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Il ne marque que très rarement. Il ne frappe quasiment jamais au but, pour faire plus précis.  Il n’a pas la carrure physique des milieux défensifs catalogués « made in Africa ». Non, Idrissa Gana Guèye a trouvé mieux que tout ceci : il s’est rendu indispensable dès le premier jour. Coup de foudre.

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Vendredi 11 novembre 2011, Mantes-la-Ville (France). 

C’est l’acte de naissance d’un coup de foudre entre le public sénégalais et la raison. Connu pour sa versatilité, célèbre pour son amour pour les joueurs fantasques et provocateurs, le groupe « 14 millions de Lions » qui occupe les travées de Léopold Sédar Senghor autant qu’il anime les salons des maisons ou les salles TV des bureaux et autres campus, s’est laissé prendre par surprise. Comme à son habitude, Cupidon a frappé là où l’attendait le moins pour lier d’amour Idrissa Gana Guèye et les supporters de la Team Sénégal. Quand il honore sa toute première sélection en équipe nationale A, Idrissa Gana Guèye avait, certes, déjà fait ses classes dans les équipes de jeunes du Sénégal, arborant déjà le brassard de capitaine en Juniors, mais il n’était déjà pas du genre à faire soulever des vagues. Travailleur, le joueur alors âgé de 22 ans commençait tranquillement à faire son trou au sein d’un impressionnant effectif de Lille, brillant champion de France en titre sous la main d’un certain Rudy Garcia. Milieu de terrain de poche (1,74m), loin des standards des mastodontes qui ont fait la pluie et le beau temps sous le maillot national, c’est à la pointe des pieds qu’il rejoignait une « Tanière » avec des « Lions » que l’on croyait alors intouchables. Normal, sous la houlette d’Amara Traoré, ils venaient d’écraser des cousins camerounais déclarés « Indomptables » et avaient marché sur les traces d’un record en éliminatoires de la Can 2012 avec 16 points sur 18 possibles, deux buts encaissés en 6 matchs, cinq victoires dont une contre le Cameroun et deux face à la RD Congo et un nul héroïquement acquis au pays de Samuel Eto’o. Après avoir écarté du chemin son bourreau de la Can 2002, le Sénégal s’apprêtait à enfiler un costume de favori d’une compétition dont il avait pourtant raté l’édition précédente. Et, naturellement, le jeune Lillois formé à l’Institut Diambars, alors nouveau de la formation locale, arrivait, à ce regroupement en direction de cette date du 11 novembre 2011 davantage avec une carte de récompense de ses débuts prometteurs à Lille et en Équipe nationale U23 qu’avec blanc-seing pour bousculer une hiérarchie bien en place.

Adopté dès le premier regard

Ce 11 novembre 2011, le Sénégal affronte donc la sélection voisine du Sily national de la Guinée, balayée (3-0) 10 mois plus tôt (le 9 février 2011) lors d’un autre match amical. Cette fois-ci, même si la plupart des cadres de la « Tanière » comme Mamadou Niang, Souleymane Diawara, Kader Mangane ou encore la nouvelle coqueluche Armand Traoré sont ménagés, l’enjeu est de préparer la Can 2012 en Guinée équatoriale qui arrive deux mois plus tard et surtout de faire respecter la hiérarchie dans ce derby de ouest africain. La rencontre a pour cadre le stade Aimé Bergeal de Mantes-la-Ville, petite commune du département des Yvelines, en région parisienne. C’est donc là que s’est signé l’acte d’engagement. Très vite, Idrissa Gana Guèye profite de la situation pour signer un long bail avec la sélection nationale. Une nette victoire (4-1) d’un Sénégal fortement remanié lui permet de réaliser ses débuts sous de bons auspices et, même s’il ne fera pas partie de l’aventure en Guinée équatoriale deux mois après sa première sélection, le gamin de Diambars a pris date. Sans tambour ni trompette. La grosse désillusion de Bata (3 défaites en 3 matchs de poule d’un Sénégal pourtant annoncé grand favori) accéléra son cursus. Amara Traoré débusqué à son retour de la triste Can, son remplaçant s’appuie sur la nouvelle vague incarnée par un certain Idrissa Gana Guèye pour relever le challenge de remplacer une génération effacée par la vague Bata. Pour un match amical contre l’Afrique du Sud (Challenge Mandela) dès le 29 février, soit quelques jours après la Can, Idrissa Guèye retrouve l’Equipe nationale avec l’ambition légitime de prendre ses aises. Il dispute l’intégralité de la rencontre (0-0, victoire du Sénégal par tirs-au-but) et c’est parti pour une aventure sans fin d’un prétendant qui a fini de gagner ses galons dès le premier rendez-vous.

Rien que quatre matchs manqués en six ans

A partir de cette date, le Sénégal disputera une cinquantaine de matchs en équipe nationale A avec trois entraîneurs différents (Joseph Koto, Alain Giresse, Aliou Cissé), participera brillamment aux Jeux Olympiques Londres 2012 (élimination en quarts de finale pour une première participation) et lui, aura toujours été là. De cette cinquantaine de matchs disputés avec les A, Idrissa Guèye a été titulaire à 47 reprises, ne manquant que deux petites rencontres : un amical Niger – Sénégal (1-1) du 14 novembre 2012 pour lequel il ne fut pas convoqué et un Sénégal – Bostwana (3-0), le 19 novembre 2014, comptant pour la dernière journée des éliminatoires de la Can 2015, pour lequel il est resté sur le banc après que la qualification était déjà dans la poche. Et c’est tout ! Le voir sur le banc est tout autant chose rare : une fois lors de la 7e sélection, pour laquelle il entre en jeu pour 32 minutes face à la Côte d’Ivoire (défaite 2-0 à Dakar) et une autre fois le 23 janvier 2017, face à l’Algérie (2-2), 3e match de groupe pour lequel Idy entre en jeu à 12 minutes de la fin pour sécuriser le point du nul pour un Sénégal qualifié avant la rencontre. C’est dire l’importance prise au sein de cette sélection nationale par le milieu de terrain défensif toujours présent au poste, infatigable dans l’entrejeu et rarement pris à défaut, protégeant l’accès à la défense du Sénégal sans jamais récolter le moindre carton rouge sous le maillot national en plus de six ans de présence en sélection nationale.

Première expulsion à la huitième saison en pro

C’est que Gana a fini par se spécialiser dans le contraste : briller dans l’ombre. Multipliant les tacles et les interceptions pour lesquels il est devenu référence en la matière (constamment dans le top 3 des joueurs qui récupèrent le plus de ballons depuis son arrivée en Angleterre, en 2016), avalant les kilomètres de courses à longueur de match pour couvrir ses coéquipiers, se plaçant toujours idéalement pour couper une attaque adverse ou offrir une solution à un partenaire et marquant toujours aussi peu (11 buts dans toute sa carrière)… Le gamin de la première Promotion de Diambars, passé en post-formation avec l’équipe B de Lille avant de pointer son bout du nez avec l’équipe première, toujours en compagnie de son inséparable camarade Pape Ndiaye Souaré. Le même avec lequel il a traversé la Manche pour se retrouver sous la lumière aguichante de la Premier League. Lui à Aston Villa, Souaré à Crystal Palace. Une saison tremplin malgré la relégation d’Aston Villa et le voilà à Everton où il continue de dicter le tempo. Là, très vite, «Kouss» (nain, en référence à sa taille) a pris du volume, de l’assurance et quelques muscles tout en gardant le même rythme, avec toujours les mêmes kilomètres avalés match après match. Toujours une fausse timidité face aux médias après les rencontres. Mais toujours la même bonhomie dans le groupe. Et ce n’est que cette saison, sa huitième en professionnel, qu’il finit par concéder sa toute première expulsion, autant en sélection qu’en club. C’était le 22 octobre 2017, lors d’un naufrage collectif à domicile d’Everton face à Arsenal (2-5). Un double avertissement à la 68e minute, après un premier carton jaune 34 minutes plus tôt.

Aujourd’hui joueur le plus capé de l’actuelle sélection à l’âge de 28 ans, le costume de leader lui irait peut-être comme taillé sur mesure, mais celui que ses coéquipiers surnomment «Kouss» et désignent comme un véritable boute-en-train, animateur et chorégraphe au sein du groupe, préfère enfiler le bleu de chauffe et mettre les artistes en lumière. Et c’est certainement pour ça que le public n’a jamais changé de veste dans son histoire d’amour avec lui. Une histoire d’amour qui ne fait pas de vagues. Qui se distingue par sa constance depuis que la foudre a frappé le cœur de la «Tanière», sans faire de bruit. C’était le vendredi 11 novembre 2011, à Mantes-la-Ville.

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