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Franc-parler, exigence et ambitions assumées. Sur un terrain de foot comme devant un micro, Diomansy Kamara va droit au but. A la place des critiques, l’ancien international sénégalais propose des réformes pour faire avancer le football.

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Diomansy, après des années réussies à Eskisehirspor, on vous croyait vivre une retraite paisible en Turquie. Mais une forte mobilisation (12 mille signatures sur Facebook) des fans de Catanzaro vous a poussé à signer en troisième division italienne. Pourquoi un pari aussi fou ?

C’est le choix du cœur. Catanzaro était mon premier club quand j’ai commencé le professionnalisme. A l’époque, j’avais 18 ans. J’ai toujours une relation très forte avec le président du club et les supporteurs. A la fin de ma carrière, j’étais à la recherche d’un défi qui pourrait me plaire. Le président m’a contacté et les supporteurs ont émis le vœu de me voir revenir. J’ai signé sans hésiter, pour les remercier de la chance qu’ils m’ont donnée à mes débuts dans le milieu professionnel. Ils avaient besoin d’un coup de main et je ne me voyais pas leur tourner le dos après toutes les belles années que j’ai passées là-bas. Quand vous êtes jeune, beaucoup de clubs ne croient pas en vous. Eux m’ont mis le pied à l’étrier.

Est-ce que cela a été facile de prendre une telle décision, c’est quand même la troisième division italienne…

C’est une situation assez délicate. J’avais d’autres propositions et j’ai toujours évolué en Série A et au plus haut niveau. Mais le football que j’aime, c’est celui qui est proche des gens. A cela s’ajoute le défi qui consiste à faire remonter le club, créer une structure intéressante là-bas, d’ici à trois ou quatre ans. Ce n’est pas le fait de pouvoir continuer en tant que footballeur qui m’a déterminé, mais le défi : je suis joueur et directeur  (sportif).

Aujourd’hui, à quoi ressemble votre quotidien ?

J’ai interrompu mon contrat au mois de janvier, jusqu’à la fin de l’année. L’objectif était la montée, malheureusement, on n’a pas fait un très bon championnat. En 12 matches, j’ai mis 4 buts, mais j’ai contracté une blessure à la cheville. C’est pourquoi j’ai rompu mon contrat, pour me soigner. Mais je mène d’autres activités. Je suis en tournée pour voir quel joueur pourrait renforcer l’équipe la saison prochaine. Je vais bientôt venir à Dakar pour la Can U20.

Là, vous êtes carrément de l’autre côté de votre carrière…

Grâce à Dieu, j’ai fait une très grande carrière. J’ai été en équipe nationale, j’ai joué en Angleterre, en Italie, en Turquie. Je vais bientôt avoir 35 ans, il faut penser à ce qu’on va faire après. Catanzaro est un club qui a un passé, beaucoup de supporteurs et un président très attaché à son équipe. On veut construire une grande équipe. J’ai toujours voulu travailler avec les jeunes, ce club me permet de pouvoir encadrer des jeunes et de les faire grandir.

«Il faut réformer le football sénégalais»

Ce recul vous a-t-il permis de mieux comprendre les raisons des échecs successifs de l’équipe nationale du Sénégal à la Can ?

C’est une grande déception. On a une très belle équipe, avec de très bons joueurs, mais depuis 2006 (demi-finale contre l’Egypte au Caire) on n’arrive pas à être performant. Il va falloir qu’on arrête de critiquer à gauche et à droite et s’asseoir autour d’une table pour trouver les solutions les plus adéquates. Actuellement, tout le monde critique la fédération, l’entraîneur et les joueurs, mais le plus important est que tous les acteurs puissent discuter pour voir comment aller de l’avant. Si l’on continue comme ça, sans des réformes en profondeur, on n’avancera jamais. Il faut systématiquement réformer le football sénégalais. J’avais critiqué la gestion du président Augustin Senghor. Par la suite, nous nous sommes rencontrés pour clarifier les choses. Il faut arrêter les déclarations et agir énergiquement pour faire avancer l’Equipe nationale du Sénégal, au moins pour les trois et quatre prochaines années. Si l’on continue comme ça, on va droit dans le mur. Il faut repenser carrément le football sénégalais. Je ne dis pas que les acteurs actuels ne sont pas bons, mais on doit tous nous mobiliser autour de l’équipe nationale. Malheureusement, des gens comme (Khalilou) Fadiga ne sont pas inclus dans le projet sportif. On a eu Ferdinand Coly. Des gens comme lui ont beaucoup apporté à l’équipe nationale. Il faudra qu’on se demande : qui peut apporter quoi ? Comment on peut faire pour que le football puisse, dans les prochaines années, gagner une Coupe d’Afrique ou se qualifier au Mondial.

Nos joueurs n’ont-ils pas une part de responsabilité à endosser ?

Il manque également un peu de discipline. Je vous donne un exemple : Lamine Sané, un ami avec qui j’ai de bons rapports, a pu se permettre d’inscrire sur son maillot, à la Can, «Lamzo» ! Ce n’est pas sérieux. L’encadrement ne devait pas accepter qu’un joueur entre sur le terrain avec un maillot, celui du Sénégal, où il est inscrit «Lamzo». C’est pour cela que je dis qu’il faut réformer les choses à la base. Les joueurs qui viennent en équipe nationale doivent comprendre que c’est le maillot de la nation qu’ils endossent. Il faut être plus patriote, prêt à mourir sur le terrain. Si l’on ne fait pas ce sacrifice, on n’ira nulle part.

«C’est le moment pour Aliou Cissé de prendre les rênes de l’équipe nationale»

En attendant la réforme prônée, il faut choisir un sélectionneur. Pour qui pencheriez-vous?

Je suis pour l’expertise locale. Si je dois rentrer dès le premier tour, je préfère le faire avec un entraîneur africain. Je ne vais pas faire de la publicité pour qui que ce soit, mais Aliou Cissé est un patriote, qui a réussi à contenir toute la génération de 2002. C’était lui le capitaine. Il a fait de très grandes choses avec les Olympiques. Il est dans les sphères du football depuis trois ou quatre ans en tant que coach, c’est le moment pour lui de prendre les rênes de l’équipe nationale et d’inculquer des valeurs à la nouvelle génération.

N’est-ce pas trop risqué pour Aliou Cissé ? On a vu le cas Amara Traoré qui, malgré la qualification historique à la Can 2012, n’a pas pu résister à l’échec des Lions à Bata…

Amara Traoré n’a pas la carrière d’Aliou Cissé. Ce dernier a joué au très haut niveau. Roberto Mancini, on lui a confié l’équipe l’Inter Milan directement. Mon opinion, c’est qu’il manque ce côté patriotique en Equipe nationale. Un entraîneur local ferait plus l’affaire qu’un étranger. S’il faut un étranger, il faut que  ce soit quelqu’un comme Claude Le Roy ou Hervé Renard, qui ont une certaine expérience du continent et aiment l’Afrique.

Si c’est une question de carrière, Aliou Cissé pourra-t-il réussir là où Alain Giresse, ancien footballeur de renom, avec toute son expérience, a échoué ?

On peut critiquer Alain Giresse, mais il a fait progresser le Sénégal. Avec le Mali, il est arrivé en demi-finale. Le problème, ce n’est pas qu’Alain Giresse. Avec lui, on n’a perdu que trois matches. Le problème est plus complexe. C’est le football sénégalais. Beaucoup d’acteurs du football sénégalais seront à Dakar pour regarder la Can U20, on doit en profiter pour voir comment faire évoluer les choses. Qu’on arrête de critiquer et qu’on cherche à voir comment faire évoluer les choses, mais en se disant la vérité.

«Le rôle de manager général me plairait bien»

Etes-vous pour le retour du poste manager général ?

Il est important que les joueurs qui arrivent en équipe nationale aient des figures à qui s’identifier. Qu’ils voient des gens qui ont mouillé ce maillot. C’est toujours important d’avoir des aînés pour expliquer certaines choses aux plus jeunes.

Pensez-vous avoir le profil pour occuper ce poste ?

Je suis prêt à travailler avec la fédération sénégalaise de football et à contribuer, avec mon expérience, à faire avancer les choses. Je suis à la disposition de mon pays pour faire tout ce qui est en mon pouvoir afin que notre football soit performant. Ce rôle de manager général me plairait bien. Fadiga aussi pourrait faire l’affaire. Le plus important est que les anciens puissent apporter leur expérience. Personnellement, en tant que footballeur, j’ai tout donné à l’équipe nationale. Mais le Sénégal m’a donné davantage, je lui dois tout.

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