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Cinq ans ! C’est l’âge du professionnalisme lancé en 2009 au Sénégal. Et ce n’est peut-être pas encore l’âge adulte, mais c’est quand même un temps requis pour se métamorphoser. Quelle mutation les clubs ont-ils connue ? Ont-ils réellement changé de statut ? Sont–ils réellement entrés dans le professionnalisme ?

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C’est, en somme, l’objet d’une série d’enquêtes que nous entendons mener sur le terrain. Et c’est dans ce cadre que nous avons fait une descente sur le terrain, pour faire l’état des lieux. Aujourd’hui, pleins feux sur l’Usct Port de Dakar, un club qui a fait du professionnalisme avant l’heure. Ce qui ne veut toutefois pas dire qu’il ne connaît pas de soucis. Découverte.

USCT PORT : Toujours à la recherche d’une indépendance financière
L’Union sportive et culturelle des travailleurs du Port continue sa mutation dans le monde professionnel. Même s’il se cherche encore une stabilité financière, le club a déjà connu d’énormes changements autant dans son mode de fonctionnement que dans la prise en charge de sa cinquantaine de salariés. Entre projet de construction d’un grand complexe sportif et ambition de mise sur pied d’une équipe à dimension internationale, les dirigeants ont amorcé un nouveau virage. Objectif : parfaire le visage professionnel qui a longtemps fait le charme de cette formation
Parlez-leur de changement depuis l’avènement du professionnalisme au Sénégal, les réponses donnent l’impression d’indiquer que rien n’a véritablement bougé. Car avant même que le Sénégal ne bascule dans cette nouvelle expérience il y a cinq ans, les Portuaires avaient déjà une longueur d’avance sur leurs concurrents. Ils pensent, du moins, que leur équipe avait déjà un pied dedans avant les autres. Le palmarès assez flatteur justifie, peut-être, ce regard : Champion du Sénégal en 1990, 1991 et 2005, vainqueur de la Coupe du Sénégal en 2000.
Dans l’organisation, au niveau des conditions salariales et du mode de fonctionnement, dans la tête des anciens et des dirigeants du club, le professionnalisme n’a fait que rejoindre le Port qui répondait déjà aux exigences avant sa mise en œuvre. « C’est vrai que les choses commencent à bouger d’une manière générale. On voit que tout est bien structuré. On joue régulièrement, mais au Port, on vivait déjà le professionnalisme à l’époque de l’amateurisme », révèle Malick Daf, ancien joueur et actuel entraîneur de l’équipe. Pour le technicien, pas grand-chose n’a changé, en fait. « Les moyens ont toujours été là. Il y a certes eu des moments où on a connu des difficultés avec la suppression des subventions par l’ancien directeur des Ics, Djibril Fall, mais après, tout a été remis à l’ordre. On touchait 250.000, voire 300.000 FCfa, à l’époque où Tidiane Kane était là », se rappelle Malick Daff avec une fierté non feinte.

Des débuts difficiles malgré les moyens
Tout était donc tracé pour mettre l’Ucst Port dans les habits d’un vrai prince d’un système naissant dans un monde qui ne lui était pas forcément inconnu. C’est, du moins, la première impression qui se dégage au vu des exigences de ce nouveau système qui nécessite avant tout beaucoup de moyens. Mais, le réveil a été aussi brutal que fut terrible la chute. Pour les Portuaires, l’euphorie de l’entrée dans cette nouvelle ère n’aura ainsi été qu’une éphémère chimère qui n’a mis que quelques mois pour virer à un vrai cauchemar fracassant à effet de bombe. Tant le monde du ballon rond était loin de soupçonner que le club qui se glorifiait de son statut d’enfant gâté du football sénégalais pouvait connaître des débuts aussi laborieux dans un professionnalisme qui semble taillé à sa mesure. Après seulement deux saisons, le Port est relégué en Ligue 2, le choc fut terrible pour Malick Daff qui, quelques années plutôt, avait contribué à écrire l’une des plus belles pages de l’histoire de cette formation qu’il a menée notamment au sacre en 2005. « La relégation m’a un peu surpris et je l’ai vécue avec beaucoup d’amertume. C’était un moment très difficile, même si je n’étais pas là en ce moment. Parce que le Port est une deuxième famille pour moi ; où que je sois, je porterai toujours ce club dans mon cœur. C’était une douloureuse surprise », regrette l’ancien international.

La Ligue 2, une expérience pleine de leçons
La relégation d’un club, aussi bien nanti, avait de quoi soulever des interrogations. Nombreux ont été, en effet, les Sénégalais qui se sont demandé comment cela a-t-il pu arriver ? Ou bien : « Où sont passés les moyens dont les gens parlaient » ? Pour les dirigeants, les réponses sont à chercher ailleurs. Selon le secrétaire général, Birane Lô, « la descente n’était pas liée à un manque de moyens. Ils étaient là, mais, malheureusement, il y avait des querelles internes entre dirigeants. Il n’y avait pas une union autour de l’équipe, qui a ressenti le contrecoup avec cette descente en Ligue 2 ». Comme s’il fallait passer par cet enfer pour rebâtir un nouveau Port. Car, à quelque chose parfois malheur est bon, la relégation aura tout de même servi à quelque chose. « Maintenant, on sait que sans unité on ne peut rien faire. Ces deux années en Ligue 2 ont été extrêmement difficiles. On a vraiment tiré une grande leçon de cette expérience. On ne veut plus revivre cela », assure Birane Lô. La Ligue 2 se conjugue désormais au passé. Après deux années passées dans l’antichambre, les Portuaires ont retrouvé l’élite cette saison et essaient d’effacer les mauvais souvenirs de leur passage en Ligue 2. Plus que de simples promus en quête de maintien, les champions de Ligue 2 effectuent leur mue en douceur. Loin des querelles qui avaient conduit leur formation à l’étage inférieur, c’est une nouvelle vie qui démarre.

Une évolution en marche
La mutation a, en réalité, démarré depuis le retour de Malick Daff en octobre 2011. Rappelé pour redresser la barre avec, pour objectif principal de remonter l’équipe en Ligue 1, le technicien débarque avec ses propres idées, sa propre méthode et une nouvelle personnalité, celle d’un vrai professionnel. Des changements qui n’ont pas échappé aux joueurs flattés par cette rupture. « D’abord, sur le plan coaching, maintenant on a vu que Malick a changé. Il a acquis plus d’expérience, surtout à Diambars. Il est devenu plus aguerri, autant dans son discours que dans sa manière de travailler. Tout est planifié. On sent qu’on est en face d’un vrai professionnel », fait remarquer Abdoulaye Diakhaté, champion du Sénégal 2006 sous les ordres de Daff et meilleur buteur du club l’année dernière, en Ligue 2, avec 7 réalisations. L’ancien joueur de l’As Douanes sait de quoi il parle, lui, le grand voyageur devant l’éternel. Passé également par l’Us Ouakam et Touré Kunda avant son come back l’année dernière pour un nouveau départ et des retrouvailles chaleureuses avec son ancien mentor, Abdoulaye Diakhaté constate que les choses ont véritablement bougé. « Nous n’avons pas tout, certes, mais par rapport à l’époque amateur, il y a une différence énorme. Par exemple, sur le plan matériel, sur le plan du travail, les choses se professionnalisent parce qu’auparavant, on courait beaucoup, on ne s’occupait que du physique. Mais maintenant, Malick met plus l’accent sur l’aspect technique même s’il ne badine pas avec le travail physique », ajoute le joueur. Un constat corroboré par l’entraîneur qui se satisfait des conditions de travail. « Si vous voyez, le lieu de regroupement a été réfectionné. Le terrain nous appartient et on a plus de 60 ballons. Il y a un médecin qui suit régulièrement les joueurs, aussi bien sur le plan médical que sur le plan diététique et parfois les primes sont doublées. Les motivations ne manquent pas en tout cas », confie Malick Daff qui n’en demandait pas plus.

Un club qui rêve grand
Ce n’est pas que sur le plan sportif que les changements sont notés. Sur le plan administratif aussi, on se veut rassurant dans les propos. Si les choses semblent bouger au ralenti, les avancées notées dans les équipements du siège du club sont perçues comme des signes encourageants. « Le professionnalisme a entraîné des changements dans l’organisation de l’équipe. Les gens essaient de se conformer aux exigences. Je pense que nous sommes sur la bonne voie », croit le secrétaire général, guide d’un jour. Les lieux ont, en effet, une nouvelle architecture et sont mieux structurés qu’il y a quelques années. « Le siège a été réfectionné et nous avons maintenant tout ce qu’il faut pour répondre aux normes », explique M. Lô. Internet, téléphone, fax, photocopie, l’administration étale fièrement les symboles de sa mutation, contrairement à l’équipe qui attend toujours le démarrage des grands travaux du terrain de football. Pour un club qui rêve de réécrire l’histoire, le temps presse. En effet, les Portuaires espèrent se mettre dans la peau d’un géant continental dans quelques années et veulent se donner les moyens pour y parvenir. « Nous travaillons pour ramener l’équipe au niveau où il se trouvait il y a quelques années. Nous voulons bâtir une équipe à la dimension des grands clubs africains, une équipe compétitive capable de réaliser les mêmes performances que la Ja il y a quelques années », souhaite Malick Daff. Pour le secrétaire général, « cela passe d’abord par les infrastructures. Ensuite, des recrutements au niveau de la sous-région parce que c’est ce qui faisait la force du Port. On avait des joueurs du Nigéria, de la Sierra Leone, de la Guinée, du Mali. On envisage vraiment de revenir à cette ancienne formule pour avoir une très grande équipe ».

Infrastructures : Bâtir un complexe sportif, la sur-priorité
Comparé aux autres clubs professionnels, on a forcément l’impression que le Port mène une belle vie. Les salariés « sont bien traités », l’équipe est mise dans d’excellentes conditions et personne ne semble se plaindre de sa situation. Au grand bonheur des employés, les dirigeants s’en glorifient. « Quand on parle de respect du cahier des charges, nous devons être en deuxième position. Nous avons un terrain, un siège fonctionnel et les salaires des employés sont payés régulièrement », confie le président Ousmane Thiané Sarr. « Les conditions des joueurs ont été améliorées, les salaires des joueurs ont augmenté. On a actuellement un effectif de 37 joueurs pro qui sont tous payés mensuellement et régulièrement. L’avantage que nous avons ici est qu’on n’a pas d’arriérés sur les salaires des joueurs. Les 10 de chaque mois, les décharges des salaires des joueurs sont déposées à la Ligue pro », détaille Birane Lô, secrétaire général du club. Cela suffit-il à faire du Port un club nanti ? « Non, nous ne sommes pas un club riche. Du dehors, les gens pensent qu’on roule sur de l’or, ce qui est loin d’être le cas », recadre le président. Toujours est-il que la stabilité financière de l’équipe a de quoi susciter de l’envie. La masse salariale du Port est aujourd’hui estimé à environ 5 millions de FCfa par mois. Le club est l’un des rares à ne pas être secoué par des conflits liés au paiement des salaires. Pour l’entraîneur, Malick Daff, cette stabilité financière « est une grande source de motivation pour les joueurs. Cela leur permet de se concentrer sur le terrain et de se donner à fond pour faire de bons résultats ». Pour le moment, tout se passe bien pour les champions de Ligue 2 qui ont fait du maintien dans l’élite leur objectif principal. Cependant, le budget prévisionnel de fonctionnement qui avoisine les 120 millions de FCfa n’est pas encore bouclé. En fait, à voir les sources de revenus, on se demande bien si les dirigeants réussiront à rassembler assez de fonds pour remplir les caisses. Car, contrairement à ce que beaucoup pensent, « l’équipe n’appartient pas au Port autonome de Dakar, mais à l’Union des travailleurs », précise le président. Dès lors, elle ne bénéficie que d’une subvention annuelle « consistante » de la Direction générale mais qui, selon Ousmane Thiané Sarr, « ne permet pas de boucler le budget ». Sans un véritable patrimoine pour consolider un pouvoir financier, le club s’appuie sur les cotisations des travailleurs (1.000 FCfa/mois) et des anciens (200 FCfa/mois), mais surtout sur la Grande nuit du Port, une soirée de gala dont les bénéfices couvrent « un peu plus du tiers du budget ». Le patrimoine du Port se résume actuellement à un terrain d’entraînement, un car et un siège. Ce qui paraît insuffisant pour accorder à l’équipe l’autonomie financière à laquelle elle aspire. De fait, les dirigeants se sont engagés dans un ambitieux projet de complexe sportif digne de ce nom. « Nous voulons mettre en état d’exploitation ce terrain, avec des vestiaires et une école de formation. C’est une « sur-priorité », la solution la plus opportune et la plus porteuse. Son exploitation pourra nous permettre de gagner assez d’argent pour ne plus dépendre des subventions de la Direction générale », espère le président. En l’en croire, le projet, qui devrait coûter un peu moins de 300 millions de FCfa, est sur « une bonne voie ». Un opérateur économique leur a déjà « fait faux bond », mais une nouvelle proposition de l’ancien international Racine Kane est actuellement à l’étude.

 

 

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