Publicité

A l’issue du match nul décevant devant l’Angola lors de la dernière journée aller des éliminatoires de Brésil 2014, jouée à Conakry pour cause de suspension du stade Léopold Sédar Senghor, Giresse a repris la main pour imprimer sa marque en direction des matchs retour contre l’Angola et le Liberia à l’extérieur.


Au sortir de cette tournée « commando », quatre points sont venus s’ajouter au bilan des «  Lions », les positionnant en ballotage favorable avant la dernière journée de qualification du 2eme tour face à l’Ouganda en Septembre.
Tous les observateurs ont retenu de ces deux matchs l’engagement et la solidarité au sein de l’équipe malgré l’éternelle équation de la pauvreté du projet de jeu proposé.

Mais comme dit un adage wolof «quand on n’a pas sa mère, on profite du sein de sa grand-mère », surtout quand cette « grand-mère » permet encore de  maintenir les «Bébés- lions » en respiration artificielle à la tète du groupe J, on ne fera pas la fine bouche.
Ainsi tout en appréciant à sa juste valeur cette légère éclaircie, on est en droit de se poser la question de savoir si Giresse à agripper le bon bout et si oui, comment envisager le match ultime contre Ouganda en terre étrangère et plus généralement comment  appréhender l’organisation du football sénégalais qui depuis 2002 court derrière des résultats à la mesure de son immense potentiel et ceci quelque soit par ailleurs l’issue des éliminatoires pour le Mondial?

Publicité

Une analyse très sommaire de la méthode Giresse, par manque du recul nécessaire à ce type d’exercice périlleux, montre que le coach national semble avoir tiré les enseignements des échecs des différentes équipes nationales qui se sont succédées depuis 2002, du reste confirmés par la contre performance de Conakry, en décidant de s’attaquer en priorité au chantier de la « cohésion » à partir de l’introduction d’une dose de cohérence dans les critères de sélection des joueurs, avant même d’envisager un projet jeu pour l’Equipe.
Par ce renversement des priorités, Giresse semble vouloir tourner le dos à une pratique qui a perdu tant d’entraineurs (à l’exception de Leroy, Peter, dans une moindre mesure Metsu), consistant à faire de l’appartenance à un grand club professionnel européen le  critère de choix pour la sélection en Equipe nationale et en tentant de produire du jeu à partir d’une sélection disparate sans au préalable  avoir réglé le problème de la cohésion du groupe.
Pour mener à bien ce chantier délicat « de la cohésion » Giresse a privilégié la présence massive de joueurs professionnels ayant peu ou prou fait leurs classes dans le championnat national, les Equipes nationales de jeunes ou les écoles de football locales renforcés par des binationaux avec un zeste de football local.
Ce choix a donné les résultats escomptés lors de l’expédition « commando » en Angola et au Liberia avec des  « Lions » solidaires dans le jeu, intransigeants dans les duels, concentrés sur l’objectif et conscients de l’enjeu même si on peut trouver à redire sur la pauvre copie technique rendue par l’Equipe.

Aujourd’hui, au moment où les « Lions » s’acheminent vers le match décisif de qualification pour le 2éme tour contre l’Ouganda, probablement au Maroc, dans un contexte de morosité marqué par le coup d’éclat des mauritaniens face aux « Lions locaux », les sénégalais s’interrogent sur la stratégie en direction de la confrontation contre les «  CRANES » et au-delà sur l’avenir même du football sénégalais qui depuis 2002, court derrière des résultats à la hauteur de ses ambitions.

En fait depuis 2004, le football sénégalais n’a connu qu’une cascade de dégringolade passant du 20eme rang mondial et 3eme rang africain au 99eme rang mondiale et 25emerang africain en 2013 avec une légère éclaircie au mois de juillet où les « Lions » pointent au 74 eme rang mondial et 17 eme rang africain bien loin des performances de 2002.

Ainsi, partant du général au particulier, il est possible de dégager des proposions concrètes qui en plus des conclusions  du Comité de réflexion récemment mis en place, devraient permettre de faire évoluer les choses avant d’examiner la configuration de l’Equipe en direction du match contre l’Ouganda.
De manière non exhaustive, le renouveau du football devrait prendre en compte les propositions ci-après :

  1. Faire une évaluation sans complaisance de nos capacités pour définir un mode de relance adapté à nos réalités. La relance par le haut semble être le choix des dirigeants du football si on l’on en juge par les efforts déployés pour l’Equipe Nationale. Toutefois ce choix doit être défini de manière formelle pour permettre d’en analyser les avantages, d’identifier les inconvénients et d’évaluer les risques pour mieux préparer un « plan de contingence » à mettre en œuvre en cas d’échec comme en France après la déconvenue de 1994. Il a fallu à la France seulement quatre années pour gagner un Coupe du Monde et réussir le doublet avec la Coupe d’Europe  2002 après un échec retentissant devant la Bulgarie à Paris pour la qualification à la Coupe du Monde 94  qui a failli réduire à néant tous les efforts déployés depuis l’arrivée de Stéphan Kovacs à la tête du football français pour une « relance par le haut ». Le modèle français devrait servir de référence au football sénégalais.
  2. Assurer le retour à « la réflexion stratégique » dans le football en lieu et place d’un « management par exception», qui nous a  toujours conduit à un eternel recommencement, par le biais de la  mise en place d’une structure de réflexion combinant les attributions dévolues à la Direction de la Haute Compétition et celles de la Direction Technique Nationale appuyée par le Comité National Olympique.
  3. Renforcer le management du football par la mise en place d’un nouveau « type de cooptation » seule possibilité de mettre à la disposition du football des ressources humaines de qualité en complément des membres démocratiquement élus du Comite Directeur. En fait, la démocratisation intégrale de la gestion du football imposée par la FIFA est « le plus grand crime passionnel » de l’Instance mondiale contre le développement du football africain. Mitiger les conséquences de ce choix exige un consensus national sur la gestion du football.
  4. Reformuler le championnat national sur la base des faiblesses identifiées du football local pour mieux pousser les clubs à donner de la substance à leur plan de formation. Par exemple l’introduction d’un « bonus à la sénégalaise » pour pousser les équipes à l’offensive, l’institution des play-off/playdown qui permettraient d’atteindre le « quantum » de matchs pour nos équipes engagées en Ligue de Champion et la mise en place de matchs primés en Championnat et en Coupe en lieu et place de la  subvention.
  5. Revoir la politique de formation des écoles de football pour les amener, en plus de leur mission particulière de formation de jeunes footballeurs pour l’extérieur, à participer au renforcement du football local !
  6. Aider les clubs traditionnels à soutenir la concurrence avec les clubs d’entreprise pour éviter leur disparition et partant la mise sur la touche de milliers de jeunes qui ne peuvent pas intégrer le cursus des écoles de football. La descente de la Jeanne d’Arc et la prochaine disparition de l’US Gorée du championnat d’élite devrait sévir de déclic à une vaste opération de sauvetage des clubs traditionnels !
  7. Planifier avec rigueur la préparation de l’Equipe Nationale pour éviter de rater les dates Fifa et surtout mettre un terme aux matchs de préparation en France qui ne sont que des « randonnées pédestres » dans les stades de banlieue qui n’apportent aucune  valeur ajoutée à la préparation de l’Equipe ! La coupe d’Afrique se gagne à l’extérieur (a moins de l’organiser) et un groupe se forme face à l’adversité et le dépaysement, c’est donc à l’extérieur et sur les terrains d’Afrique qu’il s’agit de préparer nos joueurs !

Mais au préalable, il faudra comme le demande avec insistance dans une de ses célèbres boutades, le psychologue Serigne Mor Mbaye, une séance de « NDEUP » national pour exorciser l’idée ancrée chez nos compatriotes que le « Dieu du football » s’il existe, est nécessairement  sénégalais et qu’il ne peut ne pas exaucer les litanies du « marabout » faiseur de miracles. Il s’agira d’éduquer et de convaincre nos compatriotes férus de football, mais sevrés de victoires et nos dirigeants sportifs impatients de présenter un bilan pour la prochaine élection, que si le football est marqué du sceau de l’incertitude ce n’est point cette incertitude intégrale qui pousse à l’abandon aux réalités fantasmagoriques, mais plutôt « l’incertitude de Heisenberg » qui invite à la cohérence,  à la rationalité, à l’objectivité et au pragmatisme seules postures capables de lui imprimer la direction souhaitée !
Enfin concernant particulièrement le prochain match contre l’Ouganda, le défi pour Giresse sera de rester sur la ligne de conduite tracée concernant  les critères de  sélection des joueurs en Equipe Nationale.
En fait, étant donné que le Sénégal est un des rares pays africains à connaitre un problème de binationaux, il s’agira de faire un savant dosage entre les différentes composantes de la Sélection :

  • 50% de joueurs (11 à 12) professionnels ayant partagé les échelons ou les catégories au niveau local avant de s’expatrier
  • 50%de binationaux et de locaux.

Dans ce schéma, le pourcentage des locaux augmenterait au détriment des binationaux au fur et à mesure du relèvement du niveau local et des aménagements seront apportés en fonction du potentiel disponible à  l’extérieur et de la plus value attendue de ces joueurs.
Au plan technico-tactique, Giresse devrait être conscient du fait que l’Equipe du Sénégal est un groupe caractérisé depuis un certain temps par un net déséquilibre entre l’attaque et le milieu.

Ce déséquilibre conjoncturel, mais persistant, est lié à l’émergence d’une génération spontanée de grands attaquants ces dernières années, servis par des hommes de milieu de moindre envergure, créant ainsi une rupture entre ces deux lignes. Ainsi, ce sont les attaquants qui à partir de leurs appels incessants dans la profondeur, imposent l’orientation du jeu aux milieux alors que ce devrait être  ces derniers qui, s’appuyant sur les fausses pistes ouvertes par les attaquants, sont chargés d’assurer le déséquilibre. De ce fait, Sénégal est ainsi devenu par la force des choses, une équipe adepte d’un jeu direct, totalement prévisible donc inefficace alors même que la qualité de nos attaquants aurait du nous permettre d’exploser n’importe quelle défense sur le Continent.

La solution à ce problème pourrait venir d’un milieu expatrié talentueux et charismatique (type Fadiga), ce qui est loin d’être acquis avec la tendance actuelle en Europe à spécialiser les joueurs africains dans des secteurs à vocation défensive.
Une autre piste plus réaliste est de déceler ce type de joueurs dans les championnats étrangers de moindre envergure ou dans les niveaux inférieurs des grands championnats dans lesquels le joueur africain conserve encore l’intégralité de ses qualités techniques à l’exemple de Sadio Mané.
Mais la meilleure solution serait de détecter ce profil dans le championnat local comme l’ont si bien réussi Leroy (Adama Cissé, Victor Diagne, Lamine Sagna), Peter Schnittger (Moussa Ndiaye, Henry Camara, Aly Male) et dans une moindre mesure Metsu (Pape Bouba Diop et des joueurs d’échelons inférieurs tels que Pape Thiaw, Alassane Ndour…).

En fait, si un entraineur devrait  monter une équipe uniquement sur la base du classement des étoiles de France Football, point ne serait alors besoin d’un entraineur payé à coups de millions. Le courage de Keshi avec le Nigeria à la CAN 2013 et le conservatisme d’Hervé Renard avec la Zambie en 2012 devraient servir pour une fois de leçon au football sénégalais.

En conclusion, sans qu’on ait tous les éléments pour faire une analyse objective  « de la méthode Giresse », on peut prendre le risque de dire, au vu des quelques prestations depuis l’arrivée de la nouvelle équipe technique,  que le coach  a peut être trouvé le bon bout en donnant la priorité au chantier de la cohésion. Son succès dépendra de son courage à maintenir et à imposer ses choix et de son aptitude à déceler les talents, sans verser dans la facilité du classement des étoiles de France Football !l

Mais en tout état de cause, quelque soit l’issue des éliminatoires, le football sénégalais aura bien besoin d’un changement de paradigme pour espérer siéger au festin de « l’Assemblée Générale » du football africain en attendant d’intégrer le « Conseil de Sécurité » du football mondial et d’y détenir un droit de véto. Ce n’est pas le chemin qui sera difficile, c’est « difficile que devrait être le chemin » comme dirait l’autre.

Ferloo

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici