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Deux ans, ce n’est pas une éternité. Cela laisse tout de même un vide. Et si la situation de manque n’a pas été totale avec les «Lions», du fait d’une connexion régulière, l’absence d’effusion charnelle a pesé.

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Une équipe nationale, ce n’est pas seulement une représentation identitaire, c’est aussi un objet d’appropriation. L’intensité du sentiment est dans la proximité, dans cette possibilité de toucher l’objet du désir, de lui exprimer, «les yeux dans les yeux», ce qui est joie ou dépit.

En somme, de traduire cette passion collective dont la force ne bouillonne jamais autant que dans l’incandescence du four que peut constituer un stade en fusion.

Bienvenue à Léopold Senghor, pour la séance d’entrainement de ce mercredi, qui sonne le retour des chevaliers errants.

Depuis deux ans, l’équipe nationale du Sénégal n’était qu’un objet de salon. On était en moyenne une dizaine de personnes autour d’un poste téléviseur, pour voir les «Lions» errer à travers les stades d’Afrique et d’Europe.

Aujourd’hui que sonne l’heure du retour au pays des origines pour les uns, du pays natal pour les autres, on s’attend à les voir conter l’histoire des fils prodigues qui, un soir de langueur, franchissent le pas de la porte de la maison familiale.

On pense à eux comme à ces émigrés au long parcours qui, un soir de retour, sont porteurs de présents, élargissent les sourires, sèment le bonheur dans une famille si longtemps sevrée de leur présence.

Bienvenue les «Lions». Sauf qu’il n’y aura pas d’état de grâce. Non pas qu’on soit en situation de crise, mais parce que les impératifs et les urgences ne vous laissent point de recul. C’est le temps du ici-maintenant.

Le football sénégalais peut difficilement se permettre de rater deux Can d’affilée. Ce n’est pas une question de prestige. Les résultats qu’on a sur le continent n’ont pas valeur de couronne d’or. Cela tient plutôt d’une exigence vitale pour le (re) développement du foot sur cette terre en souffrance.

Depuis 1986 et le retour dans le gotha africain, après une parenthèse de dix-huit ans datant d’Asmara (Can 1968), le Sénégal n’a connu pareille mésaventure d’une double absence qu’une seule fois.

C’était en 1996 (Afrique du Sud) et en 1998 (Burkina Faso). Une période où le football sénégalais, évoluant sans filet de sécurité (comme d’habitude), avait vu le vide l’aspirer sans possibilité de renouvellement et de relance.

Sorti de la génération des Roger Mendy, Bocandé et compagnie, on était entré dans une décadence vertigineuse. C’est le temps où feu Oumar Seck entreprit la construction de la grande équipe de la Ja qui servit de locomotive au niveau national, pour un retour en grâce à la Can-2000. L’équipe nationale devint alors assez attractive pour voir affluer la première vague des binationaux (Fadiga, Salif Keïta, Oumar Daf, etc.).

Dans le contexte actuel, aucune perspective similaire ne se dégage. Le football sénégalais n’a qu’une locomotive, avec un moteur à un temps, celui des «Lions».

Rater cette Can-2015 reviendrait à entrer dans le tunnel des incertitudes. On peut penser que la moitié de l’équipe actuelle, constituée des olympiques de 2012, peut avoir longue vie, se remettre de tout et offrir des perspectives heureuses. Ils ont l’âge de l’affirmation et le talent de la confirmation. Mais le cadre d’évolution est fragile.

A la différence de ceux qui roulent en carrosse, le Sénégal monte un deux-roues. Il faut pédaler pour avancer. S’arrêter, c’est tomber et peut-être mourirDepuis le temps qu’on s’est inscrit dans la logique de campagne qui fait courir sans assurer les arrières, on sait ce qu’il en coûte.

Rater la Can-2015 risque d’affecter l’œuvre de construction qui peine à se mettre en place au plan local, faute d’impulsion décisive. Ne pas aller au Maroc serait perdre les étincelles qui fulgurent encore dans la génération de 2012 (Moussa Sow, Papiss Cissé, Dame Ndoye, etc.). Arrivée à son apogée, les deux ans qui suivent vont l’installer dans une décroissance progressive. Au-delà du rendez-vous de février 2015, il lui sera difficile d’avoir d’autres lendemains.

Ce rendez-vous chérifien, les Gana Guèye, Pape Ndiaye Souaré, Djilobodji et compagnie, qui se trouvent en phase de potentiel affirmé, en ont besoin. Ils sont à l’âge où les victoires permettent de grandir avec les certitudes porteuses des conquêtes du lendemain. Sinon, ils risquent d’enfiler ce collier de l’échec qui a longtemps enfermé le footballeur sénégalais dans la spirale du doute.

La campagne qui s’engage est celle d’une mutation inter générationnelles que le Sénégal rate constamment, se privant de la progression linéaire et continuelle, sans laquelle il est impossible de bâtir du concret, du solide et du viable. C’est tout l’enjeu des qualifications qui s’engagent à partir de vendredi, contre l’Egypte, pour trois mois.

Le rendez-vous avec les «Pharaons» n’est pas le match de la vérité absolue (il y a encore tant de choses à faire…) mais il est décisif et peut s’avérer déterminant pour la suite.

Bienvenue les «Lions». Senghor vous attend, toujours exigeant dans ses amours.

 

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