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La deuxième phase des éliminatoires de la Coupe du Monde 2014 bouclée, Alain Giresse refuse d’entrer dans une autoglorification, malgré l’atteinte de l’objectif initial. Le sélectionneur national tire le bilan de la première étape de son parcours à la tête de la Tanière. Avec ses convictions et ses doutes. Entretien.

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«On doit être plus réaliste, aussi bien dans la construction que dans la finition»

 

Coach, vous venez de boucler une phase dans les éliminatoires de la Coupe du Monde 2014. Quel bilan tirez-vous de ce parcours qui vous qualifie au dernier tour ?

Je n’ai pas dirigé l’ensemble de cette phase des éliminatoires, donc je ne vais pas pouvoir revenir sur tous les matches disputés dans ce cadre. Je ne peux pas porter une appréciation ou un jugement sur les deux matches pour lesquels je n’étais pas encore là. J’ai été là pour 4 matches sur 6. Nous avons gagné deux matches et obtenu deux nuls. Cela reste acceptable. Surtout à partir du moment où nous sommes qualifiés, l’essentiel est acquis. On n’a pas encore perdu de matches. Quand on en perd, on peut se voir reprocher des choses, mais on ne peut pas nous reprocher d’avoir gagné. Sur le plan comptable, je dirai qu’il manque deux points. Qui auraient du être pris en Angola et peut-être à l’aller aussi. Et là, ça aurait fait 4 points. Mais deux points de plus, ça aurait été plus logique et ça correspondrait davantage à ce qui a été produit.

Le fait d’avoir hérité d’une situation qui vous a obligé à jouer à l’étranger vos matches à domicile suffit-il à expliquer les carences notées dans le jeu ?

Si l’on rentre dans les détails de chaque match, pour les deux matches à domicile contre l’Ouganda et l’Angola, je dirai effectivement qu’il manque le soutien populaire qui aurait été forcément un plus pour tout d’un coup faire passer l’équipe dans une dimension plus importante en termes d’engagement. Aussi bien en Guinée qu’au Maroc (Ndlr : le Sénégal a reçu l’Angola en Guinée et l’Ouganda au Maroc, pour un match nul et une victoire), ça peut manquer. Quel est le poids de cette absence de public ? On ne peut pas le mesurer. C’est fatalement qu’on constate que c’est un plus que les autres ont quand ils jouent à domicile et que nous n’avons pas.

Quelle appréciation faites-vous du jeu qui a été produit, secteur par secteur ?

D’une façon générale, on peut être satisfait. Mais secteur par secteur, il y a encore des réglages à apporter. Sur le plan offensif, par exemple, je pense qu’on doit être plus réaliste qu’on ne l’a été. Et ça rejoint ce que je disais en évoquant les deux points qui nous manquent. Il faut être plus réaliste aussi bien dans la phase de construction que dans la finition, on doit être plus réaliste, plus précis et plus efficace.

«Le poste de gardien, c’est un secteur à améliorer, aussi bien en quantité qu’en qualité»

Même s’il y a eu des circonstances qui vous ont obligé à certains changements, peut-on trouver une explication de cette inefficacité dans l’instabilité qu’a connue le secteur offensif ?

Je ne trouve pas qu’il y a eu d’aussi grands changements que ça dans le secteur offensif. Après, comme vous dites, il y a des circonstances qui nous obligent à réaménager comme la suspension de Papiss (Demba Cissé). Mais, si vous prenez les matches du mois de juin (Ndlr : en Angola et au Liberia), il n’y a pas eu beaucoup de variations entre les deux matches. C’est pratiquement les mêmes qui ont joué. Maintenant, au-delà de ça, il faut aussi continuer à piocher, il faut chercher la ligne offensive qui est la plus performante, en complémentarité avec le milieu et les excentrés.

A votre arrivée, vous aviez fait le constat qu’il y a, dans cette équipe, des manquements au niveau des couloirs. Où en êtes-vous dans ce secteur où on vous a vu appeler beaucoup de profils différents (Armand Traoré, Cheikh Mbengue, Pape Souaré, Zarco Touré, Lamine Gassama, Issa Cissokho pour les arrières latéraux ; Stéphane Badji, Henri Saivet, Modou Sougou, Sadio Mané, Dame Ndoye, Mame Biram Diouf, Moussa Sow pour les milieux/attaquants excentrés) ?

Il y a du progrès à ce niveau ; dans la mesure où on arrive à trouver des joueurs de couloir, progressivement, qui démontrent qu’ils peuvent jouer à ces postes-là. Avant, on avait déjà un problème en termes de nombre. Maintenant, ce souci est en train de se résoudre petit à petit et il faut arriver à ce que le potentiel puisse être au niveau du reste des autres secteurs.

Dans l’entrejeu, il y a eu deux constantes, avec Gana Guèye et Mouhamed Diamé…

Jusqu’à présent, ce sont eux qui sont alignés et ils mettent en valeur leur complémentarité. Mais il n’y a jamais rien de figé. Il y a des jeunes qui poussent derrière, comme Alfred Ndiaye, Salif Sané, Stéphane Badji… Ils sont jeunes, ils sont là…

Ont-ils montré suffisamment de choses qui vous font croire qu’ils peuvent bousculer la hiérarchie préétablie ?

Ça dépend. Il faut voir à quelle échéance ils pourront changer l’ordre qui est là. Dans le futur, ils peuvent y prétendre. Ils ont toutes les qualités pour le faire. Ils sont jeunes et talentueux et peuvent bien postuler pour une place de titulaire.

Le poste qui a donné le moins de garanties, c’est peut-être celui de gardien de but où les candidats ne jouent pas en club et ne semblent pas convaincre les spécialistes au poste. Pour certains, c’est même le secteur où il y a moins de qualité. Est-ce le maillon faible de la sélection ?

C’est un constat qui est là et que je partage parfaitement avec vous. On ne peut pas nier cela. Mais, en même temps, on ne peut pas se plaindre d’un gardien qui serait complètement passé au travers lors d’un match. Il n’y a pas un match où le gardien aligné a raté son match. Peut-être que c’est parce qu’il n’y a pas eu beaucoup de travail à faire pendant ces matches, mais le fait est là. Je reconnais que le potentiel est limité, c’est une évidence. Pour le moment, ça n’a pas fait de dégât en termes de performance. Mais, c’est un secteur à améliorer. Aussi bien en quantité qu’en qualité.

Hormis Papiss Demba Cissé, qui doit revenir de suspension, y a-t-il  d’autres joueurs susceptibles d’intégrer le groupe, pour les deux matches du dernier tour ?

Pour parler d’un groupe qui peut être bousculé, il ne faut pas partir du groupe, mais plutôt voir quels sont les joueurs qui sont susceptibles de venir et d’apporter quelque chose de plus. Alors, faites-moi le décompte de ceux qui sont à l’évidence de joueurs qui doivent être là, en ce moment. Y a-t-il des joueurs qui peuvent rentrer dans le groupe et que ça soit vraiment quelque chose de si évident que ça ?

Par exemple ceux que vous aviez appelés à vos débuts et qui, entre-temps, ont disparu de la circulation, comme Demba Bâ, Bayal Sall…

Bayal Sall, Demba Bâ… Effectivement, ils étaient là au début. Maintenant, il faut voir s’il est plus évident qu’eux soient dans le groupe que ceux qui y sont actuellement ! Je ne suis pas convaincu. Je ne suis pas de votre avis, si c’est votre avis bien sûr. C’est vrai qu’il faut toujours chercher à améliorer, mais on ne peut pas tourner en rond éternellement. Sinon, si à chaque fois on démonte tout pour repartir à zéro, ça n’ira pas loin.

Comment faut-il aborder ce genre de matches couperets qui vous attend ? Quel discours faut-il tenir aux troupes pour qu’elles y arrivent dans les meilleures conditions ?

D’abord, c’est de se dire que c’est très bien d’être là. Maintenant, les deux matches qui vont arriver vont se jouer à peu de choses. Sur des détails. Il ne faut pas se prendre pour ce qu’on n’est pas non plus. On est heureux d’être là et je ne voudrais pas que ce qui s’est passé contre la Côte d’Ivoire (Ndlr : éliminatoires Can 2013) se reproduise. Il faudra donc se remobiliser, mais aussi un peu de mesure et de sérénité. C’est comme ça qu’il faut aborder ces matches. Le reste, c’est en fonction du tirage au sort, de l’adversaire sur lequel on tombera, des circonstances qui feront qu’on joue notre premier match à domicile ou à l’extérieur.

On sait que le Sénégal ne sera pas dans le chapeau 1 pour le tirage et a de fortes chances de tomber sur un gros morceau. Avez-vous une préférence parmi les potentiels adversaires pour ces deux derniers matches qui restent ?

Les grosses équipes sont toujours ce qu’elles sont et là, il y en a cinq. Et principalement, il y a la Côte d’Ivoire et le Nigeria qu’il faudrait bien éviter, c’est sûr. Plus que les autres en tout cas.

Il y a eu l’histoire des primes impayées qui a été évoquée lors du match contre l’Ouganda. Jusqu’à quel niveau cela est de nature à perturber le chantier qui se construit ?

C’est sûr que ça perturbe le groupe. Ce n’est pas une question d’argent, mais de respect des engagements pris. Quand on fait venir des joueurs, il faut un minimum. Il y a des jeunes qui sont là, professionnels, et ça ne fait pas sérieux qu’il puisse se passer quelque chose comme ça. On a vu ce qui s’est passé au mois de juin avec un déplacement très compliqué (Ndlr : match en Angola). Pour le moment, ça se passe bien, car nous avons des joueurs mentalement bien, corrects, mais à un moment donné, il faut qu’il y ait des garanties pour la suite. Ils sont dans leur droit de réclamer le respect des engagements. Ils n’en font pas une affaire d’argent, ce n’est pas un problème, mais une question de respect.

On sait que votre souhait, c’est de rester au Maroc pour le match à domicile. Est-ce un choix sans risque si l’on considère les paramètres qui peuvent être défavorable comme l’absence du public, comme ce fut le cas dernièrement, à Marrakech, mais surtout si on devrait tirer un adversaire comme l’Algérie ou l’Egypte dont les supporteurs n’auraient pas beaucoup de mal à rallier le Maroc voisin ?

Le problème, c’est que, même si la suspension prenait fin avant le match qu’on reçoit (Ndlr : la suspension du stade Lss prend fin le 29 novembre prochain et le match retour, c’est le 18 novembre), l’état actuel du stade Léopold Sédar Senghor est catastrophique. J’ai pu y voir les Olympiques, mais la pelouse est une catastrophe actuellement. Maintenant, c’est clair que c’est toujours mieux de compter sur l’appui du public. Quel que soit le public, mieux vaut l’avoir avec soi que contre soi. Si jamais on recevait au Maroc une équipe comme l’Algérie, c’est sûr que les Marocains seraient plus enclins à nous supporter, avec la rivalité sportive qu’il y a entre les équipes du Nord.

 

iGFM

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