La Côte d’Ivoire n’est pas imbattable. Le Nigeria de Stephen Keshi l’a bien démontré en quart de finale de la dernière Can en Afrique du Sud qu’on disait taillée pour Drogba et ses frères. Depuis, les « Eléphants » trentenaires conduits par leur capitaine ont reporté tous leurs espoirs de finir leur carrière internationale en beauté sur la prochaine Coupe du monde de football. Et à 90 minutes de « Brésil 2014 », l’objectivité recommande de reconnaître qu’ils sont sur la bonne voie. La faute à une équipe du Sénégal trop respectueuse et bien trop frileuse lors de la manche aller du barrages, le 12 octobre dernier à Abidjan (1 – 3). « Il faut savoir jouer et empêcher de jouer », avait conseillé Boucounta Cissé, l’entraîneur de la Linguère de St-Louis avant ce premier match. C’est à croire que son alerte était tombée dans l’oreille de sourds. Car, non seulement les « Lions » n’avaient pas réellement joué au « Félicia », mais ils avaient été loin d’empêcher leurs adversaires de jouer. Et lorsque « Bou » soutenait que la clé de ce match ce n’était pas « un problème de joueurs, mais de stratégie », il avait comme vécu la rencontre avant même le coup d’envoi. Car, en matière de stratégie, on avait assurément connu mieux. Le dernier des observateurs du football sait que tout n’est pas de neutraliser Yaya Touré, l’artiste du milieu de terrain, pour museler l’équipe de Côte d’Ivoire. Pour cause, les « Eléphants » ont aussi des … ailes, avec Gervinho, Kalou voire Gradel qui adorent déborder et piquer vers la surface de réparation adverse. Et il faut les maintenir aussi loin que possible de la zone de vérité par un dispositif adéquat sur les ailes. Or, comme en septembre 2012, au match aller du 12 octobre à Abidjan, le Sénégal avait encore prêté le flanc au propre comme au figuré. Deux percées du sociétaire de l’As Rome dès le premier quart d’heure avaient abouti aux deux premiers buts ivoiriens.
Et le tour était joué. A l’arrivée, Alain Giresse et ses joueurs avaient bu la tasse face à une équipe de Côte d’Ivoire qu’on avait pourtant connue plus talentueuse, plus joueuse et plus habile que sur ce coup-là. Si l’addition avait été aussi corsée (3 – 1), c’est certainement parce que les « Lions » avaient été en dessous de tout. Mais, comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, le match retour de samedi, à Casablanca, doit être l’occasion pour les Sénégalais de se racheter. De jouer et d’empêcher l’adversaire de jouer. Si paradoxal que cela risque de paraître, Giresse semble avoir attendu d’avoir perdu la première manche pour se convaincre que son équipe avait des arguments à faire prévaloir. Il avait parlé de « montagne » pour évoquer l’adversaire ; et comme un poltron n’arrive jamais à escalader une montagne parce qu’il s’imagine beaucoup trop petit pour y parvenir… Or, on l’a déjà dit ici, même l’Annapurna a été vaincu un jour.
A El Jadida où il a terminé son stage préparatoire à la rencontre de demain, puis à partir d’hier à Casablanca où il mettra la dernière main à sa stratégie de renversement des « Eléphants », le coach des « Lions » devra trouver les mots justes pour ramener dans la Tanière la confiance qu’il avait lui-même contribué à éloigner des lieux. Car, autant que la peur, la sérénité est contagieuse. La première, chevillée aux pattes des « Lions », avait inhibé l’équipe du Sénégal à Abidjan. La seconde doit s’inviter dans les rangs au triple galop à Casa. Giresse est donc doublement attendu sur la (re)motivation de ses joueurs et sur la bonne stratégie à mettre en place pour retourner à son avantage une situation certes compliquée mais guère désespérée. Après quoi, ce sera à ses joueurs de prouver qu’ils sont de vrais lions. Parce qu’une aussi belle occasion de disputer un Mondial de foot risque de ne plus se présenter avant longtemps. Et si cette perspective de marcher sur les traces de leurs glorieux aînés de 2002 ne suffit pas, cette fois, à transcender les « Lions », ils n’ont vraiment rien à faire au Brésil.
Lesoleil