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Ancien joueur (1979-87), puis entraîneur (2003-2005) et directeur sportif de l’Olympique de Marseille (2005-2014), José Anigo (53 ans) a quitté la cité phocéenne après la mort de son fils, Adrien, tué par balles en septembre 2013. Désormais basé au Maroc, le nouvel recruteur-ambassadeur en Afrique pour le compte de l’OM était récemment au Sénégal (semaine du 6 au 9 octobre) pour une détection de jeunes joueurs. Le 9 octobre dernier, une équipe de L’Obs l’avait rencontré à Saly (Mbour) où il devait finaliser sa mission avec des matches amicaux entre des pensionnaires de Diambars et les jeunots sélectionnés à Dakar. Dans cet entretien, il parle de sa nouvelle fonction, de ses relations avec les «Lions» qui ont porté le maillot de Marseille, de Boubacar Sarr «Locotte» avec qui il a joué à Souleymane Diawara, en passant par Abdoulaye Diallo et Mamadou Niang. Il donne aussi son avis sur l’Équipe nationale qui, conseille-t-il, «devrait se pencher sur un garçon comme Benjamin Mendy», l’arrière-droit de l’OM.

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A quoi a consisté votre séjour au Sénégal ?

Le projet est d’essayer de mettre en place une passerelle entre Marseille et le Sénégal pour détecter des jeunes. Non pas sur une semaine, mais dans la durée. Mais il n’y a pas que le Sénégal, je dois me rendre au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Burkina et au Ghana pour d’autres missions.

Quelle est votre nouvelle fonction et comment vivez-vous cette expérience ?

Je suis un peu l’œil de Marseille sur le continent africain, l’observation de jeunes talents et l’organisation de contacts pour que demain, s’il y a des joueurs de grande qualité parmi ces gamins, que le club puisse avoir des liens indirects avec eux. Et cela se fait sur le terrain, tous les jours. Je la vis très bien. C’est apaisant, valorisant et très intéressant.

Avez-vous détecté de petits génies pendant ces tests à Mbour ?

Honnêtement, je n’ai pas vu grand-chose aujourd’hui (jeudi 9 octobre, Ndlr). Mais dans la semaine, j’en ai vu de très bons, notamment à Sacré-Cœur où il y a vraiment du talent qui grouille chez les tout-petits.

Est-ce à dire que ce que vous trouvez sur place n’est jamais à la hauteur de ce qu’on vous annonce ?

Cela n’existe pas qu’en Afrique. En Europe aussi, la première personne qui vous contacte vous dit toujours: «J’ai un phénomène.» Mais à l’arrivée, il y en a très peu.

«Que du bonheur avec les joueurs sénégalais»

Quel est le rôle de vos accompagnants dans ce projet?

Avec Djiby (Diagne, pdt de Dakar Sporting Club, National 2, Ndlr) et Adama, cela fait longtemps qu’on se connaît. Aujourd’hui, ce sont des liens plus que professionnels et presque familiaux. Ils sont mes yeux et mes oreilles au Sénégal. Tout ce qui se fait de bien chez les jeunes, on arrive à le savoir et à le comprendre. Quand il y a du très bon (joueur), ils nous en parlent et on essaie de l’orienter chez nous.

Parmi les joueurs sénégalais que vous avez eu à diriger, quels sont les flops ?

Il y a toujours dans le recrutement, mais chez les Sénégalais, nous n’avons pas eu beaucoup de casse (flops). D’ailleurs, le Sénégal devrait se pencher sur un garçon comme Benjamin Mendy (latéral gauche) qui est un Franco-sénégalais et qui, selon moi, est un très grand talent. Il est titulaire dans l’équipe et qui est actuellement 1ère en Championnat (Ligue 1). C’est vraiment un très bon joueur.

Avez-vous des déceptions avec certains ?

Honnêtement, non. Mamadou (Niang) a toujours mis ses buts, toutes les saisons, avant de partir. Avec Souley (Diawara), ils ont été champions de France avec l’OM. Donc, il n’y a eu que du bonheur avec eux.

Il y a quand même Leyti Ndiaye et Daouda Mbow qui n’ont jamais réussi à s’imposer à Marseille…

C’étaient des jeunes et non des joueurs confirmés sur qui Marseille a mis de gros moyens. Mais Leyti (29 ans) venait d’un petit club (CS Louhans-Cuiseaux, National, 2003-2004) et a fait son travail (Neuf ans à la Commanderie). Il n’a pas explosé chez nous parce qu’il a quand même eu deux grosses blessures avec des (ligaments) croisés sur chaque genou. (Daouda) Mbow (26 ans) s’est plutôt bien servi de Marseille parce qu’il est en train de bien marcher en Grèce (Panthrakikos).

Et qu’en est-il de Modou Sougou ?

Sougou ? C’est un autre sujet. C’est un bon joueur (il se répète). Je pense qu’il méritait peut-être un mieux que ce qu’on lui a proposé.

«J’ai une affection particulière pour Boubacar Sarr « Locotte », mais aussi pour Niang, Diawara et Habib»

Quels sont vos rapports avec les différents Sénégalais passés par l’OM ?

Cela s’est toujours très bien passé. C’est simple pour eux parce que ce sont des Francophones et ce sont des garçons qui connaissent et aiment l’OM. Donc, ils viennent avec une vraie envie et ça marche bien. Tous les Sénégalais qui sont passés par Marseille ont eu une bonne réussite. Du plus loin que je connaisse en commençant par Boubacar Sarr « Locotte », Abdoulaye Diallo et tous ceux que j’ai pu côtoyer: les Niang (Mamadou), Souleymane (Diawara) et consort, cela s’est toujours passé très bien.

Y a-t-il un ou des talents sénégalais qui vous ont marqué ?

J’ai une affection particulière pour Boubacar Sarr avec qui j’ai joué. Il a été un grand joueur, buteur et a gagné la Coupe de France avec Marseille. J’ai aussi une affection particulière pour Mamad (Niang) et Souley (Diawara). Mamad, j’ai été allé le chercher à Strasbourg et je l’ai vu grandir et performer. C’est pareil pour Souley. N’oublions pas que ces deux nous ont amené le dernier titre de champion de France. Habib Bèye, nous avons été en finale de la Coupe d’Europe (UEFA, 2003-2004). Ce n’est pas parce que je suis au Sénégal que je dis cela. Je n’aime pas la langue de bois. Je dis ce que je pense et c’est peut-être pourquoi je suis un peu turbulent de temps en temps. J’ai de très bons rapports avec les joueurs sénégalais parce que ce sont des gens avec qui on peut travailler humainement et très facilement.

«Le Sénégal se qualifiera à la prochaine Can» 

Comment voyez-vous cette Équipe nationale du Sénégal ?

C’est une équipe qui a souffert pendant quelque temps en manquant des compétitions importantes (CAN 2013 et CM 2014). Mais avec le boulot qu’Alain Giresse est en train de faire, l’équipe est en train de se former. Avec ce que j’ai vu, je pense que le Sénégal est une équipe très compétitive et je pense qu’il se qualifiera à la prochaine CAN.

Qu’es-ce qui vous attache à l’Afrique et aux Africains ?

J’aime l’Afrique profondément. Je me ressource beaucoup quand je viens en Afrique et lorsque je côtoie des Africains parce que vous avez une culture différente de la nôtre (européenne).

Vous avez certainement remarqué le grand nombre de supporters de Marseille au Sénégal…

Oui, j’ai tout de suite compris. Quand je suis dans la ville (Dakar), je vois bien que ça grouille de supporters marseillais et je trouve ça très bien. C’est pourquoi, l’OM a tout intérêt à développer encore plus l’image d’un club au sein du Sénégal et partout dans le continent africain.

«Je ne parle plus avec Pape Diouf»

Vous en avez toujours après Pape Diouf qui a été président de l’OM au moment où vous en étiez le directeur sportif ?

Je n’ai plus de problème avec lui. Nous avons beaucoup travaillé ensemble et pour des raisons qui nous concernent lui et moi, nous avons cessé de se côtoyer et de se parler. Mais je pense que de son côté comme du mien, le respect existe toujours. J’ai toujours un immense respect pour lui parce qu’il reste le président avec qui j’ai passé des années intéressantes à Marseille. Mais on ne se côtoie plus. Ce sont des choses de la vie qui arrivent et ce n’est rien de grave. Nous avons chacun nos routes à tracer. En plus, Pape est sorti un peu du football pour entrer en politique et je suis (toujours dans le sport), donc nous avons des chemins différents.

Comment appréciez-vous la bonne forme de Marseille qui marche sur l’eau ?

C’est normal. C’est le secret de la préparation que nous avons faite l’année dernière, avec le recrutement de jeunes joueurs que tout le monde n’avait pas bien compris. La réponse est là avec les résultats actuels. Ces jeunes permettent à l’Olympique de Marseille d’être en tête du classement. C’est la même équipe de la saison dernière, qui a fini avec huit matches sans défaite et redémarré avec un bon parcours.

Peut-on dire que Bielsa a trouvé une équipe toute faite ?

Pas toute faite. L’entraîneur a toujours sa patte. Bielsa est un bon coach, mais il n’a pas trouvé un champ de ruines. Malgré tout ce qu’on laissait penser ou croire, je pense qu’on est très loin du compte. Nous avons laissé un bon matos à l’entraîneur qui devait arriver.

«Je me suis basé au Maroc pour être plus tranquille»

Votre vie a basculé le 5 septembre 2013 avec la perte de son fils (Adrien, 27 ans). Comment avez-vous traversé ce drame ?

On ne surmonte jamais cela. Jamais! Malheureusement, les gens qui ont perdu un enfant le savent. Il y a des circonstances différentes des autres, mais que ce soit comme celle avec mon fils (tué par balles lors d’un règlement de comptes le 5 septembre 2013, mort sur le coup après être touché deux fois à la tête et à la carotide) ou des maladies… On survit. La vie ne s’arrête pas parce qu’on doit continuer à vivre pour nos familles et nos (autres) enfants. Mais le manque sera (toujours) dans toute ma vie. La petite lumière qu’il y avait en moi s’est éteinte parce qu’on perd ce qu’il y a de plus cher pour un père ou une mère.

Est-ce la raison pour laquelle vous avez quitté Marseille, “votre amoureuse”. C’est une rupture ­définitive ?

Cela s’est passé dans une ville (Marseille) très violente et bien dommage parce qu’elle est très belle. C’est la raison pour laquelle je l’ai quittée pour vivre aujourd’hui au Maroc. Je ne pouvais plus supporter toute cette violence au quotidien. Je me suis basé au Maroc pour être plus tranquille. Je ne sais pas pour combien de temps. Cela peut durer un an, dix ans, voire toute une vie. Le jour où j’en n’aurai plus envie, je changerai. On est libre et on exerce cette liberté comme on en a envie.

IDRISSA SANE ET OUSMANE DIOP

A la mort de son fils, il a songé à se suicider

Au cours d’un d’entretien vérité dans les colonnes de «Paris Match» (24 juillet 2014), José Anigo révélait avoir pensé au pire. «Pour être franc, lors d’un déplacement à Naples avec l’OM, en octobre dernier (2013, match de Ligue des champions, Ndlr), j’ai songé rejoindre Adrien, raconte-t-il comme pour se libérer d’un poids. Nous étions sur la terrasse d’un grand hôtel et je regardais en bas, en pensant que c’était le bon endroit pour partir. J’ai senti ma vie tenir à un fil. Puis, j’ai réalisé que je ne pouvais pas abandonner ma famille.»

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