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En dépit des pertes financières et le chamboulement du calendrier, la pandémie du Covid-19 a un effet positif sur le football sénégalais. Elle permet aux clubs de garder intacts leurs effectifs, à l’image de Teungueth Fc et du Jaraaf qui disputent les compétitions africaines cette année.

Une éclaircie dans la grisaille. A l’image du reste du monde, le paysage sportif africain et sénégalais a reçu de plein fouet les effets négatifs du Covid-19. Entre la longue période sans activités sportives, les pertes financières record et une saison inédite sur tous les aspects, la pandémie fait beaucoup de dégâts, particulièrement sur le portefeuille. Mais à y voir de plus près, la maladie n’a pas qu’un côté néfaste. A défaut de permettre aux clubs de renflouer leurs caisses avec un flux d’argent par le biais des transferts, elle leur donne l’opportunité de garder leurs meilleurs joueurs, et par conséquent, d’avoir des effectifs stables. Le directeur de la Ligue sénégalaise de football professionnel, Amsatou Fall, fait un diagnostic positif : «A toute chose malheur est bon. Même si les clubs sont impactés financièrement, avec ces pertes de recettes en billetterie et sponsoring, ils peuvent avoir un motif de satisfaction sur un autre aspect qui est l’effectif de joueurs. Les investisseurs que sont les présidents de clubs, sont tous impactés sur le plan financier. Mais sur un autre aspect, ils ont des équipes renforcées par la stabilité de leurs effectifs et des renforts au niveau local. On l’a remarqué sur le début du championnat où il y a beaucoup de buts. A part la 5e journée, on était à une moyenne de plus de 2 buts ou plus. Durant le Chan, on voit aussi la qualité des équipes avec un niveau très relevé. Nous le devons à la stabilité des clubs parce qu’avec le Covid, les joueurs ne sont pas partis.»

«Il y a du positif et du négatif»

L’ancien patron de la Direction technique nationale donne l’exemple des clubs qui s’affaiblissaient après chaque saison. «Dans un passé récent, que ce soit à Génération Foot, Jaraaf ou les autres clubs, à chaque fois qu’une équipe gagnait le championnat et devait jouer une compétition africaine l’année d’après, elle perdait ses meilleurs joueurs. Cette année, avec la pandémie, les joueurs ne sont pas sortis. Le critère de performance qu’est la stabilité des joueurs se vérifie au niveau des équipes sénégalaises. On l’a remarqué de manière notoire avec le Jaraaf et Teungueth Fc qui, en plus d’avoir la stabilité de leurs effectifs, se sont renforcés. Cela amène une valeur ajoutée au championnat. Paradoxalement, la pandémie a permis à nos équipes d’être plus stables.» En revanche, l’entraîneur du club rufisquois, Youssou Dabo voit deux côtés des choses : du positif et du négatif. «Le côté positif est que cela permet de garder les meilleurs joueurs et de continuer un travail déjà entamé. Les joueurs assimilent mieux certaines choses sur le projet de jeu. Cela facilite la progression de l’équipe et a son importance sur les résultats. Le côté négatif est que les joueurs ne puissent pas partir. Ils ont des carrières parce qu’on sait que le football sénégalais ne fait pas vivre son joueur. Cela aurait été bien pour eux qu’ils partent à l’étranger et cela aurait permis à certains clubs de récupérer un peu d’argent. S’il n’y a pas de vente, qu’on joue une saison sans public et qu’on dépense sans gagner de l’argent, avec le coût des primes de match et salaires à payer, les clubs jouent à perte.»

«Les clubs européens ne veulent pas prendre le risque de faire signer un joueur sans l’avoir déjà testé»

Toutefois, «chaque aspect a son importance, tout dépend de l’angle d’analyse», souligne le sélectionneur national des U20. «Le fait d’avoir un groupe stable me facilite plus la tâche. Ce n’est pas comme si je repartais avec un nouveau groupe. Là, j’ai un groupe qui était là l’année dernière à 90%. C’est plus facile pour moi et aussi pour les joueurs parce qu’ils assimilent mieux le travail et toutes les choses demandées. Ils sont plus réceptifs et plus opérationnels.» Agent de joueurs et fondateur d’Oslo Football Academy, Youssou Fall est habitué à ficeler des transferts. «Il est vrai que les joueurs ne partent plus comme avant parce que les clubs européens ne veulent pas prendre le risque de faire signer un joueur sans l’avoir déjà testé, dit-il. Ce qui fait que sur 20 ou 25 joueurs qui devaient partir, peut-être seuls 5 arrivent maintenant à voyager.» «Le Jaraaf et Teungueth ont peut-être pu garder leurs joueurs à cause du Covid parce qu’ils ne peuvent pas aller faire des tests à l’étranger. Et sans tests, aucun joueur ne peut aller signer un contrat dans l’espace Schengen, précise-t-il. C’est pareil dans le monde entier, les clubs ont l’habitude de perdre des joueurs. Tous les joueurs sénégalais ont hâte de partir parce que la plupart vivent des situations difficiles. Pour garder ses meilleurs joueurs et leur permettre de se développer, c’est une question de moyens. Parce que tôt ou tard, le Covid passera. Si les clubs ont davantage de moyens pour payer de bons salaires, les joueurs ne seront plus pressés de partir.»

«Un acquis qu’il faut pérenniser, même si c’est extrêmement difficile»

Les moyens, Amsatou Fall estime également qu’il faut en avoir pour garder les meilleurs joueurs dans le championnat local. «C’est un acquis qu’il faut pérenniser, même si c’est extrêmement difficile, parce que nous n’avons pas encore trouvé les sources de financement adéquates qui permettent aux dirigeants de garder leurs joueurs», explique le directeur de la Lsf. «J’ai connu cela avec feu Oumar Seck à la Jeanne d’Arc. Il n’y avait pas de pandémie, mais on gardait nos joueurs et renforçait l’équipe avec des internationaux étrangers (de la sous-région) pendant deux à trois saisons. Pour cela, il faut avoir des ressources financières qui permettent de payer des joueurs avec des salaires acceptables.» Il y a des joueurs qui partent au Maroc, en Guinée, en Tunisie «avec des salaires qui ne correspondent pas à leur niveau», regrette l’ancien sélectionneur. «Si on parvient à relever le niveau de salaire des joueurs et de gestion de nos équipes, on peut garder les joueurs deux à trois ans, assure-t-il. Il faut se battre pour pérenniser ce que nous avons cette année, mais cela suppose qu’on ne tombe pas sur la pression des parents et que les joueurs acceptent de rester deux à trois ans avec des salaires convenables et acquérir une grande maturité avant de partir. Si on arrive à avoir deux équipes chaque année, on finira par en avoir trois (…) et l’État changera son fusil d’épaule en nous accompagnant.»

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