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Dans le lexique du foot, les joueurs se partagent presque tous les qualificatifs qui magnifient la performance. Il en est cependant un qui ne souffre pas d’un tel sens commun. Le «Décisif» est un attaquant. Mieux, il est buteur. Plus encore, il est l’homme des moments exceptionnels (1). Un seul geste, un seul acte lui suffit pour faire l’histoire. On ne le juge pas souvent pour l’ensemble de son œuvre, mais pour un instant où il change la marche du monde.

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Toute la saison de Demba Bâ pourrait ainsi se résumer à la 87e mn de Chelsea-Psg d’hier.

L’instant va sans doute durer dans les mémoires et peut-être se figer pour la postérité. Un arrachement de la dernière énergie pour devancer son défenseur, un corps jeté à l’horizontal pour une projection libératrice du marquage et, au bout de cet enchaînement d’efforts, une jambe lancée à la rencontre d’un ballon qui arrive en transversale. Au point d’impact, le pied ne faiblit pas et le ballon ne dévie point. Ce fut l’instant décisif du match, porté par un buteur décisif. On ne peut parler de chance ou de hasard.

Ainsi s’imprime, pour la postérité, l’œuvre d’un grand buteur.

Demba Bâ n’a pas connu une belle année. Plus souvent assis que debout, écrasé par son ombre, frustré dans ses envies et trahi dans ses espérances, il lui a suffi d’un soir pour exprimer tout ce qui dormait en lui.  Avec cette spécificité qui caractérise les buteurs de son espèce.

Ils ne sont pas du genre à porter le jeu, à l’orienter ou à le construire comme d’autres qui savent faire corps avec le ballon. Ils vivent dans la recherche du geste unique qui fait la différence. Une sorte de tigre qui chasse. Le degré d’anticipation est porté au maximum, le toucher de balle vif, le contrôle parfait, le dribble utile, le déchet de jeu réduit à sa plus simple expression. Ces buteurs ne sont pas toujours beaux à voir, mais efficaces en diable. Rappelez-vous Trézéguet.

L’intelligence de tels joueurs est dans l’art de se mouvoir sans ballon, à la recherche de l’espace qui les libère. Appels, contre-appels, jeu en pivot, engagement dans le duel, soudaineté du tir… La panoplie est énorme. Dans la zone des 16,5 m où il leur appartient souvent de faire la décision, le temps de réflexion se compte en fractions de seconde et les tentatives ratées n’offrent pas souvent l’opportunité d’un deuxième coup. Car l’impact défensif est énorme.

Dans ce rectangle où Demba Bâ cherche le bonheur qui lui a souri hier, ce qui fait la différence n’est pas seulement dans le talent. Les maîtres de surface, les porteurs de décisions qui, comme lui, savent répondre à l’instant décisif, sont souvent des hommes décidés, courageux face aux coups, capables de multiplier les courses «inutiles» sans jamais se laisser, prêts à accumuler les ratages sans avoir à se décourager, bourrés de lucidité et de maîtrise quand la pression est au plus haut.

La réussite que Demba Bâ a connue hier témoigne d’un mental énorme. On n’entre pas dans un match où, a priori, on n’avait «rien à faire», dans lequel on débarque comme un resquilleur parce que le coach ne savait peut-être plus où donner de la tête, pour s’imposer de la sorte, sans avoir la certitude d’être à sa place.

Si Mourinho s’est amusé pendant presque toute la saison à le factoriser par zéro pour le réduire presque au néant, Demba Bâ n’a sans doute jamais perdu confiance en ses capacités. Il l’a d’ailleurs constamment répété et c’est peut-être ce qui l’a poussé à croire que son destin pouvait se faire chez les «Blues», quand tout le poussait à aller voir ailleurs.

On peut penser que si Demba Bâ est resté à Chelsea, ce n’est pas parce que Mourinho l’a trompé, mais parce qu’il savait être à la dimension du défi. Il l’a prouvé hier.

L’exploit qui le porte au firmament rappelle des souvenirs. Cette capacité à être décisif, qu’il a exprimée hier, on l’a déjà vécue avec lui. C’était le 26 mars 2011, lors de Sénégal-Cameroun, à Léopold Senghor. Il avait balisé le chemin de la qualification des «Lions» pour la Can-2012 dans les ultimes instants du match, comme hier il a ouvert les portes des demi-finales de Ligue des champions à Chelsea.

Parfois, le bonheur tient à «peu» de choses, mais il faut y reconnaître la marque des grands hommes. Les génies ne sortent pas toujours de la lampe (sinon on les appellerait simplement Messi) et leurs échecs sont parfois si ennuyeux qu’ils désespèrent. Seulement, il arrive un jour où, comme hier…

On se dit alors qu’il vaut mieux avoir Demba Bâ avec soi. Et que Mourinho est tout sauf bête.

 

Waasport

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