Joseph Antoine Bell pense que les données du match Sénégal / Côte d’Ivoire restent intactes, même s’il reconnaît que le rêve est toujours permis pour une éventuelle qualification des Lions face aux Éléphants. Entretien
Joseph, le Sénégal peut-il toujours espérer la qualification au Mondial 2014 ?
Les spectateurs ont besoin de rêver, mais cela constitue toujours un jeu dangereux. Après ce que l’on a récemment vécu, je pense qu’il faut que les acteurs et la presse fassent comprendre aux supporters que tout est possible dans un match de football. Si les supporters sont persuadés que seule la victoire doit leur revenir, ils se trompent. Quand on a en face une équipe beaucoup plus forte, il faut savoir raison garder.
Mais la Côte d’Ivoire n’a pas produit ce jeu qui peut impressionner le Sénégal…
Je crois que les Sénégalais ont effectivement marqué ce but qui leur permet de rêver. Mais les données restent intactes. Dans un passé récent, le Sénégal a mené par deux fois avant de s’incliner par 4-2. Ce qui veut dire que ses chances restent minces face à une équipe expérimentée avec des joueurs qui sont à ce niveau depuis plus de dix ans. Contrairement au Sénégal qui a des jeunes qui découvrent, pour la plupart, le haut niveau. Il ne faut pas se voiler la face, le Sénégal n’a pas connu ce niveau depuis longtemps. Donc, forcément, la balance se penchera du côté de l’adversaire.
Le Sénégal peut-il titiller la Côte d’Ivoire ?
C’est aussi simple que ça. Il faut que le Sénégal joue de manière directe. Dans un match de football, il ne faut pas oublier le principal objectif : c’est de faire un bon match en restant concentré derrière et en étant créatif devant. Mais au match aller, je pense qu’en enlevant ce penalty concédé dès la 3ème minute, le Sénégal serait resté dans le match et aurait pu titiller l’adversaire. Vous savez, en football, quand on prend des buts malheureux, il n’y a rien à dire, mais si au bout de 49 minutes on voit 3-0 sur le tableau d’affichage, on nourrit des regrets.
Alain Giresse n’a-t-il pas péché sur le choix des hommes ?
Un entraîneur qui perd entendra toujours des critiques. Le Sénégal a eu le malheur de tomber sur plus fort que lui. Il y a tous les indicateurs qui le prouvent. Il faut arrêter de marcher à reculons. Les gens ont tendance à brandir le palmarès de 2002 pour se glorifier du parcours du Sénégal, mais je pense que les temps ont changé, les équipes ne sont pas les mêmes, encore moins le contexte. Ce qui est regrettable pour le Sénégal, c’est qu’après chaque campagne on bouleverse tout. Je pense qu’il faut travailler dans le long terme tout en se remettant en cause.
D’aucuns pensent que l’équipe ivoirienne est vieillissante…
(Il coupe). Il ne faut pas écouter les colonisateurs. Ce sont eux qui nous tympanisent avec ces propos. En se prenant pour des chantres de l’Africanité, ils nous empêchent en même temps d’admirer les prestations de nos talents. Pourtant, il y a d’autres professionnels qui ont toujours besoin des joueurs comme Didier Drogba qui est toujours compétitif. On le voit jouer tous les week-ends dans le haut niveau. Il a récemment marqué un but contre la Juventus de Turin. Il a toujours 90 minutes dans les jambes. Si le Sénégal veut se cantonner sur cette considération de vieillesse de l’équipe ivoirienne, il aura tout faux.
Pourtant, il suffit de regarder l’âge des joueurs ivoiriens pour se rendre à l’évidence.
Personnellement, j’ai joué une Coupe du monde à 40 ans, en 1994. Ce n’est pas l’aspect âge qu’il faut mettre en avant. Pourtant, en ce temps-là, j’étais le meilleur gardien du championnat de France. Dire que l’équipe ivoirienne est vieille, est un faux problème. Ses joueurs continuent de faire de bonnes prestations. Qu’ont fait les jeunes joueurs sénégalais pour empêcher la défaite face à la vieille garde ? Non, moi je ne suis pas d’accord.
Qu’est-ce que le Sénégal doit faire pour remporter la partie ?
Il faut se rappeler une chose. La Côte d’Ivoire est de loin bien meilleure sur le papier que le Sénégal. Le Sénégal a perdu le premier match par 3-1, je crois que les joueurs doivent bien aborder la rencontre. Ils doivent tout faire pour mener d’abord par un but d’écart pour semer le doute dans la tête de l’adversaire. Avec ce but, on est plus proche du deuxième. Si cela est acquis, il ne faudrait pas reculer, parce que la Côte d’Ivoire a une armada offensive qui peut faire la différence à tout moment.
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