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S’il y a une question à poser sur le football au Sénégal, c’est bien celui de son avenir proche et son futur. Comme toutes les autres disciplines, le football souffre de son manque d’organisation, d’un calendrier propre, de dirigeants adaptés aux réalités de notre temps. Une véritable politique sportive est donc à créer depuis la première étape des réformes qui ont conduit Lamine Diack, ancien athlète passé au football à devenir avec ses acolytes des années 50-70, les dirigeants sportifs les plus connus au Sénégal et dans le continent.

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Tout cela comme pour dire que la sortie du Directeur Technique nouvellement désigné, Mayacine Mar, à l’issue d’un séminaire destiné à piocher sur les problèmes du football, tonne comme ces vérités qu’on entend de la bouche des responsables quand ils commencent à en avoir marre et ne savent plus où ils vont. Mais véritablement, d’où vient le mal du sport sénégalais ?

Le football n’est le seul problème. Mais le malaise est profond, faute de stratégie et d’une vision pour l’avenir. Le mot est d’ailleurs trop fort ; question de planning, de calendrier, de moyens etc. La liste est longue  pour les différentes instances qui animent le football sénégalais jusqu’à la vie des clubs pour qu’on n’explique pas tout. Du moins pour qu’on puisse expliquer pourquoi on ne saura jamais bâtir le club fort que l’on cherche.

Dans cette ambiance, le fait de citer le nom de grands joueurs ne réglera rien  du tout. La preuve. Depuis 1974, année, de la première demi-finale en Coupe d’Afrique des clubs d’un club sénégalais, la Jeanne d’Arc de Dakar en l’occurrence, tous les clubs qui s’y sont essayés sont tombés en faillite ou sont devenus des équipes ordinaires. C’est ainsi que Yoro Sow, au début des années 1980, président de la grande équipe de foot de l’Us Gorée des Manou Corréa et Mor Sakho, n’avait pas tort de dire qu’il ne souhaitait plus que son équipe devienne championne du Sénégal.

Endetté jusqu’au coup, perdant plus de la moitié de son équipe, la saison d’après, le président goréen de l’époque aux côtés de mécènes et de dirigeants forts (Malick Ndaw, Mamadou Wahab Talla et encore) va jeter l’éponge. Problème de moyen. De dépit.
La suite est le résultat d’une longue disette pour le football. L’Us Gorée morte, la Jeanne d’Arc essoufflée, avec un Jaraaf qui a mal d’Afrique mais qui n’y parvient pas, malgré le retour de France de Mbaye Fall et Séga Sakho, l’on s’est mis à réinventer le football d’entreprise : alors naissent sur les misères de ces clubs, l’Asc Police, la SEIB, la SIDEC, le Port, la Douane, mais c’était pour combien de temps.

Qui se rappelle encore de l’équipe de la Police qui a fait connaître des joueurs de talent comme Tassirou Diallo, Idrissa Fofana, Ibou Faye, Chita, Thierno Mboup, Blek Ciss, Médoune Mar et encore. Qui se souvient encore de la SEIB, créée et supportée par une seule entreprise, la société du même nom. Connaissez-vous Ndiack Faye, Karim Sèye, Mor Diaw Bonof, Mamadou Keita, Lamine Ndiaye ? Que dira la nouvelle génération de la Sidec par exemple des Adolphe Mendy et François Nounou Preira?  Pour dire que si des joueurs de talent n’ont jamais manqué à ce football, il ne lui a jamais manqué également de dirigeants courageux. On se rappelle de tous ces militants bénévoles d’un jeu qui leur a pris tout ce qu’ils avaient comme argent et moyens : Assane Masson Diop, Ibrahima Samb, Oumar Seck pour la JA. Abdoulaye Ba Zeund, Lamine Diack, jusqu’à Abdoulaye Makhtar Diop pour le Jaraaf. Yoro Sow, Alain Pansard et d’autres encore pour l’Us Gorée.

Pour ne pas oublier tous ces gens qui étaient autour des clubs moins huppés à l’époque comme François Bopp, Mbaye Lèye, Garang Coulibaly jusqu’à Karim Sarr pour le stade de Mbour pour ne citer que cet exemple-là. La liste ne finit pas.  Mais où est le mal donc?

La mort d’une certaine idée du sport

En étant simplement exclusif, on aurait sous-titré la mort d’une certaine idée du football, mais finalement, à l’observation, c’est tout le sport qui a souffert de ce mal qu’est l’improvisation. Et, si on est parti aux derniers olympiques de Londres, c’est simplement parce qu’il fallait y aller. A la vérité, rien n’a été préparé derrière.

Et au moment où les passions de la nouvelle espèce de supporters dits du football ont été restées caller sur le match de Coupe du monde qui avait opposé le Sénégal à la Côte d’Ivoire (sur les matches des Lions essentiellement), la vérité est que même une victoire pour ce match et même en Coupe d’Afrique ne saura masquer les vraies carences de la vie sportive au Sénégal. Tous les moyens seront mobilisés parce que ce sont en quelque sorte de nouvelles stars qu’on reçoit. La nouvelle presse sportive, plutôt composée souvent de supports, aime les victoires et ne sait pas garder son calme dans une défaite. Elle a rend  au cours de ces dix dernières années, de mauvais services au sport sénégalais en général. Mais pendant ce temps, la misère des clubs nationaux ne sera pas pour autant masquée et on l’oubliera tant que seule la victoire sera belle.  Pour dire que nous avons aussi joué un rôle dans ce malaise en n’étant pas toujours là où on nous attend.

Incapable de faire des recettes, ces clubs jouent parfois avec des équipements dignes des clubs amateurs et de certaines équipes du navétane. Et ces derniers sont parfois mieux équipés qu’eux. Jouant souvent devant des gradins vides le lendemain d’un combat de lutte, un lundi et plutôt qu’un samedi, comment veut-on que ce club se sorte avec des recettes de match importants. Le regroupement des joueurs a un coût, tout comme les voyages, les soins et tout le reste.
L’année dernière, à Dakar, la plupart des matchs de Demba Diop se sont joués un lundi ou en semaine. Devant quel public ? Quelle a été d’ailleurs la moyenne annuelle de présence au cours de l’année ? Des réponses simples pour des explications beaucoup plus complexes quand on revisite la vie des clubs au Sénégal. Depuis 12 ans, une rupture a été introduite inconsciemment dans le dispositif de gestion des clubs : celui d’accueillir des joueurs pour les vendre ensuite à l’extérieur pour se faire de l’argent.

La seconde rupture est venue de la fin de contrat d’un formateur comme Peter Schnittger, l’allemand qui a poursuivi le travail d’impulsion et de relèvement du niveau des joueurs en faisant de l’équipe nationale un centre d’excellence et d’apprentissage et de mélange de joueurs locaux et de professionnels. Sur le chemin d’une véritable équipe avec comme ossature de bons joueurs du pays, une troisième rupture arrive avec le départ de l’allemand au début des années 2000 avec l’apparition du «mercenaire» et faiseur de miracle,  Bruno Metsu qui renvoie tous les locaux à leur maudit championnat en faisant le choix des gens dits professionnels : une aberration acceptée à l’époque et qui faisait «assassiner» de fait l’idée de formation au sein des clubs. La suite est une longue histoire.

Une finale de coupe d’Afrique perdue, un quart de finale de coupe du monde perdu. Et… la fin de l’histoire. Depuis, plus rien… Le football ne tenant compte que des résultats immédiats, les dirigeants de l’époque ont fermé les yeux jouant le jeu des politiques qui n’ont rien à faire d’autres du sport quand il ne leur permet pas de gérer leur mandat et de les faire durer. Dans ce mélange bizarre aux goûts d’une mayonnaise faite avec des œufs pourris, c’est le sport et le football qui ont souffert.
Souffert d’avoir été spolié de ce qui faisait leur charme : l’éducation et la formation. Souffert d’avoir vu assassiner la flamme et l’éthique qui fondent le caractère sacré du sport. Et dans ce contexte, que valent une victoire sur la Côte d’Ivoire et une finale de Can ?

En face de nous, de l’autre côté de l’océan, le Brésil et Rio de Janeiro chers à Garang Coulibaly, qui  ont remporté cinq finales de Coupe du monde, sont l’illustration de ce type de malaise que peut installer le sport dans ses mauvais travers. En pleine nuit à Rio du côté de la plage de Copacabana, la mendicité reste l’une des plus importantes au monde autour des hôtels. Et le seul moyen de devenir riche pour un jeune est de vendre de la drogue ou de jouer dans un club pour être vendu vite à un club européen. De Ronaldo à «l’incroyable» Hulk de Porto, qui a émigré depuis cette semaine en Russie, tous les jeunes cariocas et paulistes n’ont que ce rêve. Mais, devant la misère des anciens clubs comme Botafogo, Palmeiras, Santos et encore, n’est-ce pas la seule issue ? Cela en dépit de cinq coupes du monde dans les vitrines de Rio et Sao Paulo.  Le Sénégal devrait méditer cette leçon et se lancer dans la formation des dirigeants, des techniciens, des joueurs à travers un mélange entre anciens et nouveaux.

Et cela passerait forcément par la modernisation de la vie intérieure des clubs et la mise à leur disposition de moyens et d’aires de jeu dignes des ambitions nouvelles qui seront affichées et partagées par toutes les parties.

 

Source: Sudonline

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