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C’est un président comblé. Mamadou Guèye, plus connu sous le nom de Modou Fall, est à l’image du club qu’il dirige. Même âge que l’As Pikine, 40 ans, même tempérament bouillant, même passion. Et, c’est aujourd’hui qu’il a conduit au sommet du football sénégalais le bébé récupéré «sans rien demander», mais sur fond de polémique tout de même, que Modou Fall a encore plus d’appétit à assouvir sa faim de résultats. A l’heure de boucler son premier mandat à la tête du club de la banlieue, auteur d’un retentissant doublé Championnat – Coupe du Sénégal, il explique, analyse, savoure et scrute l’horizon avec une dose de fierté. Entretien. Découverte.

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Quel est le destin qui vous a lié à l’AS Pikine que vous venez de porter au sommet du football national ?

Je suis un pur produit de Pikine, où je suis né il y a quarante ans, en 1974, comme le club que je dirige actuellement, l’AS Pikine. C’est la ville qui m’a vu grandir. J’ai très tôt arrêté les études, en classe de CM2, et cela m’a obligé à apprendre à me débrouiller. J’ai ainsi fait plusieurs jobs, j’ai été ouvrier à la Sotiba (usine de textile, ndlr), j’ai travaillé à Dakar Multiservices, j’ai géré une music shop, ensuite je me suis essayé au transit, auprès d’un oncle. J’ai grandi dans une famille défavorisée, aux côtés de ma mère, et cela m’a poussé à ne pas mépriser un quelconque métier, tant que ça permettait d’améliorer les conditions de vie de ma mère, je me défonçais pour réussir. En ce qui concerne le football, j’ai joué au navétane, en Cadets, en portant les couleurs de l’équipe de mon quartier, l’ASC Teranga, qui était restée 28 ans sans prendre le moindre trophée. Après avoir fini mon parcours chez les Cadets, nous étions confrontés à un manque de dirigeants pour gérer l’équipe. J’ai alors décidé de ne pas évoluer en Séniors pour m’engager à intégrer la commission sportive. Quand le président a arrêté, je lui ai succédé et, à la première année, l’équipe a remporté un trophée zonal. L’année suivante, nous n’avons pas été loin de faire un grand chelem en remportant les coupes zonale et départementale et nous avons été en finale de la coupe régionale et en demi-finale de la ligue populaire. C’est ainsi que j’ai eu une certaine notoriété dans le mouvement navétaneà Pikine avant de rejoindre l’AS Douanes, où j’ai été sous la coupole de Mbaye Ndoye (ancien président de l’AS Douanes et ancien président de la Fédération, ndlr), Mbaye Diouf Dia (président de Touré Kunda, ancien Manager de l’AS Douanes, ndlr) et Moustapha Diagne (ancien membre de la Fédération et ancien dirigeant de l’AS Douanes, ndlr). Je les accompagnais et les aidais à plusieurs niveaux dans la gestion du club. J’ai beaucoup appris en côtoyant ces grands dirigeants du football et en m’impliquant beaucoup dans la gestion quotidienne de l’AS Douanes. Ensuite, c’est quand je suis allé à La Mecque que des dirigeants de l’AS Pikine ont décidé de me porter à la tête du club, en se disant certainement que le travail que je faisais à l’AS Douanes aurait pu servir à l’équipe de ma ville.

Comment vous définissez-vous et comment arrivez-vous à jongler entre la gestion du club, les activités professionnelles et la vie de famille ?

Je ne triche pas. Je suis aussi très émotif. Quand je suis heureux, je ne peux m’empêcher de pleurer. Je suis très émotif et très passionné. Partout où mon équipe se déplace, je l’accompagne, ce n’est pas simple à gérer pour ma famille, mais ma femme et mes enfants comprennent ma passion pour le football. Je pense être quelqu’un qui a un grand cœur. Parfois, cela me joue des tours, mais je ne regrette jamais quand je fais un bon geste, même si après le bénéficiaire me trahit, car je le fais pour l’amour de Dieu. Aujourd’hui, je suis un homme comblé, qui a su se battre pour mettre sa famille dans de bonnes conditions en partant de rien, pour amener sa mère à La Mecque, pour accomplir un pèlerinage posthume pour son père, décédé trop tôt et qui a su faire en sorte que tous les Pikinois se reconnaissent en leur club.

Votre prédécesseur Boubacar Yatassaye ne sera peut-être pas du même avis, vous lui avez succédé dans un contexte de polémiques. Que sont devenues vos relations ?

Je suis venu pour un mandat de quatre ans. Je le félicite pour ce qu’il a eu à réaliser lors de son magistère. Je suis en train de faire ce que je peux. C’est la continuité. L’équipe appartient aux Pikinois qui pourront voir ce que chacun a fait. Je n’ai jamais été demandeur pour être porté à la tête de ce club. Je ne suis pas dans une logique de concurrence. Il y a eu beaucoup de bruits au début, mais il ne faut pas être mauvais perdant. Je suis convaincu d’être sur la bonne voie, malgré tout ce qui a été dit, tous les sacrifices consentis. Je n’ai rien contre lui. Nous avons des relations normales.

Comment se sont déroulés vos premiers pas à la tête du club ?

Quand je prenais la tête de l’équipe, l’AS Pikine en était encore à effectuer des premiers pas difficiles dans le football professionnel. On venait de se maintenir de justesse, grâce à une victoire sur tapis vert. A mon arrivée, j’ai fait en sorte d’avoir un effectif de qualité, en retenant certains comme Adama Mbaye, que j’avais déjà dirigé quand j’étais à l’ASC Teranga. Mon passage à Teranga m’a facilité beaucoup de choses. Déjà, cela a participé à asseoir ma notoriété dans la ville et m’a permis de travailler dans la sérénité, avec la confiance des Pikinois. Avec l’AS Pikine, je me suis évertué à mettre sur un pied un style de management nouveau, en prenant le soin d’insister sur les moindres détails, puisqu’on aspire au professionnalisme. J’ai été pointilleux jusque dans le choix des couleurs du club. Avant, on n’était jamais fixe avec les couleurs des maillots. Maintenant, tous les Pikinois s’identifient au Vert-Rouge, que j’ai choisi lors de mon voyage à La Mecque. A partir de là, l’équipe a commencé à avoir sa propre identité, à soigner davantage son image. Puis, nous avons construit le siège, commencé à organiser des dîners de gala, des ventes de maillots que nous renouvelons chaque saison et à impliquer tous les Pikinois qui se mobilisent de plus en plus autour de leur équipe, à tel point que tous nos matches à domicile se jouent maintenant à guichets fermés. Je me suis aussi évertué à mettre en place un logistique important, même pour les séances d’entraînements.

La transparence est-elle de mise dans la gestion du club ?

Cela a été un de nos points forts. Pendant mes quatre ans de gestion, chaque dépense est régulièrement inscrite et envoyée par mail à tous les ayants droit. Il en est de même en ce qui concerne les situations sur les transferts des joueurs, les ventes des maillots. Aujourd’hui, chaque dirigeant du club est en mesure de vous donner les détails des bilans de ces quatre saisons. Nous avons un bureau et un Comité directeur qui s’efforcent à faire du club une maison de verre dans laquelle la transparence est de mise. A l’heure actuelle, je peux dire que je suis tranquille dans la mesure où quand viendra l’heure de faire le bilan à la fin de mon mandat, je présenterai de quoi être fier, aussi bien sur le plan professionnel que sur le plan financier. Pourtant, cette saison avait de quoi être difficile sur le plan financier, tant nous avons été présents sur tous les tableaux. Nous avons joué le championnat jusqu’au bout, pour remporter le titre à la dernière journée, nous avons remporté la Coupe du Sénégal et nous avons échoué en demi-finale de la Coupe de la Ligue face aux Diambars. Sans compter la préparation effectuée à l’étranger (Gambie), pendant 21 jours dans un hôtel 4 étoiles, qui nous a couté près de 13 millions de FCfa. Nous avons dépensé plus de 100 millions de FCfa cette saison, en retour, le championnat rapport 20 millions de FCfa, la Coupe du Sénégal 12,5 millions de FCfa, même avec la subvention de la mairie (50 millions de FCfa), les ventes de maillots, on ne parvient pas à boucler le budget, il faut toujours que le président et les autres membres mettent la main à la poche. C’est un programme assez compliqué à gérer, mais nous y sommes arrivés par la grâce de Dieu. Nous ferons le point dans les prochains jours pour donner le détail du bilan, élargir le nombre d’adhérents du club et dégager les perspectives pour la saison prochaine qui sera encore plus excitante avec la participation en compétition africaine et nous allons solliciter encore plus l’implication de tous ceux qui s’identifient à Pikine et à la banlieue.

Comment préparez-vous la saison prochaine, qui sera une autre paire de manches avec la participation à la Ligue des Champions ?

Cela fait plus d’un mois que nous nous projetons sur la saison prochaine et notre participation à la Ligue des Champions. C’est sûr que ça requiert plus de moyens et d’engagement à tous les niveaux. Là, nous tablons sur un budget qui peut tourner autour de 300 millions de FCfa et on espère pouvoir le boucler avant le démarrage de la saison prochaine, en comptant sur l’Etat, la mairie, mais aussi sur tous les Pikinois et les bonnes volontés qui sont convaincues par le projet que nous sommes en train de mettre en place.

Avez-vous des garanties de pouvoir garder vos meilleurs éléments tout en renforçant l’effectif pour les prochaines échéances ?

Notre parcours pendant ces quatre ans montre que le club est dans une phase ascendante. Nous progressons d’année en année. Après avoir lutté pour éviter la relégation, nous avons pris la Coupe de la Ligue lors de la première saison de mon magistère (2010), la suivante, nous sommes allés en finale de la même compétition, ensuite, nous sommes allés en demi-finale et en quart de finale de la Coupe du Sénégal, tout en étant sur le podium en championnat. Enfin, cette année, nous avons continué la progression avec le titre en championnat, la Coupe du Sénégal et une demi-finale en Coupe de la Ligue. C’est une régularité qui n’est pas le fruit du hasard et qui nous permet d’espérer que cela ira crescendo lors des prochaines saisons. Nous sommes concentrés sur nos objectifs. La preuve, quand nous avons remporté le championnat, nous n’avons pas fêté ce sacre, nous avons préféré faire cap sur la Coupe du Sénégal en gardant notre concentration. Concernant la gestion de l’effectif, je peux vous garantir que nous garderons nos éléments, à moins qu’un d’eux ne soit sollicité pour effectuer des tests à l’étranger. Sinon, si c’est pour les clubs locaux, il n’y a pas de craintes qu’un de nos joueurs nous soit arraché par un club d’ici. Car nous sommes sûrs que les clubs qui sont là ne peuvent pas faire une meilleure offre, tant sur le plan sportif que financier. Je suis rassuré sur ce plan, même si des clubs ont commencé à nouer des contacts. Ensuite, nous allons renforcer l’équipe, car nous allons vers des échéances importantes la saison prochaine, car nous voulons maintenir le cap sur le plan national et faire des prestations très honorables en Afrique.

Sans infrastructure adéquate, il sera difficile d’espérer quelque chose. Le stade Alassane Djigo est dans un état très déplorable…

La gestion du stade n’incombe pas au club. C’est la municipalité qui s’en charge. Nous souhaitons d’ailleurs que le club soit impliqué dans la gestion, car nous en sommes les premiers utilisateurs et si l’infrastructure se dégrade, nous serons les principales victimes. J’en appelle à la compréhension du nouveau maire, Abdoulaye Thimbo, que je remercie au passage, de même que son prédécesseur Pape Sagna Mbaye, mais aussi Mamadou Seck (ancien maire de Mbao) pour leur implication dans les progrès du club, au même titre que les anciens des Niayes, les supporteurs, les dirigeants… Nous espérons qu’une nouvelle pelouse sera installée, de même qu’une nouvelle tribune et que le club sera pleinement impliqué dans la gestion. Si ce n’est pas fait…, je n’ose même pas imaginer. Déjà que le stade Demba Diop sera bientôt fermé pour des travaux de réfection, cela veut dire que nous faisons face à une urgence et nous appelons le président de la République et la municipalité à mettre les bouchées doubles, car nous allons représenter le Sénégal dans la plus prestigieuse compétition continentale en club.

Les pratiques mystiques sont souvent indexées pour justifier la dégradation très avancée de la pelouse synthétique. Et vous, les dirigeants, êtes pointés du doigt. N’est-il pas temps de se départir de ces pratiques qui ne riment certainement pas avec le professionnalisme auquel vous aspirez ?

C’est un mauvais procès qu’on nous fait. Ce sont les mauvais perdants qui tiennent ce discours. Je vous renvoie à tous nos matches où nous avons toujours fait preuve de respect et de fair-play. On ne nous voit jamais verser dans certaines pratiques. Le problème, c’est que le stade reçoit beaucoup trop de matches. La pelouse est sur-utilisée. Elle est sollicitée presque tous les jours et souvent jusqu’à très tard dans la nuit. Avec le navétane, toutes les zones de la ville jouent ici. Le stade est aussi loué à des tiers pour l’organisation de matches et le rythme est impossible à tenir pour une pelouse. Quand on est devant, on reçoit beaucoup de coups, on est victimes de beaucoup de médisances. Je ne verse pas dans les pratiques mystiques, mais je fais en sorte de pouvoir bénéficier des prières de grands érudits, des hommes de Dieu. Pour moi, c’est le plus important. Je considère que, tant qu’on fait du bien, on ne peut avoir de résultat que le bien. Je suis convaincu que faire du bien, c’est la meilleure pratique pour avoir des résultats positifs et cela n’a rien de mystique.

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