À 36 ans, le Magnific Seven vit une nouvelle jeunesse à Panaitolikos où il a récemment été élu meilleur joueur de l’année 2013. Henri Camara qui veut atteindre les 100 capes en équipe nationale explique cela par une bonne hygiène de vie. Il en a profité pour donner son avis sur beaucoup de questions relatives au football sénégalais. Entretien
Henri, à 36 ans, vous semblez vivre une nouvelle jeunesse…
Je n’ai pas de secret particulier. Sauf que, quel que soit l’âge, on doit rester sérieux dans tout ce que l’on fait. En tout cas, pour ce qui me concerne, je suis toujours concentré et je respecte mes entraînements comme il le faut sans oublier mon hygiène de vie. Non seulement je ne sors pas le soir, mais aussi j’ai un médecin qui me suit régulièrement. Ce sont ces facteurs qui font que je joue presque 90 minutes tous les weekends.
Mais hormis cela, il doit y avoir d’autres facteurs ?
Je pense que c’est ma dernière saison qui m’a propulsée à ce niveau. Je suis dans une équipe où les gens ne voient pas en moi un joueur de 36 ans. Que ce soit le coach, les dirigeants ou mes coéquipiers, tous me respectent. Ce qui fait qu’à ma manière, je leur rends la pièce de la monnaie. Que ce soit dans les vestiaires ou en dehors du terrain, je m’épanouis bien.
Quel bilan à mi-parcours tirezvous de votre saison ?
2013 a été une année faste. Ça a été franchement une année pleine pour moi. Aujourd’hui, je suis à 6 buts à 1 but de mon total de l’année dernière (il a maqué 7 buts en 2013 ndlr). On dira que le bilan est positif. La seule chose que je souhaite c’est de continuer sur cette même lancée sans connaître de blessure.
Quel objectif vous êtes-vous fixé ?
Vous savez, quand on vient fraîchement d’accéder en première division, on ne doit pas avoir d’autre prétention que le maintien. Nous, on a quitté la deuxième division pour la première il y a seulement deux ans. Cette saison, nous espérons y rester parce que nous venons de loin.
Pensez-vous que c’est possible avec cette 7ème place au classement ?
C’est bien possible. On a de bons joueurs pour rivaliser avec les autres. La preuve, aujourd’hui (hier) on a battu Panathinaikos, le deuxième plus grand club grec. Il y a deux ans de cela, j’ai joué et marqué contre la même équipe. Aujourd’hui (hier) on s’est difficilement imposé face à cette équipe de Panathinaikos qu’on ne présente plus.
Donc vous êtes le souffre douleur de Panathinaikos ?
Il y a deux ans, j’ai joué et marqué contre la même équipe. Aujourd’hui, je pense que je suis rentré dans l’histoire parce que Panaitolikos n’a jamais battu auparavant Panathinaikos.
À 36 ans, qu’est-ce que ça vous fait de remporter le titre de meilleur joueur de votre club ?
C’est la deuxième fois consécutive que je gagne ce prix dans cette équipe. L’année dernière, après notre montée, on m’a décerné ce titre. Aujourd’hui, comme je le dis, avec l’âge je gère au mieux ma carrière et je ne laisse aucun détail parce que le football de haut niveau a ses exigences. Aujourd’hui, je n’ai aucun regret d’être là parce que je continue à jouer au football.
Les clubs grecs sont réputés ne pas payer régulièrement leurs joueurs. N’avez-vous pas été victime d’arriérés de salaires comme cela est devenu monnaie courante en Grèce ?
C’est vrai qu’en Grèce, des équipes ont tendance à ne pas payer leurs joueurs. Moi, j’en remercie Dieu parce que je n’ai jamais connu ce phénomène. Depuis que je suis là, j’ai été régulièrement payé par mon
club. J’ai toujours signé des contrats bêtons qui me protègent.
Ne regrettez-vous pas de n’avoir jamais connu de grands clubs dans votre carrière ?
Vous savez, le joueur a toujours besoin d’un bon manager. Moi, si je pense à mes agents j’ai des pincements au coeur. Mes agents n’ont jamais été à la hauteur. Parce que vu mon talent et les clubs dans lesquels je m’engage, il y a un grand fossé. Je n’ai connu que des clubs de seconde zone. A part Celtic Glasgow (D1 écossaise, ndlr), les clubs que j’ai connus auparavant n’étaient pas à la hauteur de mon talent. Ce n’est pas facile à entendre, mais je pense que mes agents ne faisaient pas leur boulot comme il se doit. Malgré tout, je ne regrette rien.
Qu’est-ce qui explique cela ?
C’est facile à comprendre. J’étais très jeune et j’avais des gens qui géraient ma carrière. Mais quand j’ai compris le jeu des agents, je les ai tous mis à la porte pour prendre mon destin en main. Aujourd’hui, je n’ai besoin d’aucun agent parce que je peux voler de mes propres ailes avec mon avocat. Je n’ai rien signé avec un quelconque agent. Je négocie avec eux en fonction des propositions qui se présentent.
Êtes-vous toujours motivé à atteindre les 100 sélections avec l’équipe nationale?
Bien sûr que oui. Mais, je ne reviens pas sur ma décision. Je rêve des 100 sélections, mais je n’appellerai personne pour le supplier pour quoi que ce soit. Si les entraîneurs pensent que je peux leur apporter quelque chose, je suis là pour ça, au cas contraire, je reste concentré dans mon club. En tout cas, je joue régulièrement dans un championnat très compliqué comme la Grèce. Encore une fois, je ne demande et n’exige rien de l’équipe nationale. J’y ai fait ce que j’avais à faire, le reste n’est pas de mon ressort.
Quelle appréciation faites-vous de la dernière prestation des Lions face à la Côte d’Ivoire ?
La dernière sortie des Lions a été pleine. Je pense que le Sénégal méritait de se qualifier. Sur l’ensemble des deux matchs, il a été à la hauteur de la Côte d’Ivoire qui s’est imposée grâce à l’expérience de ses joueurs. Pour ce dernier match, les gens n’ont rien à dire. On a assisté à un match de haut niveau. Il y avait un véritable sursaut d’orgueil. Il faut être animé d’une mauvaise intention pour dire que les Lions sont passés à côté de leur sujet malgré l’élimination. Parfois, il y a des critiques sans fondement. Je sais que cette génération va faire mal à l’avenir. Il suffit qu’on les propulse pour que ces jeunes fassent mieux que notre génération de 2002. Maintenant, ceux qui critiquent sont libres de dire ce qu’ils veulent.
L’avenir est-il assuré après cette dernière sortie des Lions ?
Le dernier match peut constituer un stimulant pour l’avenir. Maintenant, il y a une grosse responsabilité qui pèse sur les épaules des footballeurs. Ils ne doivent plus faire moins que ce qu’ils ont démontré à Casablanca. C’est sûr que si on unit les coeurs, cette équipe du Sénégal peut remporter une CAN. Elle en a des moyens. En tant qu’ancien, on a besoin de nous sur un autre terrain, mais pas sur celui du dénigrement. On doit montrer une bonne image du football sénégalais.
Qu’en pensez-vous des anciens internationaux qui investissent le championnat local ?
Je les encourage. Les gens ne comprennent certainement pas pourquoi des anciens internationaux reviennent en Ligue 1 sénégalaise, mais je pense que c’est une bonne chose. Personnellement, cela fait partie de mon objectif. Et c’est sûr qu’en revenant au Jaraaf, ça ne sera pas pour de l’argent parce que le Jaraaf ne pourra pas me payer. Je veux juste participer à relever le niveau du Championnat local, mais non pas pour autres choses.
Suivez-vous l’actualité du Jaraaf, votre club de coeur ?
J’ai franchement suivi cet épisode, mais je pense que cette situation est maintenant derrière nous. Je n’ai pas leur contact, mais connaissant Cheikh Seck, je sais qu’il sera souple. Ce n’est pas facile de gérer un club comme Jaraaf. Aujourd’hui, il doit tout faire pour fédérer les esprits et payer les salaires et les primes des joueurs. C’est sur que Cheikh Seck et Me El Hadji Diouf peuvent travailler ensemble pour l’intérêt du club. Ils sont tous des Jaraafmen jusqu’au sang.
Combien d’années vous restet-il dans le haut niveau ?
Avec mon âge, seule l’envie reste. Le jour où je n’aurais plus envie, je raccrocherais. Il me reste un an au bout duquel j’évaluerai. Si je peux atteindre le record de Giggs qui, à 40 ans, joue toujours, je le ferai. Mais je suis conscient que ça risque d’être compliqué pour moi.
Vous êtes pratiquement le seul de la génération de 2002 à rester dans le haut niveau. Qu’est-ce qui explique cela ?
Ça c’est vrai. Mais la plupart sont plus âgés que moi. Personnellement, je ne connais que le football depuis le bas âge. Si j’ai tout laissé pour me consacrer au football, je dois avoir une bonne hygiène de vie pour rester dans le haut niveau.
Quel projet aimeriez-vous mettre en place après votre carrière de footballeur ?
Je discute avec mes conseillers et mon entourage. J’ai certes des projets dans le football, mais je réfère ne pas en parler parce que nous sommes dans un pays spécial où, il ne faut pas trop aller en besogne.
©Stades