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Suite du grand entretien avec Mohamed Diamé (26 ans), milieu de West Ham et capitaine de la sélection sénégalaise. Après sa formation à Clairefontaine et Lens, ses galères cardiaques et son renouveau en D3 et D2 espagnole, voici sa période en Premier League.

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Wigan, Premier League (2009/2012)
« Roberto Martinez sait très, très bien gérer son effectif. Même ceux qui ne jouent pas continuent d’être contents. »

Roberto Martinez est un très, très grand entraîneur qui a les idées claires. Il sait très bien ce qu’il fait et pourquoi il le fait. Il sait où il veut aller aussi. Le jour où on lui donnera un grand club, il ne sera pas loin de faire aussi bien que Pep Guardiola. C’est un mec très, très bien qui sait gérer son effectif. Je ne sais pas comment il fait, mais la plupart des joueurs de son effectif, même ceux qui ne jouent pas, continuent à être contents alors que beaucoup de coachs ont du mal avec ça. Coach, ce n’est pas évident. Gérer l’effectif et ceux qui ne jouent pas, c’est vraiment compliqué. Lui, il est fort pour ça.

Pendant mes trois années à Wigan, on s’est toujours maintenu. Roberto m’a toujours laissé jouer mon football. J’ai eu cette liberté et pendant ces trois saisons difficiles, car on a toujours joué le maintien, je prenais quand même du plaisir. Ce qui était dur, c’était les résultats. Mais sur le terrain, on réussissait à bousculer les grosses équipes, garder le ballon. On avait un jeu basé sur la possession. Des gens nous reprochaient d’avoir trop de possession pour prendre des 3-0, 2-1. Mais les idées étaient claires. Le problème était que le coach n’avait pas les joueurs pour mener à bien ses idées.
On avait quand même de bonnes individualités. Charles N’Zogbia était au-dessus du lot, c’est grâce à lui qu’on s’est maintenu une saison. Maloney qui est arrivé lors de ma dernière année est un très, très bon joueur. Il m’a surpris. Victor Moses aussi.

J’avais accompli 70% de mes objectifs. Je veux toujours mettre ma famille encore mieux, être la fierté de la famille, mais j’avais déjà réussi à prendre le rôle que mon père a laissé. Je savais que ma famille n’allait manquer de rien.

Wigan m’a forgé au niveau mental. J’appréhende beaucoup mieux mes matchs maintenant car on avait des rencontres à pression à Wigan. Il fallait se sauver. Ces matchs-là, je les appréhende beaucoup plus facilement et naturellement. Tu sens que l’attente du club, des supporters, du coach… Ce n’est pas les mêmes matchs, mais ce sont de bonnes expériences à vivre. Puis, on m’a dit un jour que je pouvais arrêter le football et on m’a donné cette opportunité de jouer. Je fais tout pour être le moins blessé. Ce n’est pas un petit pépin qui va m’arrêter une semaine. Chaque match que je peux prendre, je le prends. C’est pareil en sélection. Il y a beaucoup de mes camarades qui me disent : « Oh Momo, tu y vas tout le temps même si le match est perdu en Afrique ! » (Rires) Si on me dit d’aller au Rwanda, j’irai. C’est ce que j’aime.

La ville ? Ah quand tu passes de Madrid à Wigan (rires)… J’habitais entre Manchester et Liverpool, à Warrington, qui n’est pas loin du camp d’entraînement de Wigan. C’est vraiment différent de l’Espagne. Tu finis l’entraînement, tu n’as qu’une envie : rentrer à la maison (rires) ! Comparé à Madrid où tu allais en terrasse après l’entraînement, c’était une nouvelle vie. Je me suis adapté. Je savais aussi pourquoi j’étais là. Ce n’était pas pour jouer la belle vie, mais avec ce contrat à Wigan, ça m’a permis de… (Il marque une pause) J’avais accompli 70% de mes objectifs. Je veux toujours mettre ma famille encore mieux, être la fierté de la famille, mais j’avais déjà réussi à prendre le rôle que mon père a laissé. Je savais que ma famille n’allait manquer de rien.

Momo Diamé à Wigan

Eté 2012, contacts avancés avec Liverpool
« J’arrive dans le bureau de Dalglish et il me dit : « Je ne peux pas te garantir que tu auras ta place à 100%, mais on a beaucoup de matchs à jouer. »

Dans ma tête, après Wigan, j’étais déjà à Liverpool. C’était à côté, haaaaa ! Je n’ai même pas envie d’en parler (rires). Je disais à tout le monde que c’était bon. J’étais dedans. C’était devenu comme une de mes plus grandes missions qui venait de s’accomplir. Porter le maillot de Liverpool après tout ce parcours…

Un jour, j’étais en voiture avec mon agent et on est parti au centre d’entraînement de Liverpool voirKenny Dalglish, qui était l’entraîneur. Je me retrouve dans les installations, les bureaux avec ces photos de Gerrard et compagnie, tous ces grands joueurs. Palala… Je crois que c’est une des première fois où j’ai été fier de moi. (Il marque une pause) J’étais fier de moi. Je pensais beaucoup à mon père à ce moment-là. Je suis à deux doigts. Je suis presque arrivé.
J’arrive dans le bureau de Dalglish et il me dit : « Je ne peux pas te garantir que tu auras ta place à 100%, mais on a beaucoup de matchs à jouer. » Ce qui est normal. Dans ma tête, c’est : « Je vais venir et m’imposer ! » Tu peux me dire ça aujourd’hui, mais je vais tout faire pour que tu ais un autre discours demain. Il me parle de la Coupe d’Europe, de mes prestations, de la présaison aux Etats-Unis. Il m’a vendu du rêve, les étoiles plein les yeux (rires) !

Je pars en vacances. Mon agent est censé prendre contact avec la direction pour parler niveau financier. Malheureusement, Dalglish se fait virer. Toutes les négociations s’arrêtent. Encore une épreuve… Je me dis que Dieu a voulu que ce soit comme ça et que ce n’est pas une raison pour que je m’arrête de bosser. Ça arrivera un jour.

Et un retour en France ?
« J’aurais aimé jouer pour Francis Gillot »

Ce n’était pas ma priorité et je n’avais pas trop de contacts non plus. Seul Francis Gillot m’avait rappelé. Il voulait me récupérer à Sochaux. Mais le Rayo Vallecano demandait trop à l’époque. D’ailleurs, ça m’a fait plaisir qu’il m’appelle car j’ai toujours senti qu’il croyait en moi. C’est vraiment un coach pour qui j’aurais aimé jouer et lui redonner cette confiance qu’il avait en moi. Malheureusement, ça n’a pas été le cas, mais on ne sait jamais un jour.

Momo Diamé à West Ham

West Ham, Premier League (2012/aujourd’hui)
« Si je pars de West Ham, c’est pour aller dans une équipe du big six anglais. Je ne veux pas partir pour partir »

Finalement, je vais à West Ham, un club dans la capitale qui a une histoire. Un club très suivi aussi, comme l’était le Rayo Vallecano en Espagne. Je commence la préparation et j’appelle le coach (Sam Allardyce) car il n’était pas là lors de la première semaine :
« Le Sénégal m’a demandé de faire les Jeux Olympiques et j’ai envie d’y aller.
– OK, mais fais attention de ne pas te blesser ! »

Je suis capitaine. C’est une très, très belle expérience. Le pays a été vraiment content de nos prestations. On est sorti des poules, mais on est éliminé par le Mexique en quarts de finale. Les JO, c’est quelque chose. Malheureusement, on avait un match la veille ou le lendemain de la cérémonie d’ouverture – je ne me souviens plus -, donc on n’a pas pu y aller.

Je reviens. Il reste encore quelques matchs de présaison, ça me permet de me montrer avec l’effectif et de chercher ma place de titulaire directement car ils avaient un groupe qui venait de monter. Le coach m’a donné sa confiance et c’était vraiment une belle saison. J’ai marqué trois buts, un contre ArsenalChelsea et Manchester United (rires).

L’été dernier, il y avait des propositions. J’étais parti dans l’optique… (Il marque une pause) Je pensais aller à Arsenal en fait. Ça ne s’est pas réalisé, donc je suis resté à West Ham car je me sentais bien ici. Après cette saison qu’on venait de faire, je pensais que le club allait faire un meilleur effectif, acheter quelques joueurs pour pourquoi pas monter un peu plus encore. Je ne voulais pas partir de West Ham pour partir dans un club qui joue le milieu de tableau. Si je pars de West Ham, c’est pour aller dans une équipe du big six anglais. Je ne veux pas partir pour partir.

Là où on a fait l’erreur, c’est de ne pas avoir recruté. On a repris la saison avec quasiment le même effectif. Ce n’est jamais bon car les joueurs pensent savoir déjà qui va être titulaire. C’est toujours un peu les mêmes cycles. Les gens ne se donnent plus forcément à 100% sur le terrain. C’est ce qui nous a mis en difficulté.

On a très mal débuté. Là où on a fait l’erreur, c’est de ne pas avoir recruté. On a repris la saison avec quasiment le même effectif. Ce n’est jamais bon car les joueurs pensent savoir déjà qui va être titulaire. C’est toujours un peu les mêmes cycles. Les gens ne se donnent plus forcément à 100% sur le terrain. C’est ce qui nous a mis en difficulté.
En janvier, on a ramené du monde. On n’a pas acheté beaucoup, c’était des prêts, mais ça suffisait. Leur présence suffisait. Si tu ne t’entraînes pas à 100%, c’est l’autre qui va jouer. Ça s’est ressenti sur le terrain et on a eu les résultats. On est bien mais, encore une fois, si West Ham veut progresser, il faut refaire un cycle et ramener du monde.

L’optique de jeu du coach a toujours été la même depuis qu’il est en Premier League. Il a toujours eu ses résultats comme ça, donc c’est normal qu’il continue et qu’il croit en ses idées. Maintenant, c’est vrai que ça ne plait pas à tout le monde, mais il faut faire avec car c’est sa manière de bosser et il s’est maintenu cette année encore.
Mon rôle ? Roberto Martinez me demandait de faire le jeu, de toucher le maximum de ballons, de venir prendre la balle et m’orienter par rapport au défenseur pour pouvoir la donner à nos attaquants. Vraiment jouer au football. De l’autre côté, Sam Allardyce me demande d’être là sur les seconds ballons. Si je peux faire la différence en un-contre-un, je dois y aller. Mais mon rôle, c’est surtout d’être là pour les seconds ballons qu’Andy Carroll va laisser. Cette saison, je suis plus haut sur le terrain. L’année dernière, je jouais au milieu avec Mark Noble et Kevin Nolan. Cette année, il me met parfois ailier droit, ailier gauche ou milieu.

Mohamed Diamé capitaine du Sénégal
(Photo : Julian Finney)

Capitaine du Sénégal
« (Sadio) Mané va devenir un très, très grand joueur s’il continue dans cette optique-là. Il va devenir quelqu’un »

Mon premier match était contre le Cameroun. Je jouais à Wigan à l’époque. Au début, ma famille me trouvait un peu trop jeune et pas prêt pour ça. Mais j’ai pris ma décision de dire oui au Sénégal tout de suite. Je suis un footballeur professionnel et tout footballeur désire jouer au niveau international. Tu ne vas pas rester un joueur de club toute ta carrière ! Je suis venu et c’est vrai que j’ai été très bien accueilli par cette équipe avec Mamadou Niang le capitaine. On a fait une Coupe d’Afrique qui a cassé un peu ce groupe (ndlr, éliminé des poules dans l’édition 2012 au Gabon et en Guinée-Equatoriale) et on a une nouvelle génération avec Alain Giresse. Je suis passé du jeune qui est là à l’ancien qui doit encadrer ces jeunes (rires).

Le capitanat ? Ça en parlait un peu dans la presse et au pays, surtout après les JO où j’avais été un peu le leader de cette équipe olympique. Dès que Giresse est arrivé, il m’a donné sa confiance. J’ai eu une période où ce n’était pas trop ça sur le terrain cette saison, mais ça va mieux là.
Etre capitaine de l’équipe nationale du Sénégal, c’est quelque chose de grand et de bien pour la famille, mais c’est plein de responsabilités. Au niveau de l’organisation, il y a beaucoup de détails, beaucoup de choses qui ne sont pas à la hauteur de l’Europe. Il y a souvent des réunions pour régler ces problèmes. Mais c’est une reconnaissance énorme qui dépasse tout ça.

On a vraiment une belle génération et ce serait dommage de ne rien faire avec. Sadio Mané (22 ans, milieu offensif du Red Bull Salzbourg formé à Metz) ? C’est un très, très bon joueur. Il va devenir un très, très grand joueur s’il continue dans cette optique-là. Il va devenir quelqu’un.
Les qualifications pour la prochaine CAN au Maroc commencent en septembre. Il faut vraiment qu’on fasse le nécessaire pour pouvoir y participer et jouer un rôle. Cette équipe du Sénégal, on dit trop souvent qu’elle a des grands joueurs mais pas les résultats.

Bonus
Es-tu content de toi aujourd’hui ? Tu disais que tu as été réellement fier de toi pour la première fois de ta vie lors de ton arrivée dans les bureaux de Liverpool.
Oui, bien sûr. Ça fait déjà un moment que je suis content du parcours que j’ai fait, de là où je suis arrivé. Je regrette vraiment très, très peu de choses dans les décisions que j’ai prises dans ma vie. Mais je ne veux pas m’arrêter là. Je suis très heureux de tout ce qui m’arrive et de tout ce qui s’est passé dans ma vie, mais je veux plus. Pour moi, ce serait d’intégrer un grand club du big six anglais. Ma priorité est de rester ici.

Quand tu finis les matchs, tu vois des supporters qui t’attendent longtemps pour que tu signes un papier avec une signature que tu fais sans regarder… (Il marque une pause) Ils attendent une heure, qu’il fasse froid ou pas, et tu vas prendre un stylo pour faire une petite signature de rien du tout. Ce sont des gens qui méritent qu’on fasse ces choses-là et même plus. Ils méritent.

Même en cas d’offre d’un bon club de Liga ?
La Premier League est incomparable avec les autres. La Liga est aussi un grand championnat, mais la Premier League a ce petit quelque chose, cette différence qui fait que… Sinon, j’avais un petit regret quand même. C’est de ne pas avoir joué au stade Bollaert. Quand je suis arrivé à Lens, c’était un de mes objectifs. Lorsque je me fixe des objectifs, j’aime bien les réaliser. J’ai été sur le banc pendant des matchs, mais je ne suis pas rentré. J’ai ce petit regret de ne pas avoir joué devant les supporters de Lens avec qui j’ai vibré pendant toute ma jeunesse.

Quelle est ta vision sur le rapport entre les fans et les joueurs et votre rôle social dans la communauté (visite dans les hôpitaux, écoles, etc.) ?
En tant que joueur, c’est une obligation. Enfin… Je ne vais pas dire que c’est une obligation car on n’est pas obligé, mais on est déjà des privilégiés pour commencer. Faire ces choses-là qui durent une ou deux heures, c’est quoi ? En une ou deux heures, tu fais plaisir à des gens qui n’ont pas la chance de te côtoyer au quotidien.
Quand tu finis les matchs, tu vois des supporters qui t’attendent longtemps pour que tu signes un papier avec une signature que tu fais sans regarder… (Il marque une pause) Ils attendent une heure, qu’il fasse froid ou pas, et tu vas prendre un stylo pour faire une petite signature de rien du tout. Ce sont des gens qui méritent qu’on fasse ces choses-là et même plus. Ils méritent. C’est pour ça que je te dis que ça devient un peu comme une obligation. Tu ne peux pas dire : « Pfff ! Va-y, je n’ai pas le temps ! Laisse tomber, ces gens sont encore chiants, j’ai envie de rentrer ! » Sans eux, on ne serait pas ce qu’on est aujourd’hui. On n’aurait pas la vie qu’on a aujourd’hui. »

La première partie est disponible ICI

 

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