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Il y a 12 ans, l’as du ballon qu’il fut brillait au Mondial. C’était en 2002 en Corée et Japon. C’est aux Almadies, dans un restaurant chic de ce quartier résidentiel de Dakar, que nous avons rencontré El Hadji Diouf qui a accepté de nous parler de ce grand rendez-vous du football mondial qui s’ouvre jeudi prochain au Brésil. Diouf ne cache pas sa peine de voir le Sénégal absent de cette compétition, analyse les chances des uns et des autres. Mais aussi en profite pour jeter un rapide coup d’œil sur le Sénégal d’aujourd’hui…

L’évènement sportif se déroule au Brésil où va démarrer le Mondial 2014. Vous avez marqué votre temps en 2002. Vous devez être bien nostalgique ?

C’est sûr. Mais je me suis dit encore une fois de plus que c’est dommage que notre pays ne participe pas à la Coupe du monde. Il y avait place mais je crois qu’on a mal géré la situation. J’espère qu’on va retenir les leçons, analyser les raisons pour lesquelles on ne s’est pas qualifiés et essayer de rectifier les erreurs qu’on a commises afin que cela ne se répète plus jamais. C’est vrai qu’une Coupe du monde, c’est le rêve de tout joueur dans sa vie.

C’est comme un musulman aujourd’hui dans sa vie. Tout ce dont il rêve, c’est d’aller à La Mecque. Et je crois qu’aujourd’hui, la coupe du monde, c’est le sommet dans la hiérarchie du football mondial. Dans ma vie, je me suis toujours dit : “on fait ce qu’on a à faire et on s’en va”. Et je crois qu’aujourd’hui, on a laissé quelque chose de grandiose, on a laissé quelque chose de magnifique. Et je crois que tout le Sénégal doit être fier de nous, de ma génération.

Mais dites-nous, les images de 2002 ne vous reviennent-elles pas ? Ce sont sans doute des souvenirs puissants qui sont toujours en vous, qui fusent en vous? N’est-ce pas ?

Une posture tout à fait normale, non ? Les Sénégalais ou le monde entier me le rappellent. Tous les jours partout où je vais, les gens me rappellent 2002 ; et je crois qu’aujourd’hui, c’est ça l’essentiel. Je viens aujourd’hui d’Anambé ; j’ai vu des jeunes qui n’étaient pas nés à cette époque et qui me parlent de 2002. Ça veut dire que je peux aussi être fier de ce que j’ai fait, de même que ma famille et mes amis.

Vous devez sans doute être frustré en voyant des équipes comme la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Ghana au Brésil. Ça doit faire mal d’être absent ?

Elles le méritent. Franchement les équipes qui sont à la coupe du monde le méritent. Moi Je n’enlève rien au mérite des gens. Si le Sénégal n’est pas allé en Coupe du monde, ça veut juste dire qu’on ne le mérite pas. Pour aller à la coupe du monde, il ne suffit pas seulement d’avoir de très bons joueurs ou une bonne équipe. Je crois que de bons dirigeants sont aussi importants que ceux qui sont sur le terrain.

Vous avez toujours critiqué les dirigeants, avez-vous toujours le même discours ?

Je n’ai pas du tout critiqué pour le plaisir de critiquer. Si on n’est pas aujourd’hui qualifiés à la coupe du monde, c’est parce qu’on manque de dirigeants et c’est cela la vérité. Ce qui se passe, c’est qu’on n’a pas les dirigeants qu’il faut. Et ce sont ces dirigeants qui choisissent l’entraîneur. Si on regarde bien, les dirigeants et l’entraîneur, c’est la même chose.

A vous entendre parler, on a comme l’impression qu’on doit virer tout le monde ?

Ce n’est pas une question de virer. Virer est un gros mot. Mais, je crois que quelqu’un qui n’a rien fait doit partir et céder sa place à quelqu’un d’autre qui va pouvoir assumer ses responsabilités. Un dirigeant ne peut pas échouer partout dans le monde, échouer dans toutes les compétitions et aujourd’hui gagner encore à la fédération à 100%. Cela veut dire que le fait qu’il reste est juste le fruit d’un lobbying et ça, tout le monde le sait. Mais encore une fois, je le répète, tant qu’il y a ces histoires de lobbying, on n’ira nulle part.

On a vu l’équipe dirigée par Aliou Cissé faire match nul avec une grande équipe comme la Colombie. Qu’en pensez-vous ?

Ça montre que Alioune Cissé est en train de faire un bon boulot depuis très longtemps. Il mérite aujourd’hui d’avoir l’équipe première et on ne sait pas pourquoi on attend. On l’a reconduit après que Giresse a fait couler l’équipe. Giresse devait qualifier l’équipe nationale à la coupe du monde, il ne l’a pas fait. Ça se voit que depuis qu’il est là, on ne fait que des matchs nuls. Donc personne ne comprend. Cela prouve qu’ Alioune Cissé est en train de faire un très bon boulot ; espérons qu’un jour, ils vont se réveiller pour voir ce que Alioune est en train de faire. J’espère que ça ne sera pas trop tard.

Si on prend l’exemple de la Côte d’Ivoire, on se rend compte qu’ils sont restés un certain nombre d’années sans rien gagner, sans aller à une coupe d’Afrique, ni en coupe du monde. A mon avis, il faut l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Ils n’ont qu’à prendre les joueurs de football et leur donner leurs chances comme en Côte D’ivoire. Tout le staff, c’est eux qui avaient joué la coupe du monde en 1994 et là, ils ont commencé à gagner.

Ce qui signifie que tant qu’on ne virera pas Giresse, il n’y aura rien?

Le vrai problème, ce n’est pas seulement Giresse, ce sont les gens qui l’ont mis là. Tout le monde sait que Giresse a des limites. Mais c’est le système qu’il faut casser et que tous ces gens-là partent. C’est eux qui sont à la Ligue de football du Sénégal aussi. La preuve, nos équipes partent jouer la coupe d’Afrique des clubs, ça ne marche pas non plus, ça veut tout dire.

Pensez-vous qu’il y ait une équipe africaine qui a la chance d’atteindre le niveau que vous avez atteint en 2002 ?

N’oublions pas que ce n’est pas la meilleure équipe qui fera la meilleure coupe du monde. Il y a toujours des outsiders qui vont sortir du lot comme le Sénégal en 2002. Mais je crois que toutes les équipes africaines ont la possibilité de briller. Ce que je leur demande surtout en tant qu’Africains, c’est de représenter dignement l’Afrique.

Qu’est-ce qui fait que les Africains n’atteignent jamais le sommet alors que nous avons de grandes équipes ?

C’est tout simple, c’est un problème d’organisation. Est-ce qu’on a les mêmes organisations ? Non. Ils sont mieux organisés que nous. Le jour où on sera organisé comme les Européens, on gagnera quelque chose. La réponse est donc simple, il n’y a que l’organisation qui change.

La rigueur peut-être?

Ils ne sont pas plus rigoureux que nous, j’ai joué dans les meilleurs clubs européens. Aujourd’hui la différence entre les championnats européens et ceux africains c’est quoi, c’est l’organisation, c’est tout. Ils ne sont pas meilleurs que nous sur le terrain mais ils sont plus organisés que nous, c’est tout simple. Le jour où on aura des dirigeants aussi ambitieux qui savent parler avec les joueurs, ou le discours passe, là, on passera un cap. C’est ça le vrai problème ; c’est là où le blocage se trouve. Le jour où on aura de bons dirigeants comme les dirigeants européens, on fera mieux.

Alors si vous devez pronostiquer sur une équipe, le Brésil…

Moi je dirais l’Espagne ; elle a la meilleure équipe sur tous les bords. Je pense que l’Espagne va aller en finale. Je prendrais aussi le Brésil parce que c’est le pays organisateur. L’engouement de l’organisation et la troisième équipe, je dirais l’Argentine parce qu’ils ont le meilleur joueur du monde Lionel Messi. Le quatrième, l’Allemagne parce que l’Allemagne n’a jamais lâché.

Pourquoi pas une équipe Africaine dans le lot ?

Je souhaite qu’une équipe africaine gagne la coupe du monde, mais je sais qu’il y aura toujours des problèmes avant la fin de la coupe du monde.

El Hadji Diouf, ce n’est pas seulement le football. Vous êtes aussi un leader d’opinion. Que pensez-vous de la gestion du pays ?

Je crois que le président de la République, c’est quelqu’un qui a des idées. Si on le soutient, il va faire du Sénégal comme il rêve de le faire : un pays émergent. Le Président a beaucoup d’idées mais je crois qu’il y a beaucoup de personnes autour de lui qui le bloquent ; ou bien un entourage qui ne l’aide pas trop. Mais je crois en même temps qu’aujourd’hui, si tous les Sénégalais croient au travail, il pourra réussir parce qu’on ne peut aller nulle part sans travailler, car seul le travail paye. Mais lui, le Président, c’est un bosseur, je le connais super bien.

Quand vous parlez de son entourage, vous parlez exactement de qui ?

Je dis que depuis que je suis là, j’ai réglé pas mal de papiers, je dis que c’est déjà dur. Mais tout ce que je lui souhaite, c’est ce que je dis et cela, c’est un appel à tout son entourage qui travaille avec lui afin qu’il soit ambitieux comme le président et travailler pour le pays.

Est-ce que pour vous la cadence est bonne?

Je pense que c’est un problème de cadence et Macky a au moins dix ans de plus que les gens avec qui il travaille. Donc je demande aux gens qui travaillent pour lui de travailler, de se lâcher et d’aller vite. On n’a pas de temps à perdre…

Vous pensez que c’est un régime qui pourra réussir ?

Bien sûr, c’est un régime qui pourra réussir parce que la jeunesse est là et le pays lui fait confiance. Et comme j’ai l’habitude de le dire, on a beaucoup d’espoir. Quand on met un jeune à la tête d’un pays, c’est parce qu’on fonde beaucoup d’espoir. Espérons juste qu’il réussisse dans ce qu’on lui a confié.

Vous ne faites pas partie des gens qui disent que “Dëkk bi dafa Macky”

Moi, je suis El Hadji Diouf national, vous le savez bien. Je suis le El Hadji Diouf de la république. Je ne me mettrai jamais dans la peau d’un opposant parce que tout ce qui m’intéresse, c’est de bâtir le pays.

Vous avez donné en guise de cadeau d’anniversaire une Range Rover à votre femme. Qu’en est-il exactement ?

C’est tout simple, ce n’est pas un cadeau, c’est un devoir parce que c’est ma femme, la maman de mes enfants. C’est une personne qui m’a beaucoup soutenu dans ma vie. Ce n’est pas une déclaration d’amour, c’est une confirmation.

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