Il est l’un des initiateurs et membres fondateurs de Diambars qui a donné au Sénégal la possibilité de former des équipes jeunes et de rayonner sur le continent. Même si par ailleurs, il nous tarde de parader sur le toit du vieux continent.
Après plus d’une décennie de vie professionnelle, il était bon ton de faire un bilan à mi-parcours. Le Président de la Ligue Sénégalaise de football professionnel, Saer Seck, pour ne pas le nommer, n’a occulté aucune de nos questions. Mieux, il a tenu à y apporter des claires réponses. Des difficultés financières que traverse l’institution, à la grande satisfaction de voir les acteurs jouer régulièrement, sans parler du modèle économique que véhiculent les clubs à travers la grande exportation des talents locaux, rien n’a été laissé en rade.
Quid des milliers d’emplois créés par le football professionnel. Ainsi, sa grande satisfaction est de voir le Sénégal présent sur la scène continentale de manière assidue, et à tous les échelons des sélections jeunes. A l’en croire, les deux mamelles du développement d’un football gagnant commencent à se réunir petit à petit, à savoir les infrastructures et la formation. Entretien.
Président Saer Seck, vous pouvez vous présenter aux lecteurs de Panafricanfoot.com ?
Je suis Saer Seck, premier vice-président de la Fédération sénégalaise de football, Président de la ligue sénégalaise de football professionnel et Président membre fondateur de Diambars.
Après plus d’une décennie de football professionnel au Sénégal, quel bilan en tirez-vous ?
Le bilan serait globalement satisfaisant, parce qu’on a eu cette décennie de football professionnel qui est parti d’une volonté des dirigeants et de l’absence du soutien étatique. Je ne connais pas de football professionnel dans le monde qui ait vécu, se soit développé, pérennisé sans l’aide de l’Etat. Aujourd’hui, le football anglais, espagnol, allemand et français, qui sont des références dans le monde, des modèles de football professionnel, sont aujourd’hui portés par les Etats, par leurs démembrements, à savoir les conseils régionaux et départementaux.
Et donc, je pense que si on devait tirer le bilan de cette décennie de football professionnel au Sénégal, il faut en être satisfait. Car il ne faut pas oublier qu’en 2008 lors de l’installation du Comité de Normalisation du football, on sortait de quinze mois sans compétitions, sans championnat au Sénégal.
Et depuis, avec deux championnats amateurs organisés par le CNF, qui débutaient en mars-avril sous la forme de poules et qui se terminait rapidement, avec des journées plus incertaines que certaines. Aujourd’hui, on a un football qui se décline avec ses difficultés, mais qui se décline de manière régulière.
Avec des compétitions qui arrivent à terme. Avec aujourd’hui cinq événements dans le football professionnel qui sont normés, calibrés, à savoir le championnat de Ligue 1, de Ligue 2, la coupe de la Ligue, le trophée des champions et le Sargal foot pro. La seule année où on n’a pas été au terme de nos activités, c’est l’année Covid (2019/2002). Et je pense que personne ne nous en tiendra rigueur car la santé étant devenue la priorité.
Alors au bout de 10 ans, on a mis en place une administration, une organisation. Avec des clubs qui se sont professionnalisés, et malgré la longue période d’inactivité, malgré le fait que toutes nos activités sont au ralenti avec une économie frappée de plein fouet par cette pandémie, nos sponsors et partenaires n’ayant plus les mêmes revenus et les mêmes ressources. Cela n’empêche que tous les clubs sont sur le pont dans la préparation d’avant saison.
Certains sont à Toubab Djalaw (Lieu d’hébergement et d’entraînement des sélections jeunes), à Gueraw (Centre technique du football sénégalais), d’autres en Gambie et au centre Diambars. Tout cela est à mettre au crédit du football professionnel. Il ne faut passer sous silence la création des emplois. Les emplois jeunes au nombre de 2000 ont été créés au niveau du football professionnel et sont effectivement pérennisés.
Pendant huit années, on a eu des partenaires et des sponsors majeurs que nous avons perdus lors des deux dernières saisons et qui sont à l’origine de nos difficultés financières. Mais il faut rappeler dans ce bilan positif à souhait que 78% des joueurs qui constituent la sélection A proviennent de ce football professionnel. Quand on regarde les petites catégories également, qui ont aujourd’hui des résultats consistants, alors qu’on n’avait que des participations anecdotiques à ce niveau (93 et 95) dans la décennie d’avant.
Non seulement nos équipes sont présentes dans toutes les Coupes d’Afrique, avec des titres de vice-champions, elles participent à la Coupe du monde. Tout cela est à mettre à l’actif du football professionnel. Même s’il y ‘ a un certain nombre de choses à faire davantage et à mettre en place.
L’autre aspect positif, c’est que nos clubs sont des viviers d’exportation de joueurs. Qui deviennent d’ailleurs des éléments essentiels de notre modèle économique. Cela veut dire que nous formons des joueurs de qualité qui donnent envie aux autres clubs africains et européens. Dernièrement, on a des joueurs comme Youssou Badji, Moussa Ndiaye, Ibrahima Dramé et j’en passe.
Quid des difficultés financières ?
C’est vrai qu’il y a des difficultés financières dues au fait qu’au niveau central de la ligue nous avions un portefeuille de partenaires assez squelettique. Un des partenaires, Orange pour ne pas le nommer, constituait à peu près 85% de nos revenus. Dès lors que Orange n’a pas souhaité continuer ce partenariat, pour des raisons qu’on n’a pas toujours bien comprises, évidemment, il est clair que des difficultés financières surgissent. Heureusement que cela a coïncidé avec une période qui a vu la Fédération sénégalaise de football faire, au niveau de l’Equipe A, des performances significatives avec une qualification à la Coupe du monde (1V,1N, 1D) qui sont autant de sources de revenus. Mais également une belle Coupe d’Afrique avec en prime une finale perdue de manière très improbable, c’est mon jugement personnel, contre l’Algérie. Ce qui a permis à l’instance fédérale de venir en soutien à sa locomotive naturelle, normale. Parce que le football professionnel doit être la locomotive du football, alors quand elle (locomotive) est en panne, malheureusement le train ne marche pas, la Fédération l’a bien compris et est venue à la rescousse de la Ligue professionnelle pour nous permettre de passer ce cap et disposer de temps pour travailler dans la sérénité pour effectivement, inverser la tendance. Et à développer un modèle économique qui soit plus crédible, et que nous puissions avoir des sponsors sur un moyen voire long terme, plusieurs annonceurs qui font que l’économie et l’existence de la Ligue ne puisse plus être mise en danger par les positions d’un seul partenaire.
Selon certaines indiscrétions, il vous est arrivé de mettre la main à la poche pour renflouer la Ligue, vous confirmez ?
Non, mais, ce n’est guère important. On est une équipe et on est engagé dans le développement du football professionnel. Chacun d’entre nous, au niveau où il se trouve, et en fonction des dispositions et capacités dans lesquelles il est, apporte effectivement sa contribution. Certains apportent de la ressource financière, d’autre de l’investissement personnel, alors que pour certains c’est la réflexion et la qualité rédactionnelle. Et c’est tout ça qui permet à l’équipe de tenir la barque. Cela dit, je ne suis pas le seul à avoir mis la main à la poche quand il a fallu. Mais ce n’est pas aujourd’hui l’essentiel, honnêtement. L’essentiel de ce qui a fallu pour remettre à flots la Ligue a été fait par la Fédération Sénégalaise de football au cours des différentes années.
Au début nous avions pensé effectivement être en capacité et notamment avec le contrat qu’on avait signé avec la société Startimes (une société chinoise pour la retransmission des matchs de la Ligue 1 en direct) de pouvoir juste supporter un passage difficile du gué. Mais, à aucun moment nous avions pensé nous noyer au milieu du gué. Quand le danger s’est fait pressant, la Fédération a répondu présente.
Est-ce que l’offre proposée par la ligue est assez attrayante pour attirer suffisamment de partenaires ?
Si effectivement on doit le mesurer au nombre de sponsors qui se bousculent à nos portes, il faut admettre qu’elle n’est pas attrayante. C’est la raison pour laquelle on doit toujours se remettre en cause et de nous poser la question à savoir pourquoi les sponsors ne se bousculent pas à nos portes. C’est une réflexion qui a été en cours lors de notre réunion de ce soir (entretien réalisé jeudi nuit après la réunion de la Ligue professionnelle de football) et à chaque fois nous essayons. Peut-être que nous étions un peu gourmands, peut-être beaucoup trop ambitieux par rapport à la réalité de l’environnement et à la santé financière de nos entreprises. Peut-être aussi par rapport au spectacle que nous offrons, à son attractivité qui pourrait s’exercer sur les différents annonceurs. Donc nous avons des questions sur l’ensemble de ces différentes offres et mis en place un plan stratégique de redéploiement marketing. On va essayer de ne plus aller vers un écrémage de très grands sponsors, mais vers une massification de plusieurs petits sponsors de manière à ce que plusieurs petits ruisseaux créent une belle rivière qui permette non seulement à la Ligue de fonctionner mais que nous puissions permettre aux clubs d’avoir de la ressource et d’augmenter leur niveau de professionnalisation, la régularité des financements.
Quel est votre ressenti après la précoce qualification des Lions, avec toutes les critiques qui vont avec ?
Ecoutez je pense que le ressenti légitime est la satisfaction. Mais après qu’on fait le travail, on va nous dire qu’on avait des petites équipes en face. Demandez au Ghana si le Soudan a été un adversaire facile et à la Côte d’Ivoire si Madagascar a été un adversaire facile. Je crois que quel que facile soit l’adversaire, comme indiqué par la presse, il fallait faire le travail. Et le Sénégal a fait le travail. Et c’est à notre grande satisfaction. Et c’est le lieu de féliciter les joueurs et le staff, mais aussi l’équipe fédérale et l’Etat. Qui met l’équipe nationale dans des conditions de performance. Chacun a joué son rôle dans cette performance et ce qui nous a permis de construire cette précoce qualification. Aujourd’hui, on peut faire focus sur l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations avec un an d’avance. On peut dès lors aller au Cameroun pour voir les conditions d’hébergement et cibler les différents sites, les différentes possibilités et savoir comment on peut s’organiser.
L’échec de 2017 au Gabon et l’échec de 2019 en Egypte doivent nous aider à comprendre ce qui a manqué à la sélection pour aller au bout. Pourquoi on n’a pas gagné, quels sont les détails qui nous ont empêché de gagner, à la fois en interne, au niveau de l’organisation générale que sur le plan sportif. Que nous tirions les conséquences, car il ne faut pas se cacher derrière notre petit doigt. Notre ambition est de remporter la Coupe d’Afrique.
Le tournoi de l’UFOA, quand les sélections jeunes se meuvent sur les terrains d’Afrique, qu’est-ce que vous éprouvez ?
Au-delà du ressenti, c’est une quantité de travail extraordinaire. Les pourfendeurs des fédéraux s’en donnent à cœur joie. Moi, j’accepte bien l’ensemble des différentes critiques car elles permettent d’avancer, je ne suis pas un frileux, j’aime bien regarder les problèmes en face et de corriger le delta qui me permet d’arriver à la perfection et de remporter le trophée. C’est quand même une quantité de travail extraordinaire, car depuis l’indépendance on n’a pas vu autant de sélections jeunes en compétition. On a beau nous reprocher d’avoir un championnat pas structuré et autre chez les petites catégories, aujourd’hui avec la mise en place des infrastructures, ce qui en passant, sont dans le patrimoine de la Fédération sénégalaise de football. Donc en dehors du siège, on a une fédération qui a du patrimoine.
Aujourd’hui, l’extraordinaire n’est plus de participer, mais de ne pas participer. Et donc on était à Toubab Dialaw sous l’autorité du président Augustin Senghor pour rendre visite aux Lionceaux et leur transmettre le message fédéral. La sélection U20 mérite les mêmes considérations et la même attention que l’équipe A. Aujourd’hui, on a des équipes U17, U20 et U23, sans parler de l’équipe A, tout cela doit s’imbriquer. Les U17 qui ont fait une Coupe d’Afrique et une Coupe du Monde qu’on a clairement identifiés, ils doivent intégrer la sélection U20 et ainsi de suite jusqu’aller arroser la sélection A.
Lors de la double confrontation face à la Guinée-Bissau, le staff a eu recours à des joueurs U20 pour compléter l’effectif des Lions, à savoir Alfa Dioukou, Babacar Fall et Formose Mendy. Certains sont restés sur le banc de touche lors de la double confrontation. Il ne faut pas oublier qu’on a fait des finales mais pas encore de trophées dans nos armoires. On a une scoumoune avec les finales au Sénégal et jusqu’ici on ne parle que de finale, finale et finale. Mais honnêtement, on est en train de travailler pour qu’on ne parle que de Coupe, coupe et coupe.
Ces petites catégories ont remporté tous les tournois auxquels ils ont participé. Que ce soit les tournois UFOA, en Turquie, en Arabie Saoudite et en Guinée. A Brazzaville, on a remporté les Jeux africains chez les U23. Au niveau des CAN, il nous reste à gagner et consolider une équipe en sélection A pour espérer gagner une coupe du monde. Ce sont effectivement nos ambitions. On y travaille mais pas par des paroles, mais par des actes et des patrimoines. En érigeant des aires de jeu et en utilisant à bon escient les ressources fédérales de manière à ce que les deux mamelles du développement d’un football gagnant commencent à se réunir petit à petit, à savoir les infrastructures et la formation.
Et quel est votre rêve pour ce football que vous chérissez tant ?
Gagner la coupe du monde de football.