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Après les avoir menés en quarts de finale des JO 2012, Aliou Cissé a hissé les Olympiques à la 3ème place des récents Jeux de la Francophonie à Nice. Sans détours, l’ancien capitaine des Lions évoque sa situation, ses relations avec Alain Giresse, les chances du Sénégal face à la Côte d’Ivoire en éliminatoires du Mondial 2014…

Entretien

Coach, quel bilan tirez-vous des Jeux de la Francophonie ?

Avant la compétition si on nous disait que l’on allait finir 3ème on aurait signé tout de suite. Parce qu’on a une équipe inexpérimentée composée pratiquement que de locaux qui n’ont pas de vécu, contrairement à certaines équipes  renforcées par des expatriés. Ce qui fait que cette médaille est une satisfaction pour nous. N’oublions pas qu’il y a huit mois je ne connaissais aucun de ces garçons. Mais si on est arrivé à ce stade, c’est grâce au soutien de certains de mes collègues tels que Boucounta Cissé, Dominique Coly, Amsatou Fall, Abdoulaye Sarr sans oublier Karim Séga Diouf. Ils ont tous mis la main à la pâte.

Quel a été votre discours pour sublimer ces jeunes joueurs inexpérimentés comme vous dites ?

Le discours a été clair : on n’a rien à envier aux autres nations d’Afrique parce qu’on a le potentiel. On a un bon vivier au Sénégal. Aux garçons, je dis les réalités et les difficultés que l’on peut rencontrer. Mais, il faut toujours avoir la force et le mental pour faire face. On a des jeunes qui n’ont pas l’habitude de certains discours encore moins de certaines façons de travailler. Ils ont petit à petit adhéré. Et j’ai espoir que tout ira bien.

Malgré vos conditions de travail assez précaires ?

J’aurais aimé avoir de meilleures conditions que ça. Je pense qu’après les discussions que j’aurai avec Augustin Senghor, il me dira exactement les conditions dans lesquelles je travaillerai pour cette équipe olympique. C’est super difficile de préparer une équipe comme ça, sans moyen. On a vécu dix jours très difficiles à Dakar. Il a fallu que j’allume ma voiture tout le temps pour trouver un terrain d’entraînement. Il a fallu négocier à gauche et à droite pour une séance  d’entraînement. Et là, moi je pense qu’il faut que ça cesse. Ça ne peut pas continuer comme ça. On doit mettre les joueurs et les techniciens dans de bonnes conditions. Dans le foot, c’est tout le temps deux options : participer à une compétition pour gagner ou y aller pour juste de la fi-guration. Si on a des objectifs  bien dé-finis, il faut créer les conditions pour y arriver.

Si l’objectif est de participer aux JO 2016, ne craignez-vous pas de perdre l’ossature de votre équipe actuelle ?

De toutes les façons, un groupe bouge tout le temps. Il est rare de travailler sur une durée avec une équipe. Nous avons des jeunes qui aspirent à des contrats professionnels en Europe. Là, je dis tant mieux pour nous. Parce qu’ils doivent connaître le haut niveau pour revenir en force en équipe nationale. C’est dans les clubs que les joueurs forgent leur caractère. Dans ce groupe, je m’attends à ce qu’il y ait trois ou quatre qui intègrent des clubs de haut niveau. Le plus important, c’est que ces garçons ont dorénavant compris la valeur du maillot national.

Il se dit que c’est cette équipe qui jouera le tournoi de l’UEMOA en Côte d’Ivoire au mois d’octobre…

On vient juste de finir la Francophonie. Ça fait un mois que j’étais avec les garçons. Ça a été long et difficile. Laissez-nous le temps de savourer ce moment. Quant à la participation de cette équipe au tournoi de l’UEMOA, c’est vous qui me l’apprenez. Il n’y a pas qu’Aliou Cissé comme entraîneur. Il y a plusieurs coachs   compétents au Sénégal. Aujourd’hui, je pense qu’il me faut un temps de repos. Depuis la rentrée des classes, je n’ai pas vu mes enfants. Il est temps d’aller les assister un tout petit peu en tant que père de famille. L’urgence reste l’évaluation de ce tournoi.

Le président de la FSF ne vous a-til pas saisi dans ce sens ?

Non pas encore. Je n’ai en aucun moment été saisi par le président de la Fédération. Ce tournoi de l’UEMOA n’est  pas pour l’instant dans mon agenda. Ce qui est important, c’est de rentrer au pays et d’échanger avec Me Augustin Senghor sur la ligne directrice qu’il compte prendre pour cette équipe. À partir de là, on discutera et je saurai exactement ce qu’il en est.

Qu’en est-il de votre contrat que vous n’avez toujours pas signé ?

Ce n’est pas mon genre de déballer des choses dans la presse. Dès mon arrivée à Dakar, je vais rencontrer le président Augustin Senghor. Parce qu’il y a un double langage entre la Fédération et le ministère. Cela me dérange. Quand on discute avec certains fédéraux et le secrétaire général de la FSF, on nous dit que les contrats sont signés et qu’il ne reste que la validation par la tutelle. Au ministère, on nous dit qu’il n’y a qu’un seul contrat qui est parvenu, celui d’Alain Giresse. On ne comprend vraiment pas. Je ne parle pas seulement en mon nom, mais à tous ces entraîneurs locaux qui ont envie de travailler et qui, malheureusement, n’ont aucun moyen de le faire. La situation est compliquée et difficile. En un moment donné, il faut savoir à qui l’on doit s’adresser. C’est inadmissible que des entraîneurs travaillent depuis des mois sans salaire. On oublie que ce sont des pères de famille. En un moment donné, il faut que l’on arrête parce que ça ne peut pas continuer.

Pourquoi n’avez-vous pas discuté de tout cela avec la Fédération avant de vous engager ?

Je suis un Sénégalais. Je suis né et j’ai grandi au Sénégal. Je ne dois pas attendre que mon pays fasse quelque chose pour moi. Au contraire, c’est moi qui dois me battre pour ce pays-là. Par contre, sur le terrain, il faut que les choses soient un peu plus définies et claires. Il faut arrêter avec des discours et éclairer les gens sur leurs tâches. Si dans le cadre du travail la FSF et le ministère nous tiennent des langages différents, à mon avis ça va être très compliqué de gagner quelque chose.

Et si la Fédération ne vous suit pas dans votre logique ?

On n’en est pas encore là. Il faut donner aux entraîneurs des moyens pour pouvoir travailler. On ne peut pas demander aux garçons d’être à 100% comme des professionnels si derrière on sait qu’ils sont dans des situations inadmissibles.

Quelles sont vos relations avec Alain Giresse ?

Il n’y a aucun souci entre Alain Giresse et moi. Nos relations sont au beau fixe. J’ai eu à travailler avec lui au PSG en tant que footballeur. Aujourd’hui, tout le monde sait qu’il est capable de réussir à la tête de l’équipe du Sénégal. Depuis un bon moment, il s’investit en Afrique. Il connaît bien ce continent pour avoir dirigé les sélections gabonaise et malienne. Je pense qu’il est sur la bonne voie et si on le met dans des conditions optimales de travail, il y arrivera. Les gens ont beaucoup parlé de nos relations, mais il n’y a aucun nuage entre nous. La preuve, il a fait un saut ici à Nice pour encourager l’équipe. C’est un garçon humainement bien.

L’avez-vous appelé pour le féliciter quand on l’a choisi comme entraîneur ?

Non, je n’ai pas pris mon téléphone pour l’appeler. Mais on s’est vu quand il le fallait et on a bien discuté. On s’entend très bien. À chaque fois que j’ai besoin de son avis sur une question bien précise, je n’hésite pas à le consulter et c’est vice versa.

Pourtant, il paraît que vous avez  refusé d’être son adjoint en sélection nationale ?

Là aussi, il faut bien mettre les choses dans leur contexte. J’étais candidat au poste de sélectionneur national. Et en tant que compétiteur, j’ai dit que je ne serai adjoint de personne. Mais après que Giresse a été nommé, aucun responsable de la Fédération ne m’a proposé ce poste. Ni le président Augustin Senghor ni même le sélectionneur Alain Giresse lui.

Pensez-vous que l’équipe du Sénégal peut se qualifier au Mondial 2014 aux dépens de la Côte d’Ivoire ?

Nous avons un bon groupe avec un bon entraîneur à sa tête. J’ai toujours dit qu’il ne faut jamais brûler les étapes. Si le Sénégal se qualifie au Mondial, c’est tout le mal qu’on lui souhaite, il faudra considérer que c’est un bonus. Au cas contraire, il faut continuer le travail. Comme tous les Sénégalais, moi je suis  persuadé que si l’équipe est mise dans de bonnes conditions et que l’on efface certains impairs, tout se passera bien. On a des joueurs qu’il faut avec, à leur tête, un technicien de qualité.

Vous parlez d’impairs, les primes des Lions pour le match contre l’Ouganda ne sont toujours pas tombées…

C’est ce que j’expliquais tout à l’heure. Quand on veut mettre en place une équipe performante, il faut qu’elle soit  accompagnée, avec tout ce qu’il faut. Les histoires de primes ont toujours pollué l’atmosphère de l’équipe nationale. Que ce soit la génération de feu Jules Bocandé, en passant par la nôtre en 2002 jusqu’à celle aujourd’hui, on en parle toujours. C’est vraiment inadmissible. J’espère que quand nos enfants seront en équipe nationale, on ne parlera plus de problèmes de primes.

 

Stades

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