Au lendemain de sa déclaration de candidature à la présidence de la Fédération sénégalaise de football, Mbaye Diouf s’est confié à cœur ouvert à Stades. Dans cet entretien, le président de Mbour PC par ailleurs chargé de la petite catégorie évoque ses motivations, ses ambitions pour le football sénégalais dans son ensemble.
Président, qu’est-ce qui vous a motivé à présenter votre candidature à la présidence de la Fédération sénégalaise de football ?
Mes motivations sont très simples. Je crois qu’aujourd’hui, personne ne peut reprocher à l’équipe fédérale en place de n’avoir pas un bon travail. Si l’on devait lui attribuer une note j’estime que ça serait peut-être au-delà de 7/10 ou de 16/20. Compte tenu de tout ce qui a été fait. D’abord, sur les investissements notamment avec le Centre Jules François Bocandé de Toubab Dialaw qui, à mon avis, est une grande réussite de Me Augustin Senghor. Maintenant, il reste à peu près 20 à 25% qu’il faudra aller chercher. Et je pense qu’il faut du sang neuf à la tête de la fédération pour franchir un palier et réaliser ce que Me Senghor n’a pas pu faire. Il faut donc des ressources humaines dynamiques et de nouvelles méthodes pour acquérir les 25% qui restent afin que notre football franchisse de nouveaux paliers. Il n’y a pas d’autre motivation essentielle de ma candidature. Je pense que tout cela peut se faire en 3 ou 4 ans maximum.
Vos résultats en tant que responsable des catégories jeunes au sein de la fédération ont dû également vous motiver ?
Absolument. Si aujourd’hui, Mbour PC et plusieurs autres segments de notre football et du milieu sportif ont su me convaincre c’est également sur ces aspects-là. Si vous prenez l’équipe nationale A actuelle, 60% de l’effectif est passé entre mes mains en cadets avec la génération des Idrissa Gana Guèye qui est aujourd’hui l’un de nos joueurs majeurs. La meilleure formule que nous pouvions avoir, c’était d’accompagner ces jeunes, les pousser à un niveau supérieur. J’étais convaincu que c’est ce qui pouvait nous valoir des satisfactions dans le futur. Le Ghana et le Nigeria l’avaient réussi par le passé et dès qu’ils l’ont abandonné tout le monde a vu le résultat. Il y a aussi le Cameroun qui a manqué plusieurs rendez-vous de la CAN seniors. Aujourd’hui, nous avons une équipe qui est prête à affronter les défis proches comme les deux CAN à venir. C’est en effet très motivant et gratifiant d’avoir accompagné ces jeunes-là. Maintenant, il faudra poursuivre le compagnonnage et les aider à nous faire gagner des trophées.
Outre Mbour PC, votre candidature est également portée par le District de Mbour et la Ligue de Thiès ?
Je pense qu’au-delà de ces entités, c’est l’ensemble des clubs sénégalais, des centres de formations, écoles de football, des gens qui tous les matins jusqu’à des heures assez tardives sont sur les terrains qui portent cette candidature. Mon crédo est qu’il faut aider les clubs, singulièrement ceux de l’intérieur, à sortir de leur situation de précarité. Nous perdons énormément de temps à pousser l’équipe nationale A qui, c’est vrai, est la priorité n°1 mais il faudra aussi penser à ces clubs de l’intérieur qui travaillent dans des conditions très compliquées. Aller de Sédhiou à Ziguinchor, de Matam à Saint-Louis, de Kédougou à Tambacounda, ce n’est pas facile. Je crois que si nous les appuyons à fond, nous pourrons en tirer une satisfaction énorme. Si l’on ne met pas en place un système qui puisse aider les clubs locaux à s’en sortir, on tournera toujours en rond et notre football, surtout local, n’aura jamais des résultats probants. Il est donc important que les clubs soient au centre de notre politique pour les booster.
Votre candidature survient quelques jours après que Me Augustin Senghor avec qui vous avez cheminé, a annoncé son souhait de briguer un 3èmemandat…
À première vue, cela peut paraître bizarre. Parce quand même, nous avons partagé le CCPC (Cadre de Concertation des Présidents de Club), le Comité de normalisation de la FSF et aujourd’hui la Fédération. Les résultats, comme je l’ai dit, sont assez satisfaisants. Nous avons trouvé une équipe nationale 40ème voire 50ème mondiale et nous l’avons menée aujourd’hui entre la 1ère place et la 2ème place africaine. Rien qu’à cet égard, on peut dire que notre football a franchi des paliers. Mais il reste encore à faire, à franchir des paliers. Toutefois, il est vrai qu’Augustin (Senghor) a des idées nobles et ambitieuses mais, après deux mandats, il faut songer à passer le flambeau pour que d’autres puissent continuer le travail. Le Comité de normalisation de la FSF avec le président Diagna Ndiaye avait préconisé de mettre en place des textes qui vont permettre au président élu de faire deux mandats et puis de céder la place. Malheureusement, ces textes n’avaient pas été parachevés.
Mais les textes de la FIFA et de la CAF permettent de briguer trois mandats de quatre ans ?
Il est vrai qu’aujourd’hui, la FIFA et la CAF disent qu’il faut 3 mandats de 4 ans. Mais je pense qu’il nous faudrait limiter les mandats à deux. C’est ancrer dans l’opinion et tout le monde peut constater que c’est quasiment une demande sociale. Parce qu’il faut toujours songer à améliorer, à impulser de nouvelles dynamiques, d’autres idées et visions. Parce qu’il y a d’autres ressources humaines capables d’apporter de nouvelles stratégies, pour atteindre de meilleurs résultats. Je suis un sportif pur et dur et j’ai, avec Diagna Ndiaye, Saër Seck, Louis Lamotte et d’autres accompagné Augustin dans les moments difficiles pour l’aider à réaliser ces résultats probants pour notre football. Je pense qu’aujourd’hui il devrait comprendre que c’est pratiquement une demande sociale qu’il puisse céder la place à un autre surtout qu’il a joué sa partition et que son œuvre est saluée de tous.
Vous avez, au sortir de l’AG de Mbour PC de jeudi, promis que si vous êtes élu vous vous déchargeriez de votre fonction de président du club et ne feriez qu’un mandat à la Fédération…
Oui ! Je pense qu’on ne peut pas être en même temps président d’un club particulier et être président de tous les clubs. Je donne l’exemple de Me Senghor qui est aujourd’hui président de l’US Gorée et président de la fédé. Certes il n’est pas le premier puisque l’on a eu les Omar Seck avec la JA, Abatalib Guèye de la Linguère, etc. mais je crois qu’aujourd’hui, quand on aspire à diriger le football national, on ne peut pas se permettre d’être président d’un club qui joue dans la même compétition que les autres. Donc, l’une des conditions essentielles était que Mbour PC accepte de me décharger de mes fonctions de président du club pour que je puisse me concentrer totalement sur la présidence de la fédération donc de tous les autres clubs. Je connais leurs difficultés que je vis de l’intérieur depuis 25 ans. Je connais le quotidien des clubs de Vélingara, Sédhiou, Kolda et entre autres localités où j’ai servi en tant que fonctionnaire des Douanes. Aujourd’hui, le football a besoin d’un président de fédé qui sera au dessus des clubs et président de tous les clubs.
Vous avez également parlé de réforme des textes. Sur quoi portera-t-elle essentiellement ?
Il faut d’abord dire que ces textes seront validés par l’ensemble des clubs du Sénégal, le ministère, l’État, la CAF et la FIFA. On ne pourra plus, comme je l’ai dit tantôt, être président de fédé et président de club. D’autre part, actuellement, dans le bureau fédéral, le président élu a 6 adjoints qui lui sont quasiment imposés. Je crois que c’est une aberration. Les 2 ou 3 premières places de vice-président doivent revenir à des ressources humaines choisies par le président élu. La Ligue pro et la Ligue amateur seront des membres de droit du Comité exécutif, parce qu’il n’y a plus d’élection. Le bureau sera dès lors à la charge du président qui sera responsable et comptable des réussites ou des échecs.
Vous avez déclaré que vous ne feriez qu’un seul mandat de quatre si vous êtes, qu’est-ce qui motive cette option ?
Le mandat du président sur la base des nouveaux textes sera un mandat de 4 ans renouvelable une seule fois. Mais moi je n’en ferais qu’un seul de quatre ans, suffisant à mes yeux pour pouvoir mettre tout en place. L’objectif de ce mandat unique sera également d’abord de pacifier l’espace avec des textes consensuels pour que les gens puissent retrouver une confiance mutuelle, que ce soit les anciens internationaux, l’État, le ministère afin que tout le monde soit d’accord sur des objectifs communs et réalisables. Ce seront des textes appropriés et adaptés à la situation que nous vivons. Et après ce mandat, j’ambitionne d’être de nouveau membre de la Commission du football jeune parce que c’est ma vocation.
Vous avez tantôt parlé des anciens internationaux. Certains d’entre eux dont El Hadji Diouf se sont réunis dans un Comité du renouveau du football. Quelle lecture en faites-vous ?
Ces internationaux sont des voix autorisées. El Hadji Diouf, Amdy Moustapha (Faye) portent un peu la vox populi. Pour dire que c’est un peu la tendance aujourd’hui dans l’opinion. El Hadji Diouf, un double Ballon d’Or continental, je pense que si l’on en cherche en Afrique il n’y en aura pas cinq. Donc, ce sont des gens qui savent ce que veut le peuple notamment le milieu sportif et qui se battent pour cela. Les textes nous les ferons avec eux et d’autres. Mais il faudrait qu’ils sachent que quand, jeunes footballeurs, ils jouaient il y avait des gens qui les ont accompagnés et encadrés. Ils sont partis (à l’extérieur), sont revenus et ont retrouvé au pays les mêmes personnes qui les ont encadrés. Donc, ils doivent de la déférence à ces gens. Il faut qu’ils leur parlent, surtout qu’ils auront un cadre pour discuter. Il leur faudra, comme disent Henri Camara et Ferdinand Coly, travailler à la base pour que les gens aient confiance. Les récriminations d’El Hadji Diouf et ses camarades ne sont pas dénuées de fondement. Il faut reconnaître aujourd’hui que l’opinion accepte mal que quelqu’un puisse faire trois mandats à la fédération. Je crois que deux mandats, c’est déjà ancré dans la mentalité des Sénégalais.
Avez-vous parlé à Me Augustin Senghor de votre candidature ?
Oui, je lui ai dit. On a échangé pendant une bonne demi-heure. Il a dit parfaitement comprendre ma candidature, autant, moi, je lui ai dit ne pas comprendre la sienne. Après 8 ans, je pense qu’il était plus juste pour lui d’accompagner l’équipe que lui-même avait mise en place, être dans l’équipe et travailler pour le bien du football sénégalais. Je suis conscient qu’il est en train d’y réfléchir. Au-delà de tout ça, Me Senghor, c’est mon parent très proche et je n’occulterai jamais de lui dire ce que je pense. Le principal conseil que je lui donne aujourd’hui, c’est de réfléchir et de voir que son renoncement à un troisième c’est pratiquement une demande sociale. Il a fait du bon boulot et je n’aimerais pas que tout ce qu’il a fait soit perdu pour un poste de président. Ce serait dommage.
La Direction technique nationale est également l’objet de critiques. Que préconisez-vous à ce niveau ?
Nous allons d’emblée suspendre l’activité de la Direction technique nationale pour passer à une Commission technique qui mettra en place l’organisation technique de notre football. C’est une exigence de la CAF et de la FIFA d’avoir une Direction technique nationale avec toutes les commodités. Aujourd’hui à la DTN, ils ne sont quasiment que deux Mayacine (Mar) et Moussa Ndiaye. Le reste, moi qui suis à la fédé je ne les connais même pas. J’ai reçu tellement de plaintes d’écoles de football, de centres de formation lors de leur dernière qui s’est d’ailleurs terminée en queue de poisson. Je pense qu’il faudra mettre en place une Commission technique avec des gens valables. Aujourd’hui quand on parle de football dans ce pays, on ne peut tenir à l’écart Amsatou (Fall), Mama Sow, etc. qui ont le vécu, qui peuvent le relooker pour que l’on ait une Direction technique forte, pour que les gens soient formés, et que l’ensemble des écoles de football aient le même tableau de bord pour leurs entrainements. Que l’on ne reste plus 10 ans ou plus sans voir d’entraîneur de 2ème ou 3ème degré. Il faut dire que les goulots d’étranglement dans notre football sur le plan technique sont essentiellement dus à la DTN.
Pour le football professionnel, depuis son avènement en 2009, on déplore l’absence de l’accompagnement de l’Etat. Que feriez-vous en tant que président ?
Si le monde du football me fait confiance, dans les semaines qui suivront mon élection, j’en ferai un objectif : il faut que l’Etat accompagne la Ligue pro. Nous avons au Sénégal 300 clubs au moins qui sont en contact direct avec le football. Donc, l’Etat a intérêt à regarder de près ce qui se fait dans ces entités. Nous avons tout ce qu’il faut pour que les pouvoirs publics puissent nous entendre. Ce ne sera pas un syndicat mais nous allons réclamer nos droits. Je crois que si, aujourd’hui, les autorités veulent vraiment aider cette jeunesse-là et les empêcher d’aller à l’aventure, le football peut bien l’y aider. Nous ferons tout pour que l’Etat nous appuie à ce niveau-là.
Hormis celui de l’équipe nationale A, les sélectionneurs nationaux passent pour des laissés-pour-compte. Que préconisez-vous ?
Moi je pense que l’entraineur national doit être une personne enviée. Aujourd’hui, il faut reconnaître qu’il est dévalorisé. C’est tellement choquant. Ils sont payés à 200 à 250 mille FCFA quand ils sont en compétition, (Joseph) Koto comme les autres. Seul l’entraineur de l’équipe A est payé. Il faudra vraiment corriger cet impair. Parce que, quand on veut un football performant, il faut que les acteurs soient dans de bonnes conditions. Il faudra également redynamiser l’administration fédérale à fond en recrutant un personnel professionnel adapté à la situation dans le domaine de la communication, du marketing, du rayonnement international et autres. Nous avons les moyens de le faire.
Vous êtes fonctionnaire des Douanes sénégalaises. Comment votre hiérarchie a accueilli votre candidature ?
Vous me donnez l’occasion de remercier ma hiérarchie. Je suis effectivement dans un corps hiérarchisé en tant que capitaine des Douanes. J’ai eu une audience spéciale avec la Direction générale et j’ai reçu l’onction de l’administration douanière. Et je suis certain d’avoir l’accompagnement et tous les douaniers.
Stades