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Le retour des vieux démons
Quand lors du tirage  de la CAN 2013 le sort a opposé la Côte d’Ivoire au Sénégal  il y a eu des cris d’orfraies aussi bien du côté des supporters sénégalais qu’ivoiriens. Un grand devait fatalement tomber au terme de la double confrontation qui était aussitôt été  indexée comme le grand choc du dernier tour des éliminatoires et classée à risques. Et malgré les rodomontades côté sénégalais, on savait bien que les « lions » ne partaient favoris devant les « éléphants »,mais on espérait quand même un exploit toujours possible vu la qualité des joueurs sénégalais et le bon parcours des « olympiques » à Londres. On savait bien que le Sénégal pouvait ne pas être qualifié, mais on n’imaginait pas un seul instant qu’un échec face à la meilleure équipe d’Afrique qui était dans l’ordre des choses, allait déboucher sur une crise et un chambardement au niveau de notre football. Ce n’est pas possible que la défaite contre la Côte d’Ivoire et les incidents qui ont suivi soient la cause de l’acharnement de l’Etat contre la fédération et son président Augustin Senghor. Ce serait ridicule.
On demande à la fédération de démissionner et d’assumer les échecs de Bata et du 13 novembre. Mais c’est vite oublier qu’après la déconvenue de Guinée-Equatoriale, l’entraîneur avait payé pour la faillite encore inexpliquée des « lions » sur le terrain, alors que l’Etat et la fédération avaient largement joué leur rôle au niveau de la préparation et des moyens mis à la disposition des « lions ».Mais dans la foulée de Bata, les voyants étaient passés au vert avec, la qualification des « olympiques »,les bons débuts de koto et ses trois matches tests, le bon départ dans les éliminatoires de la coupe du monde, la qualification historique des « lionnes » pour la CAN, le bon parcours de juniors malheureusement tombés au dernier tour face au Bénin, nos cadets toujours en course après le forfait du Libéria et qui attendent le vainqueur Côte d’Ivoire-Tchad.

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Reconstruction
C’est vite oublier  d’où vient notre football  privé de toutes les compétitions officielles pendant deux ans après l’élimination des « lions » face à la Gambie. Un comité de normalisation avait été mis sur pied pour remettre le football sur les rails et aider à son développement en réactualisant certains textes avant la mise sur pied d’une fédération pour une durée de quatre ans. Et cela justement pour éviter que le sort d’une fédération (et quelques fois d’un ministre) ne soit lié et au résultat d’un match ou aux rebonds capricieux du ballon rond. Un travail de titan a été abattu par ce comité de normalisation avec des hommes de bonne volonté qui se sont investis corps et biens pour la reconstructions de notre football sur des bases saines et pérennes. C’est  l’un d’entre eux, Me Augustin Senghor (chargé de la reforme), qu’ils ont choisi comme candidat à la présidence de la fédération pour assuré une continuité dans le travail de longue haleine qu’ils avaient commencé. Notamment   jouer au football partout au Sénégal et dans toutes les catégories et le lancement du football professionnel. Aujourd’hui force est de constaté qu’on joue partout au Sénégal, que toutes les compétitions sont arrivées à leur terme et les finales dans toutes les catégories ont été jouées sans anicroche et avec des dotations revues à la hausse. La fédération dans sa mission de développement et de reconstruction du football a pleinement rempli son rôle avec l’ambition de faire toujours mieux, et ce n’est certainement pas à ce niveau que l’Etat va lui demander de démissionner.

Foot pro
Le football professionnel qui est un passage obligé a aussi été lancé avec l’onction de l’Etat, mais sans accompagnement de l’Etat. Là encore, ce sont des hommes venus pour servir le football et non s’en servir, qui se sont battus  et ont souvent mis leurs chéquiers et leurs portefeuilles relationnels à contribution pour maintenir vaille que vaille la ligue pro à flot en attendant que l’Etat consente enfin à apporter sa précieuse, indispensable pour ne pas dire vitale contribution. En vain ! Même au niveau des infrastructures qui sont du ressort de son pouvoir régalien, le Sénégal est loin derrière la majorité des pays africains. Marius Ndiaye est dépassé, Léopold  Sédar Senghor doit être remis aux normes, les stades Demba Diop, Alassane Djigo, Amadou Barry, Me Babacar Sèye, Aline Sitoé Diatta, Lamine Guèye,Caroline Faye, Massène Séne et autres ne subissent que des reliftings qui sont autant de cautères sur une jambes de bois.  En attendant que les chinois finissent la construction de stades régionaux. S’il y a échec, non souhaitable, du professionnalisme au Sénégal ce sera en grande partie par la faute de l’Etat (libéral) qui a choisi de se lancer dans des réalisations aussi grandioses qu’ inutiles pour certaines d’entre elles au détriment des besoins de sa jeunesse. Aucun football pro à son départ, surtout en Afrique, n’a pris son envol sans l’aide substantielle de l’Etat.

Le vote de Senghor
On reprocherait à la fédération et son président d’avoir voté contre le projet de loi déposé par la fédération algérienne pour que quelqu’un qui n’est pas membre du comité directeur de la CAF ne puisse pas être candidat à la présidence. C’est comme si au Sénégal, à six mois d’une élection présidentielle, l’assemblée votait une loi pour dire que toute personne n’étant pas dans le gouvernement ou n’ayant jamais été ministre ne peut prétendre être candidat à la présidence. C’est une loi faite clairement pour exclure certaines personnes. Maintenant, sans être anti  ou pro Hayatou ou Anoma, pour une question de principe et d’étique, une grande majorité des sénégalais qui ont bien suivi  cette affaire étaient en phase avec la fédération  de ne pas voter cette loi. Et nous avons la faiblesse de croire que c’était aussi la position de l’Etat du Sénégal, qui dans le cas contraire aurait donné des consignes. Soutenir à posteriori, après les évènements du 13 octobre, que le vote du président de la fédération risque de fragiliser le dossier du Sénégal au niveau de la CAF, c’est lui faire une mauvaise querelle. L’argumentaire est fallacieux et ce n’est raisonnablement pas pour cela  qu’on demande la démission collective de la fédération pour plaire à la CAF.
La fédération n’est cependant pas exempte de reproches dans les affaires des contrats des entraîneurs, Amara Traoré, Pierre Lechantre et Joseph Koto. Elle s’est faite quelque part avoir par Amara Traoré qui a logiquement joué à fond ses intérêts , roulée par Lechantre qui après avoir donné son accord a eu l’inélégance de faire faux bond au dernier moment, et elle a proposé à Koto un contrat quasi suicidaire, battre la Côte d’Ivoire ou disparaître. Mais même le choix de Koto était une erreur de casting. Ce n’est pourtant pas pour cela qu’on demande à  la fédération de se démettre.
Quant aux évènements du 13 octobre dans le stade LS Senghor, il est patent que sur le plan de la grande mobilisation des forces de l’ordre et de la sécurité la fédération et le ministère avaient mis les grands moyens pour, sinon prévenir les troubles du moins les juguler rapidement.  Ce qui a été fait malheureusement après l’arrêt du match. Maintenant, dans ce pays, les agressions et les actes d’incivisme, le vandalisme et la violence se multiplient autour et dans les stades de championnat, de navétanes ou de combat de lutte et aussi dans les quartiers victimes d’une insécurité notoire. C’est ce fléau qu’il faut combattre fermement, comme le fait le président de République après les évènements et le vandalisme  du 22 octobre en plein centre-ville. Rendre la fédération seule responsable des débordements du match Sénégal-Côte d’Ivoire, c’est s’attaquer aux conséquences de la violence en éludant les causes. Les fâcheux incidents du 13 octobre sont soit spontanés, soit commandités. A qui profite alors ce crime ? Certainement pas à la fédération qui paye les pots cassés. Ce n’est probablement pas pour cette raison qu’on lui demande de rendre le tablier.

Règlement de comptes ?
Il y a des rumeurs de règlement de comptes entre le Ministre Gakou et Me Senghor qui  s’étaient durement affrontés pour le poste de président de la fédération de football il y un peu plus de trois ans. Certains en étaient mêmes venus aux mains dans des réunions houleuses.  Après la défaite, dans le camp de Gakou on avait évoqué des raisons politiques. C’était quelque part vrai, car le front politique étant en ébullition à l’époque, le pouvoir libéral voyait d’un mauvais œil, le football sénégalais et ses multiples enjeux tomber aux mains de l’opposition par l’entremise de Malick Gakou de l’AFP. On n’imagine aisément le travail souterrain effectué par les libéraux pour ne pas élire Gakou. Après la seconde alternance qui a vu Gakou devenir ministre des sports, on a cru au gentlemen agreement  entre Gakou et Senghor pour l’intérêt du football sénégalais et surtout éviter les récurrentes querelles entre ministère et la fédération qui ont été très préjudiciables à notre football et sources d’instabilité des différentes équipes fédérales. On ne fera pas l’injure  au ministre Malick Gakou d’accréditer la thèse du règlement de compte et de la vengeance, ce serait trop réducteur pour quelqu’un qui est un véritable militant du sport et à priori un bon ministre des sports. Mais force est de reconnaître que le pouvoir actuel fait comme son prédécesseur en convoquant individuellement les fédéraux pour les pousser à la démission. Chaque démissionnaire va certes donner ses raisons ou prétextes, mais à part Lamotte, ces actes ne sont spontanés, ni l’objet d’une mûre réflexion, mais imposés. Et c’est dommage, car  depuis 30 ans au moins, c’est qualitativement  l’une des meilleures fédérations que le football  sénégalais ait eu. La décision de la pousser à la démission est contre productive pour notre football qui était réellement en bonne phase de reconstruction et qu’on risque de déconstruire pour un certain temps. C’est le retour des vieux démons de la division. Bata et le 13 octobre ne devraient pas être un coup d’arrêt au développement du football car c’est faire preuve de mémoire sélective que d’oublier tout le travail de fond  qui a été réalisé depuis le comité de normalisation à nos jours.
Cependant il sera difficile de résister à l’Etat qui a les moyens de réaliser ses desseins, mêmes les plus inavouables. Quand on veut noyer son chien on l’accuse de rage. Et si c’est l’Etat qui sonne  l’hallali, on verra bien d’autres segments instrumentalisés, venir  agonir la fédération de tous les pêchés d’Israël. Cela dit nous espérons fortement que ce ne sont pas pour des raisons crypto personnelles  entre Gakou, Mamaya Sène (fervent pro Hayatou) et Senghor, ou purement politiques que notre football va entrer en crise.

Source: LeSoleil

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