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Les Lignes de Tidiane Kassé

Le stade Léopold Senghor suspendu, l’équipe nationale de football s’est transformée en troupeau errant, cherchant ici où là des points de chute pour recevoir ses adversaires. Dans deux mois au plus tard, le stade Demba Diop sera fermé pour des travaux et voilà que tout le beau monde qui squatte ce taudis pour l’organisation de manifestations sportives, s’inquiète des misères à venir. Double signe d’indigence d’un pays qui n’a point assez de cathédrales pour ses grand-messes et où les temples pour les prières hebdomadaires tiennent dans des réduits. Les ordonnateurs du culte sportif, qui rassemblent leurs ouailles tous les weekends en ce lieu de rendez-vous qu’est Demba Diop, se confondent en complaintes. Pour une fois que la lutte et le football crient en stéréo sur le même tempo, on mesure l’ampleur du drame.

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Dans ce chœur de Sdf qui anticipent leurs lendemains d’errance, personne ne conteste la nécessité de fermer Demba Diop. Encore moins  l’urgence de le rénover. Le débat se pose plutôt en termes d’opportunité par rapport au timing. En pleine saison, alors que les calendriers des compétitions tiennent difficilement dans les mois à venir, cela revient à expulser des indigents, corps et biens, sous une pluie diluvienne.

Une meilleure gouvernance aurait épargné tout cela et fait tenir les dossiers de réfection dans un agenda qui n’aurait point créé les frustrations et les craintes actuelles. Mais on ne reviendra pas sur certains errements.

Ce qui importe, c’est l’avenir de Demba Diop. Réfection ou ravalement ?

Depuis plus de cinquante ans que ce stade existe, il s’avère désormais hors norme. Conçu en des temps anciens, il ne correspond plus à ce qui est sa destination et l’objet de son usage principal, le football. Ce cadre vieillot, à l’architecture rustre, est l’une des verrues du football sénégalais. Les stades de foot sont désormais conçus pour que l’ambiance soit au ras des pelouses, pour que le confort aide à l’ambiance et que le cadre aide à mieux apprécier le jeu.

Mais à chaque fois qu’on retape Demba Diop, c’est comme rhabiller un vieillard et le mettre au mettre soleil. Un peu pimpant, mais jamais éloigné de la mort.

L’architecture de Demba Diop ne peut être figée. Laisser libre cours à l’imagination des experts en la matière peut sans doute transformer ce paquebot d’un autre millénaire en un espace où la fonctionnalité rejoint l’utilité.

Les stades d’aujourd’hui n’obéissent  pas seulement à leur fonction première de cadre de compétition. On les conçoit comme des espaces accueillants pour les familles. Les uns y vont pour la passion, les autres pour l’évasion. Les exploitants les imaginent également pour que le potentiel commercial s’y maximise à travers des installations adaptées.

Pas dans le genre de ces cantines qui s’alignent comme une vérole autour du stade, mais avec des infrastructures intégrées qui participent à la convivialité et au confort du public.

Demba Diop n’est pas figée dans cette forme de cuvette qui traduit une conception architecturale dépassée. Son cadre offre sans doute assez de souplesse pour des installations fonctionnelles, adaptables à différentes disciplines et à des usages multiples qui peuvent aider à sa rentabilisation économique.

La dégradation de Demba Diop n’est pas seulement physique. C’est l’âme de ce stade qu’il s’agit de rénover. D’aucuns y perdront sans doute les souvenirs qui les poussent à avoir l’œil humide quand ils regardent leur «place» d’il y a 30, 40 ou 50 ans, dans la tribune découverte ou le virage enfants. Là où ils étaient assis le jour où Youssou Ndiaye a marqué son but historique des Jeux de l’Amitié contre la France. A promener leur regard sur la pelouse, ils peuvent voir affluer le souvenir des courses chaloupées de Séga Sakho, les gambades de Mbaye Fall, les plongeons de Toumani Diallo, etc.

C’est beau d’avoir des musées, mais les stades sont comme les vieilles bibliothèques. Quand ils ne vous disent plus rien, il faut les brûler. Non pas pour faire table rase et satisfaire des appétits fonciers, mais pour donner aux mémoires qu’elles contiennent l’opportunité de continuer à vivre en épousant les progrès qui les installent dans la durée.

Demba Diop, avec sa loge qui ressemble à un enclos, avec sa tribune de presse figée au temps où on ne comptait pas plus de vingt journalistes sportifs dans ce pays, avec ses gradins dont le béton immuable a usé les culottes, puis les pantalons et aujourd’hui les caftans de ceux qui n’ont jamais perdu la foi en leur passion, etc., est un domaine en ruine. Une relique du passé.

Quand on regarde les sapeurs-pompiers assis sur leur banc, la civière devant eux, il ne manque plus que les panneaux publicitaires de Camélia, d’Air Afrique (sur le tableau d’affichage), de Marzin Sport ou de Bata, pour compléter le décor de la main courante où leurs ancêtres dans la fonction prenaient place.

Il est temps de réfléchir à Demba Diop par rapport au futur et non pour satisfaire des urgences et des nécessités ponctuelles. Sinon, c’est par désuétude qu’elle mourra. Car on a beau prendre soin d’un vieillard, l’âge finira par faire son œuvre.

 

Waasport

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