons souvenirs. Les gens sont ouverts, mais parfois, ils suivent un peu trop les règles. J’ai l’impression que ça se ressent dans leur football. Il est très bon, mais tu ne verras pas de Neymar ou d’Eden Hazard en Bundesliga. C’est aussi pour cette raison que je préfère regarder un Everton-Southampton plutôt qu’un Dortmund-Francfort. Regarde l’équipe d’Allemagne. La Mannschaft est un exemple de collectivité, mais il n’y a pas cette créativité individuelle qui fait la différence.
J’apprends que je ne peux pas m’entraîner au rythme des Anglais. Ils s’entraînent deux-trois fois par semaine. C’est pas possible ! J’arrive d’Allemagne où l’on s’entraînait sept à huit fois par semaine… Je suis arrivé en Angleterre et j’apprends que le mercredi est libre, le dimanche aussi. La veille de match, tu ne fais quasiment rien, le lundi c’est décrassage… J’étais heureux là, j’avais trouvé un rythme qui me convenait ! (Rires.) Mais ça ne convenait pas à ma condition physique, et à partir de ce moment, j’ai commencé à couler. J’ai fait quelques matchs de merde, je me sentais lourd, moins explosif. Quand le coach m’a mis sur le banc, j’ai tiré la sonnette d’alarme. Alors, j’ai appelé un préparateur qui me faisait des séances personnelles. Bien physiquement, je pouvais être l’un des meilleurs attaquants de Premier League. Il fallait que je récupère mon niveau.
Ça se passait super bien avec cette colonie francophone. On a beaucoup rigolé et on a pris beaucoup de plaisir à jouer ensemble. On avait fini cinquièmes. Aujourd’hui, si on te dit que Newcastle devait finir cinquième…
Je n’avais pas été exceptionnel sur certains matchs, j’aurais pu faire beaucoup mieux. Si j’avais eu la maturité intellectuelle que j’ai aujourd’hui et de la patience, je serais sans doute encore à Chelsea. Mais il me manquait cette maturité intellectuelle. À partir d’un moment, j’ai voulu me développer, afin d’acquérir un peu plus de connaissances personnelles. Ça m’a donné encore plus de confiance.
J’ai lu beaucoup de livres de développement personnel, surtout ceux de Laurent Gounelle. J’aime beaucoup sa manière d’écrire. Au bout d’un moment, tu commences à apprendre qui tu es, tu as une estime de toi différente qui ne vient pas de l’extérieur. Quand ça vient de l’intérieur, c’est beaucoup plus solide. D’ailleurs, je lance un appel à monsieur Gounelle, j’aimerais bien le rencontrer un jour !
Özil venait d’arriver et un passeur comme ça, avec mes appels de balle… Si j’ai bien une qualité, c’est mes appels de balle ! J’ai quelques regrets, car c’était vraiment mon club de cœur en Angleterre. Thierry Henry a toujours été un exemple pour moi. Je kiffais sa manière de célébrer. Il ne souriait pas, les gens le critiquaient, mais j’étais d’accord avec lui.
On me le rappelle encore aujourd’hui. Je pense que c’est peut-être l’élimination qui a fait le plus de mal au PSG lors de ces trois-quatre dernières saisons. Quand Pastore marque le but du 3-1 au match aller, tout le monde voyait ça comme une qualification. Surtout que c’est à la dernière minute, sur un but extraordinaire. Le 6-1 contre Barcelone, c’est une défaite qui fait très mal aussi, mais bizarrement, j’avais l’impression que l’opinion publique ne voulait pas que Paris se qualifie. Quand tu n’arrêtes pas de parler de remontada au lieu de mettre en avant Paris et leur 4-0 du match aller, c’est que tu inverses les rôles. On se disait que c’était impossible. Je me souviens. J’étais chez Moussa Sow, sur son canapé, avec des potes, et il y a 3-0 très tôt dans le match. Quand Cavani marque, tout le monde pensait que c’était fini, sauf Moussa Sow qui y croyait encore. Ensuite, ce diable de Neymar nous tue… et après, il vient signer chez nous. L’enfoiré ! (Rires.)
Qu’est-ce que tu penses de ce PSG version 2017-2018 ? Si Paris avait gagné le retour contre le Bayern en poule, ça aurait pu avoir une grosse importance psychologique. Paris avait mis cinq raclées et au sixième match, ils se plantent contre le Bayern. Le foot va très vite. Les gens ont directement dit : « Est-ce que Paris est vraiment fait pour gagner la Ligue des champions ? » S’ils avaient gagné, on aurait dit que Paris était inarrêtable. Et cette saison, je pense qu’ils peuvent aller au bout, à part s’ils affrontent Beşiktaş ! (Rires.)Quelques semaines après ce but contre le PSG, vous affrontez Liverpool, plus que jamais favori pour remporter la Premier League. Steven Gerrard glisse, tu files au but et brises leur rêve de titre. Gerrard disait penser tous les jours à cette action. Tu sais que tu as traumatisé un homme ? Inconsciemment, oui, car on n’arrêtera pas d’en parler tant que Liverpool ne gagnera pas un championnat. Il n’avait jamais remporté de Premier League et c’était l’année où il était le plus proche de le faire. On y était allés avec une équipe de remplaçants, car on n’était plus dans la course au titre. Moi, je voulais simplement profiter de cette fin de saison. Je me suis dit que j’allais jouer mon football. Finalement, on gagne et ça change tout pour eux…Tu n’as jamais pensé à la France durant toutes ces années ? Jamais je ne pourrais jouer en Ligue 1. Si j’y jouais, je serais nul ! Pourquoi ? Je ne sais pas. J’ai l’impression que ce championnat n’est pas fait pour moi. C’est une compétition bizarre. Moins bonne que l’anglaise, mais dans un autre sens, plus compliquée. Pourquoi ? Je ne sais toujours pas. J’ai joué en Bundesliga et tu n’as pas envie de quitter ce championnat pour la Ligue 1. Ensuite, j’ai joué en Premier League et tu n’as pas envie de quitter ce championnat pour jouer en France…Récemment, tu as investi, avec d’autres joueurs, dont Eden Hazard, dans un club de foot aux États-Unis. Comment est arrivée cette opportunité ?Avec mon agent, ça fait trois ans qu’on pensait à racheter un club là-bas. San Diego est arrivé et on a relevé le défi. C’est un gros challenge. C’est quelque chose que j’apprécie, puisque ça reste dans le foot. Je me dis aussi que je vais pouvoir prendre des joueurs à l’image de ce que je pense du football aujourd’hui. Et tu penses quoi du football aujourd’hui ? Je vois qu’on exploite les qualités collectives et individuelles à peut-être 15-20%… (Long silence) On va essayer de développer des hommes avant de développer des footballeurs. Ceux qui sont à la tête des clubs n’en ont rien à foutre de l’humain. Je ne peux pas concevoir de m’occuper d’un joueur et de le laisser à la dérive. Tu prends n’importe quel gamin de 18 ans et tu le mets à la place de Mbappé, il devient fou ! Tu gagnes 10-20 millions d’euros par an, il y a de quoi devenir fou ! Les joueurs ont besoin d’accompagnement. Un jeune de 23 ans qui gagne des millions d’euros, ça reste un petit gars de 23 ans. Il ne peut pas avoir l’expérience d’un homme de 32 ans. C’est logique. L’estime de soi est aussi importante que la confiance en soi. Comment tu veux croire en toi, si tu n’as pas confiance en toi-même ? En me développant en tant qu’homme, j’ai pu construire cette confiance. Pour moi, le plus important chez un homme, c’est son cœur et ce qu’il y a dedans. Peu importent sa confession, son ethnie, son pays, sa couleur. La vraie question est : qu’est-ce qu’il y a dans son cœur ?