André Ayew est sur les traces de son père, Abedi Pelé, une ancienne icône du football africain, dont l’évocation du nom en Coupe d’Afrique des Nations reste associée au souvenir de ses larmes en demi-finale lors de laquelle il avait écopé d’un carton jaune qui lui ôtait le plaisir de participer à la finale. 23 ans plus tard, le fils, devenu lui aussi grande star des «Black Stars», espère porter les siens en finale, tout en réussissant là où le pater a échoué. L’histoire est d’autant plus tentante que l’adversaire pourrait être le même. Mais il faudrait déjà écarter du chemin un pays hôte survolté après son qualification historique à ce stade de la compétition. André Ayew revient sur cette dernière manche qui pourrait conduire le Ghana en finale et le parcours rassurant des siens, après une défaite d’entrée contre le Sénégal, dont il fut surpris de l’élimination par la suite.
Le Ghana est finalement en demi-finales, après des débuts difficiles, notamment une défaite d’entrée contre le Sénégal, et une victoire sur le fil contre l’Algérie. Vous attendiez-vous à un tel sursaut ?
Oui, même après la défaite contre le Sénégal, je disais que nous n’étions pas encore morts. Certains ont peut-être cru qu’une défaite d’entrée dans un groupe de la mort nous éliminait, mais nous, on y croyait, on savait que nous avions les qualités pour rectifier le tir. On savait également qu’on avait les qualités pour remporter nos deux matches suivants et dans ce cas, on serait qualifiés. C’est pourquoi, nous n’avons jamais douté.
Ce match contre l’Algérie, avec le but de Gyan, en toute fin de partie, est-il le déclic ?
Un peu oui, car nous avions l’obligation de gagner pour ne pas nous laisser distancer par les équipes qui avaient gagné lors de la première journée (Sénégal et Algérie) surtout que nous jouions avant le 2e match du Sénégal. Face à l’Algérie, nous avons été solides et nous avons tout fait pour ne pas répéter les erreurs commises contre le Sénégal.
Quelles erreurs aviez-vous commises ?
Nous avions bien démarré le match, ensuite, nous n’avons pas été assez réalistes pour le tuer. Nous avons eu plusieurs fois l’occasion pour mettre ce deuxième but avant que le Sénégal ne revienne dans le match et ça nous a été fatal.
En évoquant ces erreurs, vous aviez pointé du doigt les occasions ratées par Atsu. Ne craignez-vous pas que cela puisse affecter le moral de votre coéquipier ?
Non du tout. Je l’ai dit comme ça parce qu’on m’avait demandé. Et puis c’est tombé sur lui, ça aurait pu être moi. Nous n’avons pas ce souci de nous dire des vérités quand quelque chose ne marche pas comme nous voulons. Nous avons la chance d’avoir un groupe où tout le monde se pratique depuis assez longtemps, souvent depuis les petites catégories et on se connaît assez pour éviter que des problèmes entre personnes surviennent. Atsu est un gars très cool, nous sommes très proches sur le terrain et en dehors. Hier, c’est lui qui nous a pratiquement qualifiés en demi-finale, avec un but venu d’ailleurs.
Êtes-vous d’avis d’avoir fait votre meilleur match contre la Guinée ?
J’espère que le meilleur match sera celui qu’on fera quand on sera qualifiés en finale et que ce sera pour remporter la coupe. Contre la Guinée, nous avons effectué une prestation solide, sérieuse sur toutes les lignes et nous avons eu la chance de tuer le match dès la première mi-temps, en étant très efficaces.
Peut-être que l’opposition n’était pas à la hauteur de l’évènement également, non ?
S’ils ont été à ce stade, c’est qu’ils méritaient d’être là. Ils étaient dans une poule pas facile quand même et ils n’ont pas perdu ni contre le Mali ni contre la Côte d’Ivoire ou contre le Cameroun. Nous avons fait un très bon match de manière collective et on peut être contents de nous, mais la Guinée n’a pas à avoir honte de cette élimination. Nous avons la chance de voir ce match nous sourire sur plusieurs plans. On était dans un bon jour. Mais on va se calmer, ne pas s’enflammer… Si on jette un œil à notre prestation, on dira simplement qu’on a fait notre boulot.
En demi-finale, vous héritez de la Guinée Equatoriale qui n’est pas un gros morceau, mais qui reste quand même le pays organisateur. Pas de crainte à ce propos ?
Aucune crainte. Je n’ai rien à craindre. Mais je respecte toutes les équipes qui sont là. Comme j’ai dit tantôt, si une équipe atteint ce stade, c’est qu’elle a des arguments solides pour être là. Qu’elle soit pays organisateur ou non, ce n’est pas le plus important. De toute façon, nous préférons nous concentrer sur notre équipe. On s’est qualifiés en demi-finales et quel que soit l’adversaire, il faudra être prêt à gagner. Mais maintenant, il faut bien récupérer parce qu’à partir des quarts de finale, il n’y a plus assez de temps pour récupérer suffisamment. On n’a plus que deux ou trois jours avant notre demi-finale face à la Guinée Équatoriale. Il faudra que chacun soit bien dans sa tête pour aborder ce match de la meilleure des manières.
Mais la Guinée Équatoriale s’en est difficilement sortie face à la Tunisie, et il a fallu une grosse erreur d’arbitrage pour qu’elle revienne dans un match qu’ils avaient quasiment perdu…
On ne va pas rentrer dans des débats de ce genre. Si l’on reste dans ces considérations, on ne s’en sortira jamais. Aucun match ne ressemble à un autre d’ailleurs. On ne peut pas aujourd’hui deviner la configuration d’un match qui n’est pas encore venu. Quoi qu’il en soit, nous ferons tout pour ne nous focaliser que sur le jeu et faire tout pour que la vérité du terrain soit en notre faveur. Je suis persuadé que ça se passera bien et qu’il n’y aura pas de problème au niveau de l’arbitrage.
Actuellement, le Ghana est l’un des favoris avec la Côte d’Ivoire. Vous sentez-vous prêts à assumer votre position ?
Ce n’est pas qu’on cherche à se dérober, mais nous nous contentons plutôt de jouer et de faire ce qu’on sait faire. Favori ou pas, ce n’est pas le plus important. A notre niveau, nous ne parlons pas encore du titre. Ce qui nous préoccupe, c’est notre demi-finale. On se prépare pour ça d’abord. Nous sommes déjà très contents d’arriver à ce stade de la compétition et je suis fier de faire partie de cette équipe, fier de mes camarades. Mais ce n’est pas fini. Il faudra encore continuer à monter en puissance.
Avez-vous regardé les autres matches de cette Can ?
Pas tous, juste quelques-uns. Pour le reste, je me suis contenté des résumés.
Avez-vous été impressionné par une des équipes ?
Pas spécialement. On sait que dans le football africain, les équipes sont très proches en termes de niveau. Du coup, on peut s’attendre toujours à des surprises et à des matches très disputés entre une équipe célèbre et une autre qui l’est moins. Il suffit d’un petit détail pour que tout bascule d’un côté ou d’un autre.
Comme pour le Sénégal qui a réussi l’exploit de vous battre, sans pour autant se qualifier au bout ?
Ah, ça a été une des surprises. Surtout après leur première victoire contre nous. C’est une équipe solide, bien assise sur le plan physique et avec de bonnes individualités, des joueurs de qualité.
Peut-être qu’ils se sont vus trop beaux après la victoire face au Ghana ?
Ça s’est joué sur des détails, mais dans cette poule, chacune des quatre équipes pouvait passer. Si le Sénégal était dans une autre poule, peut-être qu’avec 4 points il serait passé.
Finalement, jusque-là ce match est le seul que vous avez perdu dans le tournoi. Et cela coïncide avec l’absence de Gyan Asamoah pour cause de blessure. Dimanche, il est encore sorti sur blessure contre la Guinée… Vous ne craignez pas que son absence fasse les mêmes effets ?
D’abord, j’espère qu’il se remette très tôt. Il a reçu un coup en toute fin de match. Gyan est un élément très important dans le groupe. C’est le capitaine et quand il est là, il est d’un apport incommensurable. Mais nous avons la chance d’avoir un groupe où chacun est important. Hier (avant-hier, Ndrl) Kwesi a été titularisé et il a marqué. L’autre jour c’était Jordan qui a amené un penalty. J’ai eu la chance de marquer contre l’Afrique du Sud, Gyan a mis celui contre l’Algérie. Contre la Guinée, Atsu a également mis deux buts. Ça veut dire que nous avons un groupe où chacun a son importance. L’essentiel, c’est que l’équipe aille au bout, peut importe ceux qui joueront.
La Côte d’Ivoire est l’équipe favorite dans l’autre demi-finale. Et si le Ghana et la Côte d’Ivoire se qualifient en finale, ce serait un remake de la finale de 1992, disputée au Sénégal, avec votre père qui fut capitaine, mais qui avait manqué la finale à cause d’une suspension. En avez-vous des souvenirs ?
Il faut déjà gagner les demi-finales. On n’en est pas encore là. On me parle de plus en plus de cette finale de 1992 que le Ghana avait malheureusement perdue à Dakar, avec la longue série de tirs au but (0-0, tab 10-11 pour la Côte d’Ivoire). C’est une finale historique et ce souvenir est resté amer pour Papa (Abedi Ayew «Pelé», son père, ancien international et ancienne vedette du Ghana, Ndlr) et pour tous les Ghanéens. Il avait manqué la finale parce qu’il avait reçu un carton jaune de trop en demi-finale. Je vais déjà essayer de ne pas en prendre demain (Rires). Mais non, ce n’est pas la même histoire. Les contextes ne sont plus les mêmes.
En Côte d’Ivoire, il y a Hervé Renard sur le banc, que vous connaissez-bien…
Ah oui, très bien ! C’est un excellent coach et une très bonne personne. Nous avons passé de très bons moments quand il était dans le staff du Ghana (entraîneur adjoint en 2008), ensuite il est parti faire de bonnes choses avec la Zambie (championne d’Afrique en 2012 avec Renard comme entraîneur) et maintenant avec la Côte d’Ivoire. C’est un travailleur. Je lui souhaite d’aller en finale, mais de la perdre contre nous surtout.
Ça signifierait un remake de la finale de 1992, mais avec un changement du vainqueur ?
Ça signifierait surtout le Ghana champion d’Afrique (Rires). Mais on n’en est pas encore là. On n’en est pas encore là.