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Roger Mendy

L’ancien international sénégalais est sous le choc. L’indiscipline des jeunes à l’origine des incidents ayant entraîné l’arrêt du match retour entre la Côte d’Ivoire et le Sénégal le révolte. Roger Mendy, ancien défenseur de l’équipe nationale, s’inspire de son expérience pour analyser l’impact psychologique des incidents sur les joueurs et leurs conséquences sur le football sénégalais. Et de craindre des répercutions sur les prochaines sorties de notre pays en éliminatoire de la Coupe du Monde. Ça ne sera pas facile selon celui qui n’a jamais rêvé entraîner les « Lions ».

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Samedi 13 octobre, les « Lions » ont été éliminés par la Côte d’Ivoire dans le chaos. Quels enseignements en tirez-vous ?

D’abord sur le terrain, on a été dominé par une équipe bien organisée. La Côte d’Ivoire était venue pour gérer le score, en essayant de faire des contres. Dès le coup d’envoi ils ont dégagé le ballon dans le camp sénégalais pour nous laisser le jeu. Ce qu’ils voulaient faire. Les Eléphant s’en sont sortis par expérience, en battant les « Lions » par deux buts à zéro Maintenant, les incidents découlent de l’ignorance, parce que c’est trop facile. Le sport c’est un esprit saint dans un corps saint. Rien de plus. Pourquoi ne pas attendre jusqu’à la dernière minute. Lors de notre match contre le Cameroun, le Sénégal a marqué dans les dernières minutes. Tout le monde était content. Pourquoi on saccage tout après avoir été mené. Même si on savait que c’était fini. Le Sénégal ne pouvait en aucune façon marquer. Nos occasions n’étaient pas construites. Si ce n’est une pression exercée par Dame ou un retourné de Moussa Sow. Sur le plan jeu, il n’y avait rien.

Qu’est ce qui en était à l’origine ?

D’abord on avait besoin d’un constructeur au milieu pour finaliser. On ne pouvait pas prendre des joueurs comme Dame dont le rôle est de finaliser et leur faire jouer un rôle de constructeur. Ce n’est pas possible. Dame ne jouer pas son vrai rôle. En plus, on a eu plus de problèmes quand Idrissa Gana Guèye est sorti sur blessure.

Là vous situez les responsabilités du coach ?

Mais, c’est une affaire tactique et technique. Joseph est un bon entraîneur mais à ce niveau il a pêché. Il n’y a que Dame Ndoye qui essayait d’organiser. Et si un joueur comme Dame joue ce rôle ça veut dire que le Sénégal a des problèmes. Il a une bonne frappe et sait garder le ballon, il fallait le mettre dans des dispositions qui lui permette de s’exprimer. Ce système 4-2-4 est révolu.

Est-ce qu’on n’a pas aussi caché la réalité et fait croire au peuple à un succès certain, par une médiatisation excessive comme le pensent d’aucuns ?

Non je ne le pense pas ainsi. C’est l’affiche qui a fait sa propre publicité. Dès qu’on a su que c’est Sénégal-Côte d’Ivoire, tout le monde en parlait.

Les gens imputent une part de responsabilité aux journalistes. Mais je ne suis pas d’accord. Quelle est la réalité ?

Le Sénégalais aime qu’on le baratine en disant qu’on va gagner par deux buts d’écarts etc. Oubliant qu’en face, il y a une équipe à la première place continentale et 16e au niveau mondial, la Côte d’Ivoire. On jouait une grande équipe, solide avec des joueurs qui évoluent ensemble depuis 2004. Nous n’avons pas d’ossature. Koto avait bien commencé avec les Olympiques. Il fallait continuer dans cette dynamique, dans la patience, en prônant le long terme. Mais on veut tout de suite créer, et faire des résultats, ce n’est pas possible. Il fallait terminer avec ces jeunes. Personne ne peut contester ce qu’ils ont produit aux Jeux Olympiques. Ils ont perdu, mais tout le monde est content d’eux.

Le match a été émaillé d’incidents, obligeant l’arbitre à l’arrêter. Comment mesurez-vous les risques qu’encourt le Sénégal ?

Les risques qu’encourt le Sénégal sont graves. N’oublions pas que lors de notre match contre le Cameroun, il y avait une sanction, un sursis, pour envahissement du terrain. Il faut rappeler aussi le match contre la Gambie. La Confédération africaine de football (Caf) cumule les dégâts. Elle va prendre des mesures. Ça veut dire que nous courons une peine. Un an ou deux, je ne sais pas trop. Mais, les sanctions que l’on nous infligera, seront méritées. Aujourd’hui, il y a lieu de voir les responsabilités dans toutes les familles. Il faut rééduquer (les jeunes). Il n’y a plus de respect. On entend souvent des propos inconvenants de leurs bouches, tenus à l’endroit d’autres. On fait du n’importe quoi.

Mais la faute à qui à votre avis ?

À tous les Sénégalais. Il faut savoir ce que c’est le football. Notre génération avait eu ce grand jour quand on s’est fait battre à Harare, au Zimbabwe, par un but d’écart. Au match retour, on avait gagné et les Sénégalais étaient contents. Mais, il faut savoir gérer. La politique sportive ce n’est pas ce que l’on a présentement. On va aller jusqu’au bout, il faut absolument gagner. On s’énerve quand on perd, on casse. Le foot exige le fair-play. Le message de Drogba et Papiss au début c’était pour quoi, si ce n’est pour le fair-play. Ainsi, il faut retrousser les manches et reprendre à la base avec une rééducation des jeunes dans les familles.

Quel impact psychologique la défaite peut avoir sur les joueurs pour les éliminatoires du Mondial 2014 ?

Je ne dis même pas que cela peut les décourager mais cela peut les détruire. Ils étaient tellement dépassés. Vous les avez vus ce jour-là. Ils n’en revenaient pas. Ils étaient fous. Ces incidents peuvent se répercuter sur leur mental. Ensuite l’histoire retiendra cette date. Cela n’est pas une bonne publicité pour eux. On va toujours dire que lors de ce match ils n’avaient bien joué. Il faut être très professionnel et très fort pour surmonter cela.

Pensez- vous pas que cela peut les décourager au point de remettre en cause un retour en équipe nationale ?

Non, je ne pense pas. S’ils sont conscients, cela doit être une source de motivation pour réparer cela. Il faut qu’il se qualifie à la Coupe du Monde. Et les Sénégalais vont oublier.

L’arbitrage également a encore suscité des commentaires, quelle est votre appréciation de l’arbitrage de Jedidi Slim samedi dernier ?

Qu’est ce qu’il a fait ? Ce que les gens disent, c’est juste une question de sentiment. Cet arbitre a bien arbitré. On a mérité de prendre ces deux buts, on les a pris. C’est tout.

Quelles sanctions risque notre pays ?

Quelle qu’elles soient, on l’aura mérité. Laurent Paganelli de Canal+ me disait : jouer à l’extérieur était plus facile que jouer à domicile. Il faut qu’ils se préparent en conséquence. Le grand professionnel doit s’adapter à toutes les situations.

A la suite des incidents de samedi et d’éventuelles sanctions, comment voyez-vous l’avenir immédiat du football sénégalais ?

On était tous dans l’erreur en ne pensant qu’à la reconstruction de l’équipe nationale et en oubliant le football sénégalais. Il est en péril. Maintenant ce sera le vide complet. Ce sera un manque de crédibilité. Il faut tout de suite aller au travail. Mettre en place des structures, ne pas faire croire aux jeunes que seuls ces professionnels sont sélectionnables en équipe nationale. Eux aussi, jouant dans n’importe quelle équipe locale, ont le droit de défendre les couleurs de leur pays. La Fédération et le Gouvernement doivent prendre des mesures et donner les moyens pour refaire le football. Des clubs comme le Casa Sport, qui va nous représenter en Afrique, doivent être aidés. Tout ce qu’on a semé samedi 13 octobre peut se répercuter sur l’avenir.

Pensez-vous que El hadji Diouf peut revenir en sélection nationale ?

Le fait de dire, qu’il est vieux, il n’est pas apte ne m’intéresse pas. Ce sont les performances qui importent. Il est performant pour le moment. Je pense qu’il peut jouer. Il est apte, il est prêt. Maintenant tout dépend du sélectionneur. À Leeds actuellement il est performant.

Alors il devait être sélectionné ?

Non, c’est Koto qui devait choisir, ce n’est pas moi. Si El hadji se comporte de cette façon, c’est parce qu’il se sent patriote. Il est vieux, il n’est pas vieux, ce n’est pas là le problème. Aujourd’hui, c’est un vieux Drogba qui nous a « tués ». Peut-être c’est sa façon de manifester.

Pourtant il y a deux ans contre la Gambie, le Sénégal avait fait appel à Diouf mais cela n’a pas eu d’impact…

Je ne sais pas. Cette question est embarrassante. Il n’y a qu’El hadji Diouf qui peut y répondre. Tout ce que je peux dire, tout joueur qui est bon doit être pris.

Quel est votre point de vue sur sa proposition de nommer Pape Diouf (ex-président de l’OM) président de la fédération ou même ministre des Sports ? Je la lui concède. C’est son avis, il en a le droit. Peut-être si on me demandait, j’allais dire Racine Kane ou quelqu’un d’autre.

Aimeriez-vous un jour devenir l’entraîneur de l’équipe nationale ?

(Catégorique), non. Ça ne m’intéresse pas. Pourquoi ?

Je vais vous dire que si je dois entraîner une équipe nationale, ne sera pas celle du Sénégal. Peut-être celle d’un autre pays. Je préfère être insulté ailleurs que dans mon propre pays. Ici, c’est très dur. Je ne veux même pas être entraîneur de la Jeanne d’Arc.

Que faites-vous actuellement ?

Je suis toujours à la Jeanne d’Arc comme directeur technique. On est en train de se préparer pour la présélection, pour ensuite rebâtir une équipe forte et sortir le club du gouffre. C’est mon projet pour le moment. Peut-être après j’irai en Italie.

Pour faire quoi en Italie exactement ?

Pour travailler dans le sport

Mais dans quel domaine ?

La formation des jeunes. Puisque on ne veut pas de nos services, on va aller travailler à l’étranger.

Pourquoi dites-vous qu’on ne veut pas de vos services ?

Parce qu’on a jamais fait appel à nous, alors que nous sommes là depuis longtemps. L’équipe nationale ce n’est pas comme le club où tu peux dire, je suis là, qu’est-ce que je peux faire. En équipe nationale, c’est la Fédération qui doit faire appel à vous.

Quelles sont les chances du Sénégal de se qualifier en coupe du monde ?

Ça ne sera pas trop facile. Les joueurs sont en état de choc, je pense qu’il faut les préparer. Ce sont des jeunes. Il faut tout balayer. Ce qui doit prendre un an, alors que la suite des éliminatoires du Mondial 2014, c’est dans quelques mois. Attendons-nous à un autre match difficile au mois de mars 2013.

Les entraîneurs locaux ont encore pêché. Qu’est-ce qu’il faut faire maintenant ?

(Il coupe net). Non. Qu’est-ce que les Européens ont réussi ici eux aussi. Arrêtez. Ils n’ont rien gagné. Les Européens eux aussi n’ont rien gagné. Metsu a qualifié le Sénégal en finale de la coupe d’Afrique et quart de finale de la coupe du monde.

Mais, il n’a rien gagné. Il a d’ailleurs profité d’un excellent travail de son prédécesseur Peter Schnittger. Je pense qu’il faut être patient. Le Sénégalais ne connait pas la patience. Il faut faire dans le long terme. On ne peut faire une équipe tout de suite et faire des résultats tout de suite. Quel message envoyez-vous au 12e Gaïndé après cette déception ? C’est qu’on arrête ces nouveaux discours. Takh ci rip, Dem ba diekh, (aller jusqu’au bout) des choses comme ça. Takh ci rip d’accord, mais takh ci rip dans le fair-play. Mais, ils ont brûlé le drapeau national, ce qui est grave. Brûler le drapeau d’un autre pays peut entrainer un incident diplomatique. On est nul dans l’éducation civique. On est nul. Le drapeau national c’est quelque chose à respecter. Il faut se renseigner auprès des militaires pour s’en rendre compte.

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