Fraîchement élu par consensus à la tête de la Ligue sénégalaise de football professionnel (Lsfp), Saër Seck dévoile déjà ses ambitions. Plein d’optimisme et prêt à changer le visage du football local, il rêve en grand. Dans cet entretien il dit tout sur ses ambitions.
Vous avez été nommé par consensus à l’issue d’intenses négociations. Que vous inspire toute l’agitation qui a précédé cette nomination à la tête de la Ligue pro ?
« Je pense qu’il n’y avait pas eu une très grande agitation, ou c’est une agitation positive. Cette agitation était, en fait, une confrontation de programmes, d’idées et d’ambitions pour la ligue. Il a fallu que chacun fasse preuve d’une grande réflexion, d’imagination pour faire des propositions tendant à faire progresser la Ligue de football. Donc, je pense que ce sont des moments très importants pour la structure et pour le football sénégalais pour qu’on puisse, non plus seulement sur la base d’une aura ou d’une crédibilité supposée, mais d’une ambition, d’un programme clairement décliné, choisir ceux qui vont diriger la Ligue. Cela a été un moment que j’ai vécu de manière très positive. Cela n’a pas empêché les candidats de se parler de manière très sereine et très courtoise sur l’exemple de ce que je souhaite être le type de comportements et de communication futurs de tous les dirigeants de la Ligue professionnelle».
De quoi aviez-vous peur au point de vouloir coûte que coûte une issue consensuelle plutôt qu’une élection ?
« Nous n’avions peur de rien. Vous savez, le vote est démocratique, le consensus l’est tout aussi parce que c’est la rencontre des volontés, de l’autre côté, c’est l’expression des volontés. Mais quand des volontés se rencontrent, cela veut dire aussi qu’elles s’expriment. Nous sommes passés par une période où c’était la présentation des programmes. Puis une autre où c’étaient les échanges avec les différents présidents de la Ligue. Donc, non, nous n’avions peur de rien. Chacun des quatre candidats était prêt à aller à la sanction des urnes si nous n’avions pas, effectivement, trouvé un consensus. Chacun des présidents est arrivé dans la salle prêt à voter. D’ailleurs, vous avez vu les isoloirs et l’urne, toutes les dispositions ont été prises. Cela dit, un vote laisse toujours une déception, un sentiment de frustration, peut-être même quelques déchirures. Mais si, par un consensus intelligent, on peut éviter cela, je pense que c’est tout bénéfique pour la Ligue et surtout, pour nos actions futures. Aujourd’hui, nous pouvons nous retrouver pour travailler à mettre les choses en place afin que la Ligue puisse démarrer dans de bonnes conditions. Peut-être que si nous avions voté, nous en serions à panser les plaies, à parler à certains et à d’autres. Ce qui ne serait pas mauvais, mais cela n’impacterait pas positivement la ligue. Voilà la petite différence, la petite nuance qu’il y a. Mais, en dehors de cela, Omar Guèye Ndiaye, Ndoffène Fall, Ibrahima Konaté et moi-même, candidats assumant la pluralité des candidatures, nous étions préparés à aller aux élections» .
Ce consensus ne risque-t-il pas d’influencer négativement la gestion des affaires de la Ligue d’autant que d’aucuns pensent que vous risquez de ne pas avoir les coudées franches ?
« C’est que vous ne me connaissez pas ! Je n’aurai aucun problème de ce point de vue. Je pense que l’élection est une chose, le consensus en est une autre. S’il y a eu un consensus autour de mon nom, c’est qu’il y a confiance autour de mon nom. Et c’est donc qu’il y a un certain nombre de choses qui inspirent cette confiance parmi lesquelles il y a la capacité et la volonté d’agir pour la Ligue dans sa globalité, les 32 clubs compris. Mais aussi, il y a la volonté d’aller de l’avant et de faire bouger les lignes. Pour cela, je peux vous assurer qu’il n’y a rien qui puisse me bouger de là. Donc, je n’aurai absolument aucun souci en ce qui concerne, comme vous le craignez, dans la capacité à prendre un certain nombre de décisions. Et je ne crois que, dans l’équipe qui va m’accompagner, il y ait une volonté d’empêcher le président d’avoir les coudées franches pour travailler. De toutes les façons, ce ne sera pas le travail du président mais celui d’une équipe. Sur toutes les questions, nous aurons un débat franc, ouvert, objectif et structuré et nous prendrons la meilleure décision en âme et conscience pour la Ligue» .
Cette inquiétude est liée au fait que vous étiez perçu, il y a quelques mois, comme un président qui dérangeait.
« Cela n’a rien de grave parce que c’est la compétition. Je pense que demain, je vais encore déranger, mais la perspective n’est pas la même. Ici, la perspective est une perspective de terrain, de championnat et chacun veut gagner. Diambars était en tête du classement. Évidemment, quand on est en tête du classement, cela dérange certains autres, c’est clair. Le Casa qui est champion nous dérange tous. On va commencer le 12 janvier et on va tout faire pour détrôner le Casa. Cela, c’est la perspective de la compétition. Maintenant, la perspective de la compétition est une, celle de la construction du football professionnel et du renforcement de la Ligue en est une autre. C’est la raison pour laquelle, à la Ligue, ce n’est pas Saër Seck, président de Diambars, qui y va, mais Saër Seck es qualité président de la Ligue. Moi, je parlerai Ligue. Et quand je parlerai Ligue, ce ne sera pas ligue 1. Ce sera de Ligue 1 et de Ligue 2, de l’ensemble des clubs de la Ligue. Et c’est la posture que tous mes collaborateurs auront ou, en tout cas, devront avoir. S’ils ne l’ont pas, on le leur rappellera. Il n’est pas question que les dirigeants viennent à la Ligue pour défendre des positions de club. C’est cela qui va sécuriser et garantir les progrès que la Ligue va faire. Cela n’empêchera pas que, quand Diambars va accueillir Ouakam, Omar Guèye Ndiaye fasse tout pour battre l’équipe du président Saër Seck. A la réunion d’avant-match, nous allons nous chambrer, c’est cela aussi la beauté du football. Après nous nous mettrons au travail de manière sérieuse pour que la Ligue avance» .
Allez-vous quitter vos fonctions de président de Diambars ou allez-vous cumuler les deux ?
« Si je ne suis plus président de Diambars, je n’ai plus la qualité pour être administrateur, donc pour pouvoir être président de la Ligue. Nous ne sommes pas ici dans le landerneau et le domaine politique. La légitimité que j’ai à la Ligue sort de celle que j’ai de président de club et c’est cette capacité qui me met en phase avec les objectifs de la Ligue. Si on est un président déconnecté de la réalité de la vie des clubs, malheureusement on ne fera pas progresser la Ligue. Par la progression de la Ligue, c’est le cumul de celle des clubs» .
Comparaison n’est pas raison, mais je me réfère de ce qui se fait en France où le président ne dirige aucun club.
« C’est vrai, mais la France a plus de soixante ans de professionnalisme. Donc elle a une histoire de ce point de vue. Cela ne s’est pas passé toujours comme cela se passe actuellement. Honnêtement, le plus grand cadeau que vous pouvez nous faire, c’est de ne plus nous comparer à la France, à l’Espagne ou à l’Angleterre. Aujourd’hui, nous essayons, à la dimension de l’Afrique, de monter un modèle de professionnalisme qui est unique parce qu’il ressort de la volonté des présidents de clubs qui, il y a quatre ans, se sont cotisés un million et demi pour les clubs de Ligue 1 et un million pour les clubs de L 2 pour démarrer. Allez visiter ce qui se passe en Algérie, au Gabon, en Côte d’Ivoire ou au Cameroun, vous verrez que le modèle sénégalais est unique. Il ne faut donc pas lui mettre une pression démesurée. Je crois qu’au lieu de nous taper dessus, de mettre de gros titres sur un épiphénomène, la presse devrait être un peu indulgente et un peu positive en ce qui concerne l’expérience sénégalaise » .
Depuis quatre ans, vous ne cessez de pointer du doigt l’Etat dont le soutien tarde à venir. Quelle lecture faites-vous de cette attitude des pouvoirs publics ?
« Je serais très à l’aise d’en parler si j’étais un plénipotentiaire de l’Etat, mais je ne suis pas un décideur de l’Etat. Très honnêtement, l’Etat a des préoccupations plus importantes. Quand il me dit : « Je ne peux pas soutenir le football parce que j’ai un problème qui s’appelle les inondations », je l’accepte. Quand il me dit : « Je ne peux soutenir le football parce que j’ai des problèmes de malnutrition ou je préfère investir dans la Santé », je l’accepte. Cela dit, je pense qu’il appartient aussi à l’Etat, à un moment ou à un autre, de s’arrêter et de penser aussi au football parce que, autant sa responsabilité première est de permettre aux Sénégalais de vivre décemment, de se soigner, d’avoir la sécurité, de pouvoir aller à l’école et d’avoir des infrastructures qui leur permettent de vaquer à leurs occupations, autant il a la responsabilité de l’éducation physique et sportive, dont le football. Quand les enfants de ce pays décident d’investir dans une démarche extrêmement volontaire pour créer des emplois, quand l’Etat lui-même prend des initiatives pour développer l’emploi au niveau des jeunes avec tout un ensemble de structures : l’Anej, le Fnpj, etc., je crois qu’il y a possibilité, aussi, à un moment, de s’arrêter, de réfléchir avec les fils de son pays de manière à voir dans quels délais les choses peuvent se faire. Ce qui est, pour moi, quelque peu incompréhensible, c’est qu’on n’accepte même pas de s’asseoir pour en parler, qu’on ait une perspective. Je ne suis pas gêné que l’Etat me dise : « Aujourd’hui, je ne peux pas intervenir, mais on peut le faire dans trois ans ». Ce qui nous permettrait de prendre nos dispositions et au lieu d’être là à attendre une aide de l’Etat qui ne vient pas, qu’on puisse prendre des initiatives et un certain nombre d’actions qui nous permettent d’attendre la perspective dans laquelle l’Etat nous placerait ».
D’ici là, que comptez-vous faire pour permettre à la Ligue de continuer de survivre ?
« On ne fera pas l’économie de la saisine de l’Etat. Nous irons parler avec les autorités. Je pense que l’Etat met de l’argent dans l’équipe nationale A. Il est temps qu’il mette aussi de l’argent dans le football de base. Je crois qu’il y a plusieurs formes pour pouvoir le faire. Il suffit de se mettre à table et de réfléchir ensemble. Je connais les autorités qui gèrent le sport. Il y a suffisamment de compétences pour qu’on puisse trouver les formes adéquates à son intervention. Mais, au-delà, il y a notre volonté et notre capacité d’imagination. Le football professionnel est essentiellement financé par trois ou quatre sources. La première, ce sont les télévisions, la deuxième, c’est le partenariat et sponsoring, la troisième, c’est l’apport des collectivités locales et la quatrième, ce sont les entrées aux stades. Alors, on ne va pas recréer la roue. Aujourd’hui, un de secteurs où nous avons une marge extraordinaire, c’est la télévision qui est la première source de financement du football. Mais, chez nous, ce poste, c’est zéro. Donc, on ne peut que progresser. Nous allons effectivement travailler dans cette perspective. Nous savons également que l’intervention des collectivités locales est très faible parce qu’elles sont dans une économie qui est relativement modérée. Donc, il appartient, dans un premier temps, à l’Etat central de pallier cette faiblesse pour permettre qu’on ne soit pas dans un modèle de financement répétitif, presque ad vitam aeternam, mais que ce soit un coup de booste qui permettra au football professionnel, aux clubs, de souffler et de nous donner une base qui nous permettra de nous lancer et de nous développer ».
A suivre…
Source: LeSoleil