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Amara Traoré est de retour ! Enfin, presque. Après une absence de près de deux ans, qui l’a conduit en Guinée pour une double aventure (As Kaloum, puis Horoya AC), l’ancien sélectionneur des Lions du Sénégal devrait officialiser dans les prochains jours, son retour dans le championnat national (qu’il avait remporté en 2009 avec la Linguère), en prenant la tête du Jaraaf. Pour conduire un «projet ambitieux». Encore des promesses ? Peut-être bien que non. Entretien.

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Amara sera-t-il coach du Jaraaf la saison prochaine ?

Nous sommes très avancés dans les discussions. On peut dire que d’ici à la semaine prochaine, on va trouver un accord. Le Jaraaf a entamé un projet avec Abdoulaye Sarr. Lequel a fait un très bon travail. Beaucoup de choses se sont passées lors des quatre derniers matches, qui ont fait que le Jaraaf n’a pas été champion. Mais en deux ans, Laye Sarr a gagné la Coupe du Sénégal et a failli être champion. Si je dois venir au Jaraaf, c’est pour continuer sur le même tempo. Laye Sarr et moi, nous avons la même philosophie. On se complète. C’est pourquoi le Jaraaf veut former le duo. Abdoulaye au dessus et moi sur le terrain pour essayer de faire avancer le projet ambitieux des dirigeants du Jaraaf. J’arrive en terrain connu. Abdoulaye et moi, c’est comme le nez et les deux narines. On a beaucoup discuté du projet. Il ne reste que de petits détails. Ce n’est pas l’aspect financier qui prime. Je n’ai pas ce problème avec Cheikh (Seck, le président). Mais il y a des choses plus profondes à régler. Je dois dire que ce projet a commencé depuis deux ans, avant même mon départ pour la Guinée. Ce qui m’a plu, c’est qu’ils ne sont pas dans l’immédiat. Même si le Jaraaf est un grand club et doit gagner des trophées, dans un projet, il y a des objectifs intermédiaires qui permettent de grandir.

Quels sont les préalables à votre signature ?

J’ai horreur de faire les choses sur un coup de tête. Je réfléchis, discute et analyse, avant de m’engager. C’est pour cela que je suis en mesure de dire qu’aujourd’hui, à 99%, ça avance bien. Si rien n’est signé, c’est parce qu’il y a «des préalables» à régler. Mais ça avance bien. Ça va se faire.

En Equipe nationale, on ne vous a pas laissé aller au bout de votre contrat. En Guinée non plus, avec Horoya. Allez-vous tirer les leçons du passé avant de signer un contrat, solide, avec le Jaraaf ?

Je suis un professionnel, qui a l’habitude de signer des contrats. Quand j’étais joueur, Pape Diouf a été mon manager pendant deux ou trois ans. Tout le reste de ma carrière, je signais tout seul mes contrats. Et j’ai fait 18 ans de professionnalisme. Avec Pape, j’ai été à bonne école. Je sais comment discuter et signer un contrat. Pape Diouf me conseille bien et me guide. Cela dit, dans un contrat, il ne faut pas seulement voir l’aspect financier. Derrière un contrat, l’entraîneur dégage une stratégie (recrutement et mise en place technico-tactique) et planifie son travail. Ça ne sert à rien de faire signer un contrat de deux ans à un entraîneur, pour le limoger au bout de quatre ou cinq mois. Un entraîneur ne peut pas faire des résultats en trois ou cinq matches.  Ce n’est pas possible.

Vous faites allusion au fameux contrat à objectifs, souvent brandi pour limoger les entraîneurs…

En Europe, il n’y a plus de contrat à objectifs. Mais un contrat d’obligation de moyens. Les moyens qui permettent à l’entraîneur de bien mener son projet. C’est une contribution. Au Sénégal, il faut qu’on discute autour de ça, qu’on donne aux entraîneurs les moyens d’atteindre leurs objectifs. On ne peut pas copier ce qui se fait en Europe. Mais on peut trouver les moyens d’y arriver. Quand je suis arrivé en Guinée, mon objectif était d’amener Horoya AC le plus loin possible en Ligue des Champions. Je l’ai réussi. J’ai éliminé le vice-champion du monde, le Raja de Casablanca (battu par le Bayern en finale). Ensuite, le Fc Nouadhibou (ce club forme l’ossature de la sélection nationale de la Mauritanie), qui a éliminé l’équipe nationale locale du Sénégal (pour le Chan). Une très bonne équipe. On a été éliminé(s) par le Sfax de Tunis, actuel leader de son groupe en Ligue des Champions. En Coupe Caf, on a joué contre l’Etoile du Sahel. Je n’ai rencontré que de grandes équipes, pour une formation qui n’a jamais franchi les premiers tours. Mais en Afrique, si tu ne gagnes pas la Coupe, tu n’as pas fait de performances. Mon travail a été reconnu par mon président et toute la Guinée, qui est restée 15 ans sans franchir les premiers tours dans les compétitions africaines. Je l’ai réussi. L’objectif immédiat était la Ligue des Champions, j’ai mis toute une stratégie en place pour l’atteindre. En championnat, il me restait 12 journées et je n’avais que 6 (six) points de retard. A la fin, le club a eu trois points de retard et a perdu un match sur tapis vert. Un entraîneur dégage une stratégie par rapport à la durée de son contrat. Mais en Afrique, on fait fi de tout cela. Au bout de quatre matches, on te limoge, sans rien. Ce n’est pas possible. En Europe, l’entraîneur limogé a son chèque à côté. Même en Afrique, l’Européen reçoit des indemnités avant d’être limogé. Mais quand il s’agit d’un Africain, ils créent des problèmes. Je n’accepte pas cela. Sinon, il ne faut pas venir me chercher. Les termes du contrat doivent être respectés.

Ce n’est pas le discours qu’on a l’habitude d’entendre des entraîneurs sénégalais. Faut-il une révolution ?

Si je peux faire une révolution pour les entraîneurs africains et sénégalais, oui, je suis prêt. Il faut des entraîneurs stables. J’appelle tous les entraîneurs à refuser (d’être limogés sans indemnité, Ndlr). S’il faut un syndicat ou une association, il faut le faire. Un entraîneur a un statut. En France, un club n’ose pas limoger un entraîneur sans l’indemniser. L’entraîneur a des droits, mais aussi des devoirs. Il doit être un modèle, un exemple. Très souvent, on ne fait pas respecter le boulot. La manière même de venir à l’entraînement laisse à désirer. Tu viens à l’entraînement avec 15 minutes de retard, dans un accoutrement qui laisse à désirer. L’entraîneur, c’est trois C : le Comportement, la Crédibilité et la Conviction. Un entraîneur qui emprunte de l’argent à ses joueurs n’est pas crédible. C’est pareil pour celui qui accepte de l’argent pour faire jouer quelqu’un. S’il n’y a pas d’anarchie au Sénégal, c’est parce que le football est régi par des lois. Dans le football, tout est question de principes.

Malheureusement au Sénégal, les entraîneurs ne sont pas protégés, il n’y a pas un cadre juridique…

On doit s’appuyer sur un code. L’entraîneur et le joueur ont besoin d’un statut. Tout comme le club. Cela permet d’être sur de bons rails. Le montant arrêté d’un commun accord avec le joueur doit être respecté à la fin du mois. Si tu signes un contrat de trois ans avec un joueur, pendant les vacances, tu dois lui payer son dû. Ce qui ne se fait pas au Sénégal. Il y a un problème. Il faut régler toutes ces questions pour booster davantage le football professionnel qui, il faut le reconnaître, avance très bien. Tous les présidents de club sont des dirigeants d’entreprise, ils savent comment manager des hommes. C’est parce qu’ils manquent de moyens qu’ils acceptent la médiocrité. Mais ils savent ce qu’ils doivent faire et sont très loin d’être médiocres. Le football professionnel ne peut pas être développé avec la seule volonté de particuliers. L’Etat peut et doit s’appuyer sur des leviers pour aider le foot professionnel.

On ne peut avoir dans un club, Cheikh Seck, Laye Sarr et Amara et manquer d’ambitions…

Le projet est clair : bâtir une équipe de dimension africaine. Le Jaraaf a toujours eu des ambitions. A un moment donné, il faut essayer de grandir. Mais tout seul, je ne pourrai pas faire ce travail.

Comment faire grandir le Jaraaf ?

C’est d’être champion d’abord. Ce sera très difficile, mais on va essayer de le faire. Avec les joueurs qui étaient là et qui pouvaient être champions. Il y aura des départs, mais aussi des arrivées. On va créer une dynamique de confiance

La particularité du Jaraaf, c’est d’être un club pressé, qui veut dans l’immédiat, ramasser des titres. Vous êtes allé prendre la Linguère en deuxième division pour l’amener au sommet du football sénégalais. A Horoya, vous avez eu les moyens de recruter des internationaux pour bâtir une équipe. Sur quel levier comptez-vous vous appuyer avec le Jaraaf ?

Je ne suis ni magicien ni superman. Le football est la seule discipline collective qui se fait avec les pieds. Il a besoin de temps pour asseoir une méthode, un projet  technico-tactique, une philosophie de jeu. Heureusement, le Jaraaf a de grands dirigeants, d’anciens joueurs qui ont de l’expérience. Toutes ces personnes apporteront leur pierre à l’édifice. J’ai toujours aimé la méthode participative. Je discute de tout. Avec la Linguère, j’avais pris des joueurs de «Navétanes». Un entraîneur doit être capable de former un joueur.  Cela ne me fait pas peur. J’ai eu la chance de connaître les mécanismes, le processus individuel de la progression du joueur, le processus de la performance collective. Je n’ai pas peur d’aller prendre une équipe en troisième division et de la faire monter. Je travaille autour d’un projet. Quand je suis arrivé à la Linguère, l’équipe était aux portes de la troisième division. J’ai dit aux dirigeants : dans cinq ans, on sera en Ligue des champions. On m’avait pris pour un fou. Ce ne seront pas les joueurs qui feront ma…(il ne termine pas sa phrase). Mais il sera dans un collectif et une organisation qui feront de lui un bon joueur. C’est pourquoi beaucoup de joueurs veulent travailler avec Amara. Une quinzaine de joueurs guinéens veulent venir avec moi au Jaraaf. Ils attendent que je les appelle pour venir.

Champion du Sénégal avec la Linguère, ancien sélectionneur national, ces titres feront de vous l’entraîneur à abattre. Vous allez devoir être performant tous les week-ends…
Cela ne me fait pas peur. Il y a de bonnes équipes et de bons entraîneurs, cela va donner une impulsion au championnat. C’est motivant. Ce sont les bons entraîneurs qui font les bons championnats.

Techniquement et tactiquement, peut-on dire que le football sénégalais, qui n’arrive pas à gagner en Afrique, a progressé ?

Le fait qu’on ne gagne pas en Afrique est dû à d’autres considérations. Amusez-vous à regarder les 16 meilleures équipes africaines. Elles ont des moyens solides. Elles sont capables d’aller recruter des entraîneurs un peu partout, d’aller chercher des internationaux. Avec Horoya, on faisait des transferts énormes, avec des salaires énormes. Au Sénégal, on n’est même pas capable d’aller chercher un Gambien et on veut être champion. Même avec l’équipe nationale locale, il sera difficile pour le Sénégal d’aller en Ligue des champions (les phases de poules). C’est un autre niveau. Je le dis pour attirer l’attention des dirigeants.

 

Vous êtes le dernier entraîneur sénégalais à avoir franchi le cap du premier tour en compétition africaine. Comment l’aviez-vous réussi avec la Linguère?

J’avais développé une stratégie. L’équipe était souvent en internat pour essayer de donner aux joueurs les moyens diététiques, physiques et mentaux de faire face aux exigences de cette compétition. Il nous arrivait de rester 30 jours sans partir à Saint-Louis. Le président Babacar Sy avait réussi à mettre l’équipe dans des conditions de performances. La Ligue des champions est question de moyens d’abord : être capable d’aller chercher des joueurs pour renforcer ses lignes, pouvoir les garder pendant longtemps. Il faut des moyens techniques et financiers. Un club qui ne peut pas payer 75 mille FCFA à des joueurs, ne doit pas avoir des ambitions pour la Ligue des champions.

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