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Formé à Rennes, Pape Diop est le moteur du surprenant Levante. Le milieu de terrain sénégalais a su prendre le meilleur du football des deux côtés des Pyrénées. Son nom circulera beaucoup en fin de saison, car il est dans l’agenda de nombreux clubs européens.

Vous avez atterri en Europe il y a maintenant dix ans…
Je suis arrivé à Rennes à la fin de mes 16 ans. Je me sens en quelque sorte mi-sénégalais, mi-breton. Eric Attard, formeur du club, avait organisé des matchs au Sénégal pour recruter de jeunes talents. Rennes m’a formé pendant deux ans avant de signer pro à l’âge de 19 ans.

En Afrique, certains agents sans scrupules endettent les familles des jeunes joueurs…
Oui, d’où la loi qui interdit les clubs français d’engager des Africains mineurs. Trop de joueurs partaient à l’aventure, puis se retrouvaient sans papiers et dans la misère. Mon père privilégiait mes études. Pour que mes parents me laissent partir, Rennes a tout financé.

Avez-vous toujours été milieu défensif?
Non. En arrivant à Rennes, je jouais 10 et parfois même attaquant. A Tours aussi, on m’a souvent placé juste derrière l’avant-centre. C’est en arrivant en Espagne que le coach m’a replacé au poste de milieu défensif. Au début, j’étais plus milieu relayeur dans un 4-3-3 au Nastic, puis milieu défensif pur au Racing Santander et au Levante.

Sent-on la différence de jeu en arrivant en Espagne?
Oui, il y a de très bons clubs formateurs en France, mais on sent tout de suite la différence. Ce qui m’a marqué en Espagne, c’est la qualité technique, mais aussi la vitesse de jeu: toujours une touche de balle en moins, avec des joueurs moins physiques mais plus techniques qu’en France.

Et l’adaptation au pays?
Passer du froid de Tours au soleil de Tarragone m’a tout de suite mis dans le bain. Ici le foot est une fête tous les week-ends, avec des supporters très passionnés. J’ai passé six mois extraordinaires au Nastic Tarragone. C’est à partir de là que je suis tombé amoureux de l’Espagne.

Vous avez ensuite débuté en Liga avec le Racing Santander, qui vit des moments très difficiles…
Tout a commencé il y a quatre ans. Quand j’étais là-bas, il se passait des choses bizarres, on ne parlait plus de foot, mais de tout ce qui se passait autour du club. Le club devait de l’argent aux joueurs, on ne savait pas qui allait le racheter… C’est vraiment dommage, car c’est une belle ville qui vit intensément le foot.

Quel est le secret du Levante?
C’est un club organisé, avec les idées claires. Le club ne vit pas au-dessus de ses moyens et va chercher des joueurs un peu frustrés par leur parcours qui veulent se racheter. C’était le cas d’Arouna Koné et d’Obafemi Martins, qui ont rebondi ici. On sait que les choses seront dures jusqu’à la fin: l’objectif est d’obtenir le maintien, et après, si on peut accrocher l’Europa League, ce sera une belle récompense.

Quelles sont vos idoles en-dehors du football?
J’en ai beaucoup: Mohamed Ali, Martin Luther King, Malcom X, Nelson Mandela… Des penseurs, des philosophes qui m’inspirent dans les moments difficiles pour me relever et avancer.

“Je vais courir comme un noir pour vivre comme un blanc”: Que pensez-vous de cette célèbre phrase de Samuel Eto’o?
Je n’ai jamais aimé cette phrase, mais je comprends ce qu’il voulait dire. Mon père disait tout le temps qu’il fallait faire le double qu’un blanc pour réussir. Le stéréotype du joueur africain physique qui court beaucoup empêche de voir ses qualités techniques. Quand tu montres que tu as la “gnaque”, mais que tu n’as pas que ça, que tu as aussi les qualités techniques, c’est frustrant… Mais c’est un problème de société plus qu’un problème spécifique au foot.

Ces préjugés sont-ils plus intenses en Espagne?
Je le sens plus en Espagne. En France, on a assimilé le fait d’avoir des immigrés. On en est à environ quatre générations d’Africains nés en France. Ici, c’est plus récent. Du moment qu’on me respecte, je fais avec.

Le Sénégal a eliminé la France et est arrivé en quarts du Mondial 2006, mais c’est sa seule participation. Que manque-t-il au Sénégal pour être plus présent?
On a besoin d’être plus organisés pour être plus réguliers dans les compétitions. Nous n’avons jamais gagné un tournoi continental alors que le Sénégal est considéré comme une grande nation du foot africain. On a toujours eu de grands joueurs, mais il faut prendre le temps de créer une équipe, ne pas se contenter de regrouper des individualités.

On parle souvent de problèmes d’égos pour justifier le manque de résultat des équipes africaines, pourtant très bonnes sur le papier…
Je suis incapable de donner une explication car je ne comprends pas moi-même ce qui se passe. Quand on voit la qualité des équipes africaines, il est incompréhensible qu’aucune n’aille jamais au bout. Il faut trouver ce qu’il nous manque par rapport aux équipes européennes, car le talent est là. C’est ce genre de détails qui nous feront avancer, pas de prendre les meilleurs joueurs et les mettre dans une équipe. Il faut savoir comment faire pour que cela fonctionne.

Chercher des joueurs complémentaires, plus que les meilleurs?
Peut-être… Mais peut-être que le problème ne vient pas que des joueurs. Cela peut venir de l’entourage. Il faut avoir une vision d’ensemble et se remettre en question. C’est frustrant de ne pas avancer malgré tout le talent existant.

Parlez-nous du Sénégal…
C’est un beau pays, beaucoup de Français y voyagent, mais les Espagnols y vont aussi petit à petit. C’est un pays stable, ce qui est rare en Afrique. Il n’y a pas de guerre, les musulmans et chrétiens vivent en parfaite harmonie… C’est un pays à visiter. La gastronomie est bonne. Nous sommes francophones, mais la gastronomie, riche en poissons et riz, est très proche de la cuisine espagnole.

Qué pensez-vous du Rally Dakar?
Comme l’épreuve ne passait pas par ma région, je ne la voyais qu’à la télevision. Cela a fait contribué à placer le Sénégal et dakar sur une carte, ce qui est une bonne chose, mais il est difficile de comprendre une course qui provoque des morts. Et c’est la même chose en Amérique Latine…

Vous a-t’on déjà confondu avec Pape Bouba Diop?
(rires). Non, parce que c’est un colosse. Pape est vraiment un prénom très commun au Sénégal, comme José en Espagne. Mais c’est vrai qu’ici, les gens ne font pas trop attention et confondent parfois les joueurs, comme si tous les noirs étaient pareils (rires).

Quel est votre rêve?
Gagner la Coupe d’Afrique avec le Sénégal. Ce serait une grande fierté d’offrir au pays son premier titre.

¿Et jouer une Coupe du Monde?
Vous ne m’avez accordé qu’un seul rêve… Le titre d’abord (rires). Evidemment, ce serait incroyable de jouer une Coupe du Monde avec le Sénégal. J’ai 27 ans, j’aurai 31 ans lors de la prochaine édition… Ce sera ma dernière chance.

 

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