LES LIGNES DE TIDIANE KASSÉ
Il serait facilement réducteur de ramener le défi du 16 novembre à celui des «Lions». Qu’ils soient les seuls à porter à l’infâme outrage du 12 octobre dernier et que seul leur honneur puisse être en jeu. Objets d’une lapidation infernale, porteurs d’une humiliation nationale, rien ne les absout. Mais ils ne sont pas les seuls à porter le manteau de la souillure et à traîner l’ombre de leur indignité.
Leur incapacité avérée devant des Ivoiriens qui les enfoncent dans la boue depuis un an, faisant de leurs trois matches successifs autant de rendez-vous pour la pénitence, est aussi celle de leur banc.
Hier c’était Koto, aujourd’hui Giresse. Surtout ce dernier. Car, lui non plus, depuis cinq matches contre les «Eléphants», à la tête du Gabon, du Mali et du Sénégal, n’a jamais su résoudre l’équation ivoirienne, engrangeant quatre défaites pour un nul. Le 16 novembre prochain, le rendez-vous de l’honneur l’interpelle autant que les «Lions». Car dans les incapacités d’Abidjan, rien n’absout, non plus, le banc.
Dans le haut niveau, aujourd’hui, ce sont les joueurs qui gagnent sur le terrain avec leur corps et leur esprit. Mais leur performance relève d’un coaching permettant de les faire jouir au maximum de leurs valeurs intrinsèques et de repousser leurs limites quand les frontières de l’impossible semblent leur fermer l’horizon du bonheur.
La responsabilité de Giresse est de bâtir un ensemble cohérent et conquérant, de positiver les aptitudes propices au succès, d’installer cette sérénité, cette détermination et cette confiance en soi qui a tant manqué aux «Lions» lors du match aller. Aussi bien dans les cœurs que dans les esprits.
C’est une question de discours et d’attitude vis-à-vis du groupe. Giresse les invoque à longueur d’entretiens avec la presse. Ce fut encore le cas hier, lors de la publication de la liste des 23. Il s’agit désormais d’opérer un transfert de convictions et d’agir de sorte que ce qui l’anime puisse habiter les «Lions» face à la Côte d’Ivoire, dans dix jours, à Casablanca.
Le haut niveau dont parle le sélectionneur national est un espace où l’exigence de performance ne pèse pas uniquement sur les joueurs. Il obéit aussi à des critères de management et de mise en place d’un cadre psychologique où la réussite s’impose comme un déterminant naturel pour le collectif comme pour les individualités.
Motiver, stimuler, donner des certitudes tient au cadre de réussite qu’un coach doit savoir créer à travers ses projets de jeu, ses structures d’expression et ses méthodes pour atteindre les résultats escomptés.
L’anxiété qui pèse sur les «Lions» et qui leur a été fatale au match aller, c’est à Giresse de la transformer en émotions positives. Là où les «Lions» ont montré leurs limites à Abidjan, il ne s’agit pas de se porter à les culpabiliser, mais de travailler sur leurs affects pour les installer dans une dimension de surpassement.
Les sentiments négatifs qui habitent les joueurs, après trois défaites d’affilée contre les Ivoiriens, sont assez lourds pour servir de levier de révolte. Il y a dans l’air autant de la culpabilité que de la honte, mais aussi un esprit de défi, fût-il celui du désespoir.
Dans l’entreprise de (re) construction du mental des «Lions», le chantier couvre toutes les dimensions possibles. Il y a un an, sous la direction de Koto, l’incompétence du banc et des joueurs se situait dans l’incapacité à gérer une avance (2-1 à la mi-temps), dans un match bien entamé, où les Ivoiriens étaient réduits à chercher leurs repères. Il y a un mois, la faillite du groupe et du banc a tenu à l’absence d’un mental fort permettant de gérer le stress du début de match et à leur incapacité à se restructurer quand les schémas de base ont été balayés par les 2 buts encaissés en 15 minutes.
Ces faiblesses sont différentes de celles qu’on connaissait aux «Lions», il y a dix ans. Pour El Hadj Diouf et compagnie, le malheur venait souvent d’une domination qui les installait dans la facilité, dans un sentiment de satisfaction et de supériorité facteurs de relâchements fatals. On vivait alors le syndrome des buts de la dernière minute, avec des victoires bêtement perdues. C’était révoltant, mais on ne connaissait pas l’humiliation de cette peur panique qui infantilise les «Lions».
La tâche est donc double pour Giresse, qu’il ne faut pas simplement faire porter par les «Lions» : savoir faire bien entrer le groupe dans le match et gérer positivement toutes les circonstances qui peuvent influer sur le cours du jeu, c’est sa responsabilité.
Waasport