ALFRED GOMIS. Nous sommes 4, en fait. David, le petit dernier, a 9 ans et joue gardien également… Au début, on a essayé de le faire jouer attaquant mais ça ne lui convenait pas. Chaque dimanche, il regarde les matchs de ses grands frères et, c’est normal, il a choisi d’être gardien.
Lys, 30 ans, joue pour le Teramo en 3e division en Italie mais il est malheureusement blessé en ce moment. Maurice, 22 ans, joue avec la SPAL, mon ancien club, en Serie A. En ce moment, il s’entraîne simplement avec eux et attend une opportunité pour partir.
Pourquoi avoir choisi les buts et non le champ ?
C’est dû à mon père qui a joué à ce poste. Moi, au début, comme David, j’ai essayé de jouer attaquant. Mais dans le club où je jouais enfant, il manquait un gardien et on m’a proposé d’essayer, sachant que Lys jouait déjà à ce poste. J’ai bien aimé et lors d’un tournoi, vers 8 ans, un recruteur du Torino était présent. Le club m’a dit que je pourrais aller chez eux en tant que gardien, alors j’ai continué et je m’en félicite aujourd’hui.
Pourquoi votre père a-t-il quitté son pays natal pour l’Italie plutôt que pour la France, destination historiquement plus naturelle pour les Sénégalais ?
Mon père (NDLR : décédé en 2016 à 51 ans) était assez ouvert intellectuellement et il voulait faire une expérience un peu différente de celle de ses frères, dont certains étaient déjà en France. Il a fait un essai en Autriche, un autre à Naples (Italie), sans succès. Ensuite, il s’est blessé mais il n’a pas voulu rentrer au Sénégal, ni aller en France. Il aimait bien l’Italie et il y est resté. Et quand il a réglé les formalités administratives, il nous a fait venir. Un très bon choix, selon moi. Il nous a donné la chance de grandir dans un pays qui offre beaucoup de possibilités. Il a changé notre ambition de vie. Mais tout ça n’est pas si important, au fond. Je peux prendre de la France sans avoir grandi ici, comme choisir de ne rien prendre de l’Italie, même ayant grandi là-bas.
De grands portiers sénégalais vous ont-ils inspiré ?
Dans l’Histoire, il y a Tony Silva, dont j’ai la chance qu’il soit mon entraîneur en sélection. D’autres sont moins connus pour avoir joué seulement au Sénégal. Tony a joué un quart de finale de Coupe du monde, ce qui participe de la grandeur de son nom. Mais chacun a son parcours et nous sommes en train de tracer le nôtre. Un jour, peut-être que des enfants auront l’ambition d’imiter Abdoulaye Diallo (NDLR : ex-Rennes, Genclerbirligi Ankara), Edouard Mendy (Rennes) ou Alfred Gomis, les trois gardiens actuels de la sélection.
Etes-vous étonné d’être déjà considéré parmi les meilleurs gardiens du Championnat de France, après seulement quelques mois de présence ?
Cela fait plaisir mais je ne crois pas qu’il soit bon d’être trop présent dans les journaux. Je préfère laisser parler les statistiques. Je sais quelles sont mes ambitions, aussi je ne suis pas surpris de ce que je réalise. Avant même de venir ici, j’étais convaincu de pouvoir m’imposer dans ce championnat. Il faut aussi saluer Dijon qui m’a bien accueilli et m’a mis dans de bonnes conditions.
Y a-t-il un attaquant de Ligue 1 qui a fait des misères ?
Il n’y a pas d’attaquant en particulier qui me dérange ou m’empêche de dormir. Tous les attaquants ne sont pas capables de piquer le ballon comme Dolberg à Nice (2-1, 6e journée) mais ça ne change rien, je dois empêcher le ballon d’entrer. Au final, c’est le ballon qui entre, pas le joueur.
Vous avez été formé et avez fait toute votre carrière en Italie jusqu’ici. L’entraînement spécifique des gardiens est-il différent là-bas ?
Totalement. Là-bas, l’accent est mis sur la technique. Ici, davantage sur le physique.
Vous avez signé pour quatre ans avec Dijon mais où votre avenir pourrait-il s’écrire par la suite ?
J’ai déjà transité par la Serie A où j’ai fait presque 50 matchs. Aujourd’hui, je suis à Dijon et mon ambition est d’aller dans un plus grand club. Le club le sait, nous sommes d’accord. Cela ne veut pas dire que je suis simplement en transit à Dijon. J’ai besoin du club, de mes coéquipiers et de résultats. Je ne veux pas regarder trop tôt trop loin, ni trop fantasmer sur des choses qui finalement n’arriveraient pas. Il se peut que je rentre en Italie ou que je continue ici. Mais l’Angleterre est championnat que j’aime bien…
Que pensez-vous des cris racistes venus des tribunes, auxquels vous avez été forcément confronté en Série A ?
Il faut faire comme en Angleterre, où il y a beaucoup plus de surveillance, de caméras. Il faut identifier les responsables, les extraire et faire en sorte qu’ils ne reviennent pas. Ce type d’agissements est rendu possible parce que les auteurs ne sont pas conscients des possibles répercussions. Dès qu’ils le seront, ces agissements cesseront. Je soutiens complètement Lilian Thuram, dont j’admire l’intelligence, le discours et le travail contre le racisme.
Mettre d’accord 22 têtes, ça n’est pas facile. Avant que les joueurs n’en arrivent là, ce sont les instances qui doivent décider. L’arbitre doit pouvoir s’appuyer sur des règlements et agir si nécessaire.