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Quand la Linguère de Saint-Louis s’interroge sur son futur, c’est toute l’histoire du football saint-louisien qui coule comme un fleuve parfois tempétueux parfois doux. Le club colle à la ville. Il a naguère rythmé ses divisions et ses réconciliations. Il regroupe les amis et frères dans des antagonismes passionnés. Mais il les réunit parfois à la recherche de l’essentiel.

Comme ce 9 septembre 1969 quand, dans la mouvance de la Réforme Lamine Diack, l’Espoir de Saint-Louis et la Saint-Louisienne se sont dits oui “pour le meilleur et le pire”. Depuis lors, leur chemin s’est inscrit dans cette dualité, avec des histoires de division et de réconciliation, mais pour une Linguère qui vit toujours.

De vendredi à hier dimanche, Saint-Louis a vécu les Soixante-douze heures de ce club. Entre exposition, conférence, soirée de gala et récital de prières.

“Le football saint-louisien des origines à nos jours” a été visité par Sidy Sissokho, auteur d’une thèse de troisième cycle d’Histoire sur l’évolution du football sénégalais. Professeur Abdoulaye Sakho, agrégé des facultés de Droit, a aussi posé “Quelques éléments pour la réflexion” sur la “Relance du football local saint-louisien”.

C’était dans les locaux du Conseil régional. Des bâtiments qui étaient là quand naissait le football au Sénégal, puisqu’on y a voté en 1914.

Bien sûr que ce fut nostalgique. Dans cette ville on a joué au football “pour le première fois au Sénégal en 1905”, cinq ans avant Dakar, le ballon n’a jamais cessé de rebondir. Beaucoup de clubs sont nés, beaucoup sont morts. Les survivants entretiennent la légende.

Quand on visite l’exposition sur l’histoire du football saint-louisien, en compagnie des amis Doudou Diène (ancien de la Rts) et Abdoulaye Diaw (Rfm), l’histoire pose ses étapes entre anecdotes, légendes et gravités. Elle part des années 1930, fige des équipes (Onze Diables, Avenir, Réveil, Gaieté, etc.) ou des actions de jeu pour l’éternité, magnifie la finale de 1970 (Linguère-Jaraaf : 3-0), pour montrer combien le football sénégalais a été marqué par Saint-Louis.

Les célébrités défilent. On tombe sur un futur général ou un ministre en devenir, voire des directeurs de société du lendemain, en culotte, bas, maillot et godasses. On vous sérine encore, comme le fera l’ancien international Babacar Bâ, qu’on entrait en football comme d’autres entrent en séminaire : pour s’éduquer, porter des valeurs, chercher le meilleur de soi.

C’est une superbe exposition qui mérite de s’étaler à Dakar et dans toute autre région où la “saint-Louisanité” fait battre les cœurs.

La nostalgie est très forte à Saint-Louis. Elle n’enferme cependant pas dans les lacets du passé. Ce dont il s’est agi durant ces Soixante-douze heures, c’est aussi de voir comment la Linguère “représenter Saint-Louis de manière efficace” (le président Aboubacar Sédikhe Sy), réfléchir sur ce qui s’est passé hier et poser la question de l’avenir des clubs traditionnels.

Cinq repères balisent l’avenir que dessine professeur Sakho : “Diminuer le nombre de clubs pour l’élite”, s’interroger sur “Qui est propriétaire du club” entre les supporters, la mairie et/ou les investisseurs, redéfinir “le modèle économique pour la gestion du club”, rediscuter le rôle et la place des centres de formation, revoir les politiques en matière d’infrastructures. Les “discutants” (Abdoulaye Diaw, Mamadou Koumé, Tidiane Kassé) ont ajouté une couche, Amsatou Fall, directeur exécutif de la Ligue Pro, a soulevé les questions d’ensemble qui interpellent la politique sportive de l’Etat.

Ce n’était donc pas une question de cuisine interne pour la Linguère. Les interpellations sont globales. Elles posent l’avenir du football sénégalais, voire l’ensemble du sport sénégalais. On peut avoir l’impression de ressasser des redites, mais le partage que le Linguère peut faire des actes de ce séminaire, l’interpellation qui peut s’en suivre vis-à-vis des autorités peut avoir force de déclic. Il faut sortir des logiques de “campagnes” pour penser à un réel développement sportif.

L’intérêt de ces Soixante-douze heures est aussi d’avoir ouvert l’espace de discussions à des professeurs d’université (Buuba Joob, Souleymane Bachir Diagne), à des parlementaires et anciens ambassadeur, à tous ceux-là pour qui le sport est une passion peu connue, qui ont été des pratiquants ou des dirigeants dans une vie antérieure, et pour qui la réflexion ne se limite aux 1-0 du dimanche.

Dieu… Que le sport est riche de ses hommes dans ce pays au moment où le marasme l’étrangle.

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