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Fallait-il laisser Olivier, le fils exilé au Maghreb, prendre le risque de s’installer il y a deux mois en Libye, l’un des pays les plus dangereux de la planète, pour y exercer son métier de footballeur ? La famille du joueur s’est réunie dans son salon de Dakar et la réponse est tombée fin décembre 2017 après quelques hésitations. « Ma mère et mes deux grands frères [son père est décédé il y a quelques mois] ont accepté que je réponde favorablement à l’offre du club d’Al-Ittihad, répond aujourd’hui le défenseur de 23 ans. Mais si ma mère avait dit non, je ne serai pas venu à Tripoli. »

Olivier Ndiaye a quitté début janvier la quiétude de Tétouan, au Maroc, pour l’ambiance bien plus pesante de la capitale libyenne. Pour six mois, d’abord. « A Tétouan, il y avait des retards de salaire, raconte t-il. On m’a proposé Al-Ittihad. La Libye, ce n’était pas une destination que j’avais envisagée. Mais c’est un grand club, qualifié pour la Coupe de la CAF [Confédération africaine de football]. Je me suis renseigné auprès de Vianney Mabidé, l’international centrafricain, qui est prêté par Tétouan à Al-Ahly, l’autre grand club de Tripoli. Il m’a dit qu’il n’avait pas de problèmes particuliers. Les dirigeants d’Al-Ittihad, l’agent qui m’a mis en contact avec eux et le coach français, Diego Garzitto [qui a notamment entraîné le club congolais Tout Puissant Mazembe, le WAC Casablanca, Al-Merreikh et Al-Hilal au Soudan] m’ont dit que je serai logé à l’hôtel Radisson, ultra sécurisé, et qu’un chauffeur serait à ma disposition », explique le joueur.

Sous protection policière

Les arguments sécuritaires ont convaincu Olivier Ndiaye et sa famille. L’offre financière a fait le reste. A Tripoli, le joueur perçoit un salaire de 4 000 euros par mois, hors primes et avantages en nature, soit un peu plus qu’au Maroc. « Quand je suis arrivé dans ce pays, en 2015, à Al-Hoceima [2015-juin 2017], je gagnais 1 500 euros par mois, sans les primes. A Tétouan, c’était plus élevé, mais comme je n’étais pas toujours payé… »

Au Sénégal, Olivier Ndiaye, né à Brim en Casamance, était professionnel à Niarry Tally, une formation dakaroise évoluant en Ligue 1, dans un championnat certes professionnel, mais pas forcément rémunérateur. « Je gagnais environ 300 euros par mois avec quelques primes de match allant de 30 à 50 euros. Comme j’étais logé chez mes parents, je vivais correctement. Mais si on veut progresser et mieux gagner sa vie, il faut s’exiler. »

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Son père, militaire de carrière, ne voyait pas d’un très bon œil le penchant de son fils pour le football, alors que ses autres enfants poursuivaient leurs études universitaires. « Mais comme il a vu que je me donnais du mal, il a compris mon objectif. Ma mère l’a aussi convaincu », sourit Olivier.

L’annonce de son départ coïncide quasiment avec la diffusion d’images abominables, tournées par CNN, montrant des Subsahariens réduits en esclavages en Libye. « On me demandait ce que j’allais faire dans ce pays… J’ai été choqué par ce que j’ai vu à la télé, avec ces gens traités comme cela. »

A Tripoli, le joueur limite au maximum ses déplacements. Un soir, alors que tous ses coéquipiers avaient été conviés à un dîner organisé par le capitaine de l’équipe, le Sénégalais et les autres étrangers du club – un Ivoirien, un Ghanéen et un Soudanais – sont arrêtés par une patrouille de la police tripolitaine. « Nos passeports étaient au club, se souvient Olivier Ndiaye. Allez expliquer que vous êtes des joueurs d’Al-Ittihad… Heureusement, un collègue libyen est passé par là et a appelé le président du club, qui a arrangé les choses. » Ce dernier est l’un des responsables de la sécurité dans la capitale.

Compétitions par intermittence

La nuit, parfois, les Tripolitains sont réveillés par le crépitement des balles. « Au début, on m’a dit que c’était pour célébrer des mariages », raconte-t-il, à moitié convaincu par l’explication, mais qui dit se sentir plutôt bien dans son nouvel environnement. La plupart des déplacements dans le pays se font sous protection policière. Fin février, Al-Ittihad s’est déplacé avec une escorte impressionnante à Misrata pour disputer un match de Coupe de Libye. Dans les stades, les Libyens, fans de foot, reviennent pour assister aux matches des compétitions domestiques, qui se disputent par intermittence depuis la révolution de 2011.

« On passe aussi du temps en Tunisie, où nous jouons nos rencontres de Coupe de la CAF à domicile, puisque les matches internationaux sont interdits en Libye, explique-t-il avant d’affronter, dimanche 18 mars, à Uyo, les Nigérians d’Akwa United (1-0 à l’aller) au deuxième tour. Mais ici, je me sens bien, il y a de la passion dans les stades. Je m’adapte petit à petit. »

Au Maroc, il n’avait pas connu, contrairement à plusieurs joueurs subsahariens, d’insultes racistes. La situation est la même dans le championnat libyen et il se dit épargné. Sa mère, qu’il appelle plusieurs fois par semaine, est plus apaisée.

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