Plus de 30 ans après sa dernière et unique CAN abritée en 1992, le Sénégal espérait fortement recevoir de nouveau la grand-messe du football africain en 2027. Finalement, la candidature sénégalaise a perdu par 4 voix à 8 face au trio Kenya-Ouganda-Tanzanie. De quoi s’interroger sur l’opportunité même de cette candidature qui semblait être dictée par une volonté politique plus que par la réalité d’un projet sportif.
Jugé comme un dossier de candidature excellent par le président de la Confédération africaine de football (CAF), Patrice Motsepe en personne, le projet sénégalais s’est vu souffler l’organisation de la CAN 2027 par la candidature Kenya-Ouganda-Tanzanie. Pourtant, seule la Tanzanie dispose d’un stade homologué par la CAF pour accueillir les matchs de compétition phare de la confédération. Au moment où le Sénégal entame une véritable mutation sur le plan des infrastructures sportives. Qu’est-ce qui explique donc ce revers de la candidature sénégalaise ?
Un « excellent » dossier soutenu par l’État
Une semaine après la défaite du dossier sénégalais, Afrik-Foot.com a pu s’entretenir avec Mme Jacqueline Fatima Bocoum, directrice de la Communication et RSE à l’Apix, mise à disposition de la Primature pour la candidature du Sénégal, pour un premier élément de réponse. Le dossier sénégalais était le meilleur selon elle. «Depuis plusieurs mois, l’État du Sénégal préparait sa candidature pour l’organisation de la CAN 2027 avec le Comité d’organisation logé à la Primature. Malgré le choix porté sur le trio Tanzanie-Kenya-Ouganda, la stratégie de promotion de l’événement proposée par le Sénégal a été élue meilleur document», s’est-elle félicitée malgré la déception.
Même si vraisemblablement il s’y est pris tardivement, l’État du Sénégal a mis les moyens dans cette dernière ligne droite. En témoigne la forte délégation sur place dirigée par Abdou Karim Fofana. Le Ministre du commerce, de la consommation et des petites et moyennes entreprises, porte-parole du gouvernement qui représentait le Premier Ministre et Ministre des Sports, «a fait une très belle présentation pour le dossier de candidature du Sénégal» le mercredi 27 septembre au Caire, informe Jacqueline Bocoum.
Pour convaincre le comité exécutif de la CAF, le Sénégal a également déplacé la partie technique de son plaidoyer pour apporter certains éclairages et garanties sur la force de son dossier. «L’APIX était aux côtés de l’AGETIP pour défendre le dossier. Le travail d’équipe qui a été fait durant tout le processus a été salué avec la présence remarquée et très engagée du Président de la FSF et de son Secrétaire Général», a précisé Mme Bocoum qui pense que cela ne s’est pas joué sur la qualité des dossiers de candidature. «Le zonage géographique a pris le dessus sur l’argumentaire avec l’Afrique de l’Est qui n’a pas organisé depuis plus de 50 ans. La force du consortium des trois pays a permis aussi d’avoir les 6 grands stades demandés», a-t-elle jugé.
Une candidature précipitée
Avec 4 votes obtenus sur les 15 membres du comité exécutif, la candidature sénégalaise n’a pas été ridicule. Même si pour Bacary Cissé, rédacteur en chef du quotidien sportif Record, c’est un chiffre à relativiser. «Les gens te disent que le Sénégal a obtenu 4 voix et termine 2ème mais il faut voir les votes. Même certains membres du comité exécutif de la CAF appartenant à la zone UFOA n’ont pas apporté leur voix à la candidature du Sénégal. C’est une candidature farfelue. Elle n’a jamais été considérée par la majorité des membres du Comex de la CAF. La démarche était biaisée dès le départ et les gens pensaient qu’ils avaient une baguette magique pour faire pencher la balance», assène-t-il.
L’inexpérience a quelque peu prévalu dans le pilotage de la candidature du Sénégal au début du processus. L’euphorie des récents succès du football sénégalais l’a quelque peu emporté sur la raison. «La Fédération sénégalaise doit assumer. Avec l’Etat du Sénégal, ils ont pris une décision commune en Egypte au lendemain de la victoire des U20 du Sénégal en finale de la CAN de leur catégorie en 2023. Pensez-vous un seul instant qu’après la forclusion, la CAF allait donner du crédit à la candidature sénégalaise ? Nos autorités étatiques ont voulu jouer dans la géopolitique mais c’était peine perdue», regrette Bacary Cissé.
L’ère des co-organisations
Cette compétition certes perdue a au moins le mérite de permettre au Sénégal d’évaluer ses points faibles pour se projeter vers une candidature à l’organisation de la CAN suivante en 2029. Sur le plan des infrastructures, le Sénégal est plutôt sur une belle lancée avec un stade flambant neuf, le stade Abdoulaye Wade. Niché en plein cœur de la capitale, le stade Léopold Senghor, plus grande enceinte du pays, est également en travaux de rénovation. «Avec l’organisation des Jeux Olympiques de la Jeunesse en 2026 et la construction des stades à Thiès, St-Louis, Kaolack et Ziguinchor, le Sénégal se tient largement prêt pour 2029», soutient Mme Jacqueline Bocoum.
L’évaluation de cet échec montre également que, de nos jours, l’organisation d’évènements sportifs de la dimension d’une CAN désormais passée à 24 équipes contre 16 par le passé, nécessite d’autres palliatifs. Mieux vaut privilégier une candidature multipartite avec une co-organisation. Une hypothèse soulevée par le voisin mauritanien. « J’aimerais pour le Sénégal une co-organisation avec des pays de la sous-région, le Mali, la Guinée et mon pays naturellement, on veut bien accompagner le Sénégal. Je lui ai dit juste (à Augustin Senghor, ndlr) après le résultat qu’il ne faut pas qu’il baisse les bras et d’aller chercher l’organisation en 2029», s’est fendu le président de la Fédération mauritanienne, Ahmed Yahya, sur le plateau de l’émission Talents d’Afrique, lundi 2 octobre.