Pour sa première saison à la direction de la Ligue pro, Saër Seck a réussi le pari de l’organisation. Arrivé à la tête de ladite structure après la démission de Louis Lamotte, au lendemain de l’échec de Bata lors de la Can 2012, le président de Diambars peut être doublement fier. D’abord, son club a remporté le titre de champion ; ensuite la saison a été bouclée en apothéose. Au chapitre des défis, il met en bonne position la nécessité de l’aide de l’Etat auquel il promet de présenter incessamment un document.
Quel bilan tirez-vous à l’issue de la saison de foot ?
« C’est un bilan satisfaisant. Nous avons commencé le championnat à date et l’avons bouclé dans les délais prévus. Le calendrier a été respecté, la programmation des matches également a été faite de manière équitable. Nous avons connu très peu d’événements hors des terrains. Les décisions de la commission de discipline ont été rendues de manière régulière. Nous avons renouvelé pour quatre ans notre contrat avec Orange. Un contrat amélioré par rapport au premier même si nous avons l’ambition d’aller au-delà à l’avenir. Nous avons également fait une belle finale de la Coupe de la Ligue. Nous avons pu éponger nos arriérés de la saison dernière, notamment au Casa, à Diambars, à Ngor et au Port (lauréats de la saison 2011-2012, ndlr). L’ensemble des primes des équipes titrées y compris les finalistes de la Coupe de la Ligue ont été payées. De même que celles des vice-champions, Ngor (L1) et Stade de Mbour (L2) et de Suneor, champion de L2. Les instances ont fonctionné de manière régulière et le bureau doit se retrouver prochainement pour apprécier d’abord le bilan et se projeter sur la prochaine saison.
Votre club, Diambars, a remporté le championnat après seulement deux saisons de présence dans l’élite. Vous attendiez-vous si tôt à cette consécration ?
« Non ! Evidemment, quand un club débarque dans l’élite du football, gagner un titre au bout de deux ans, c’est une performance de taille. En l’occurrence, le club avait été vice-champion l’année dernière. Donc depuis deux ans que nous sommes dans l’élite, Diambars est aux premières loges. C’est une performance remarquable, mais franchement, nous ne nous y attendions pas. D’abord, nous n’espérions même pas être en Ligue 1, en tout cas, notre programmation prenait en compte une période de cinq ans. Et donc nous pensions faire un apprentissage un peu plus laborieux en Ligue 1. Mais Dieu nous a prêté bonne fortune et a fait que notre club est devenu champion cette année à l’issue d’un championnat normal et régulier qui est beaucoup plus difficile à gagner. »
Après le titre, le défi c’est la confirmation…
« Oui ! C’est clair. Il y a l’adage qui dit que : « le plus difficile ce n’est pas d’aller au sommet mais d’y rester ». Alors, je ne sais pas depuis quand un club n’a pas été champion deux fois de suite, mais il est évident que nous essaierons de défendre notre titre l’an prochain de la manière la plus âpre possible. Si nous n’y arrivons pas, ce ne sera pas la fin du monde. »
Il y a aussi le défi africain. Comment comptez-vous le préparer ?
« On le prépare sereinement. J’ai déjà reçu la liste des clubs qualifiés pour la prochaine édition de la Ligue des champions, ainsi que le programme des compétions de la Caf. On n’y ira pas avec appréhension, mais avec quand même humilité. Cela dit, on a un certain nombre de certitudes. On vient de terminer un championnat qui a été de qualité. On a eu des matches d’assez haut niveau, et tout cela participe à la préparation des équipes sénégalaises dans le concert africain. Maintenant, que Diambars vaut au niveau africain ? On le découvrira ensemble l’an prochain. Mais soyez certain qu’on n’aura aucune appréhension. Même si on sera humble, on y ira effectivement avec détermination pour défendre de la manière la plus digne possible le drapeau du football local du Sénégal. »
Dans cette perspective, envisagez-vous de renforcer le groupe de performance avec des joueurs aguerris ?
« Pour le moment, nous avons un groupe de performance assez étoffé. A priori, notre principe, c’est de travailler avec des jeunes de Diambars. Cela dit, cette question est déjà évoquée et tous les staffs techniques de Diambars devraient se retrouver pour échanger sur de la question. Moi, en tant que président, je suis toujours le dernier à donner mon avis pour ne pas influer sur le débat, mais si l’on décide de se renforcer, évidemment, on regardera un peu partout. Pour le moment, la question fondamentale, c’est de savoir si nous allons garder ou non la totalité de notre effectif. Etant entendu que s’il y a des joueurs qui ont un certain nombre de possibilité, ils seront libérés pour aller faire des tests ou honorer des contrats … »
Diambars gagne de plus en plus en terme de sympathie. Allez-vous continuer à recevoir dans votre stade Fodé Wade ou migrer à Caroline Faye de Mbour ?
« C’est vrai qu’il y a un courant de sympathie qui se développe autour de l’équipe et que nous essaierons de structurer pour savoir exactement qui est vraiment notre vrai public, comment il est composé, etc., parce que souvent, nous avons un courant de sympathie, mais aussi des supporters de circonstance. Mais en ce qui concerne les lieux de réception, pour le championnat, on restera au stade Fodé Wade (…), mais pour les matches de compétition internationale, nous serons obligés de recevoir à Caroline Faye puisque notre stade risque d’être très exigu en plus des contraintes d’homologation par la Caf. »
Où en êtes-vous avec le projet de siège pour la Ligue pro ?
« Cette question aurait dû être derrière nous aujourd’hui. C’est le lieu de remercier la fédération qui a mis à notre disposition un bureau à son siège. En fait, nous avions identifié une villa, discuté, pris un accord et négocié un contrat avec le propriétaire. La mise en service du siège devait se faire le 1er juillet dernier. Mais à l’avant-veille, après que nous avons surveillé les travaux de réfection, nous avons eu la désagréable surprise de constater que le propriétaire avait loué le bâtiment à quelqu’un d’autre (rires). Et comme il n’y avait pas d’engagement financier de notre part, nous avons estimé que ce n’était pas la peine d’ester en justice, et nous nous sommes mis à rechercher un autre siège. Nous avons bon espoir d’en trouver sous peu. Ce que nous souhaitons, c’est trouver un siège et le rendre fonctionnel avant le démarrage de la prochaine saison. »
La majorité des présidents de clubs ont déploré l’absence de l’aide de l’Etat. Vous, en tant que président de la Ligue, qu’en pensez-vous ?
« Les présidents de club ont eu raison de s’en plaindre. Partout à travers le monde, non seulement le professionnalisme s’est développé mais il s’est consolidé avec l’aide de l’Etat. Et aujourd’hui encore, l’Etat français intervient, lui-même et ses démembrements, dans le fonctionnement et le financement des clubs professionnels. En Afrique aussi, partout où a expérimenté le professionnalisme, il y a la main de l’Etat. C’est pourquoi je comprends que les dirigeants s’en plaignent, mais, je pense qu’il ne suffit pas seulement de s’en plaindre. Il faut prendre le taureau par les cornes et que indiquer à l’Etat de manière claire, argumentée, le sens dans lequel nous souhaiterions qu’il nous apporte son aide. L’Etat a l’habitude de dire qu’il a même des difficultés pour financer l’équipe nationale A. Je crois que ce n’est pas un très bon signal. Maintenant, le football professionnel au Sénégal participe à la politique de l’emploi, donc à la lutte contre la pauvreté, à la mise en œuvre de la stratégie de développement économique et social. Nous avons quand même créé plus d’un millier d’emplois et je ne crois pas que le Fnpj, l’Anej et autres structures gouvernementales chargées de promouvoir et de donner un coup de fouet à la politique d’emploi des jeunes soient plus méritants que le Lsfp »
Mais la Ligue a-t-elle fait le premier pas ?
« Ayant pour le moment des préoccupations de consolidation de notre activité, nous ne nous sommes pas lancés à corps perdu dans une diatribe contre l’Etat, mais avons plutôt souhaité avoir une réflexion organisée et concevoir un document dans lequel nous indiquerons à l’Etat où nous voulons aller, ce que nous attendons de lui et les délais dans lesquels nous l’attendons. Ce document est en cours d’élaboration. Nous avons contracté avec un bureau d’études qui a une bonne implication dans le sport sénégalais, de bonnes compétences, de manière à préparer un document-référence et que nous présenterons à l’Etat du Sénégal. Les clubs ne peuvent pas saisir l’Etat en tant que clubs. C’est la Ligue, en tant qu’entité fédératrice de l’ensemble des clubs qui peut saisir l’Etat avec la Fédération à nos côtés. Parce que l’Etat doit appuyer le développement du football professionnel »
Au regard de vos rapports assez heurtés avec le ministre de tutelle, espérez-vous avoir une suite favorable à votre demande d’aide de l’Etat ?
« (Il marque un silence) Vous savez, j’apprécie que quelqu’un pense quelque chose et le dise, j’apprécie aussi que le monde du football s’inscrive dans une certaine forme de retenue. Nous savons où nous voulons aller. Nous savons ce que nous attendons de l’Etat. On peut ne pas être d’accord avec le ministre des Sports et avoir tout le respect qui sied, eu égard à son rang et à l’institut qu’il représente. Mais je ne désespère jamais quand je suis en face de mon Etat car désespérer, c’est la pire des choses qui puisse nous arriver. Je pense qu’il nous appartient d’argumenter, de convaincre l’Etat qui peut aujourd’hui avoir sa position mais qui, demain peut changer d’avis, après avoir analysé la Ligue professionnelle, pas simplement au niveau du jeu, de l’organisation des matches, mais du point de vue d’un acteur économique employant plus de 2.000 personnes. Il nous appartiendra de mettre en exergue les points les plus positifs de notre démarche et de notre activité afin que l’Etat, si tant est que sa position est de ne pas nous soutenir, puisse changer d’avis. Aujourd’hui, après que l’Etat nous a observés pendant cinq ans, on peut constater qu’on est allé vers un modèle sénégalais de développement du football professionnel. Il faut qu’il nous aide à asseoir des fondations solides.
Lesoleil