C’était à Ouagadougou, en octobre dernier, lors de Burkina Faso-Algérie, match aller du dernier tour des qualifications pour le Mondial-2014. On s’achemine vers la fin du match, quand l’arbitre, sur un signe de son juge de touche, et après consultations, désigne le point de penalty algérien. Stupeur dans le camp des «Fennecs» qui venaient de revenir à la marque à 2-2. Les «Etalons» ne gâchent pas l’aubaine et finissent par gagner par 3-2. Penalty ou pas, seul l’arbitre est juge.
Match retour à Blida. Le Burkina marque d’entrée de jeu. L’arbitre hésite et signale un hors-jeu. Les Burkinabè ruent dans les brancards, mais rien n’y fait. En cours de jeu, le capitaine algérien Bougherra commet une agression jugée manifeste, après avoir reçu un carton jaune sur une précédente action. L’arbitre fait signe de jouer.
Chose curieuse, c’est Bougherra qui marquera le but signant la qualification des Algériens (1-0). L’arbitre en question, ce 15 novembre, était Badara Diatta, désigné actuellement comme le meilleur sifflet sénégalais.
Etait-ce dû à «chacun son tour» ou seulement des faits du hasard ? En tout cas, les faits restent troubles et ne sont guère isolés.
Angola-Sénégal, à Luanda. Match décisif des éliminatoires de la Coupe du monde. A 1-1, Papiss Demba Cissé, sur une reprise d’un coup franc, marque un 2e but. L’arbitre siffle hors-jeu. A la fin du match, le président de la Fédération sénégalaise de football lance, amer : «Nous sommes encore victimes de l’arbitrage. Cela ne peut durer. Nous allons écrire pour protester, car le but refusé est valable.» Mais, le prenant à contre-pied, Alain Giresse soutint : «Sur le but refusé, le joueur était bien hors-jeu. L’arbitre a rempli sa mission.»
L’arbitre remplit-il toujours sa mission, surtout en Afrique ? La question mérite d’être posée.
Mais, d’abord, qui est cet homme en noir que l’on dit déjà «porteur de deuil» ? Dans son réquisitoire sur l’arbitre, Jean Norval, alors expert attaché à la revue Miroir du football, a caractérisé l’arbitre à travers quatre définitions : le maillon faible d’un système qui, ne pouvant se passer de lui, le rend responsable de tous ces maux, un homme vulnérable, un juge éphémère qui rend la sanction dans l’action, l’homme que l’on cherche à tromper par des manœuvres multiples et qui peut se laisser prendre, un homme ordinaire qui fait souvent passer son amour propre avant l’application des lois.
Ces définitions retracent la complexité de la tâche de l’homme en noir. Sans aller jusqu’à dénier les soupçons qui pèsent sur eux – certains arbitres ont eu à être sanctionnés – on retient le phénomène que confère le «maillon faible» dans un système puissant.
Déjà, à la Conférence de la IVe Table ronde internationale sur le football à Monaco, les 2 et 3 mai 1977, les recommandations faites à la Fifa sur l’arbitre étaient explicites. Le document disait en préambule :«La vie sociale conditionne aussi la formation générale de l’individu et, par conséquent, sa capacité de discernement, celle de suivre surtout les principes de la moralité sportive ou de résister face aux diverses tentations qui s’exercent à son endroit.» Et le document de recommander à la Fifa : «Pour que les arbitres soient à l’abri de toutes tentations, il faut qu’ils bénéficient dans leurs pays d’une situation sociale et de moyens leur permettant une existence décente. Car, au-delà des connaissances techniques, les besoins matériels insuffisants sont souvent à l’origine des tentatives de corruption.»
Tentatives de corruption ? Le document a mis le doigt sur la plaie. Et il suggère pour finir : «Dans les questionnaires que doivent remplir les arbitres internationaux, il faut que soit mentionnée et considérée l’occupation professionnelle des candidats.»
Autrement exprimé, la conférence ne reconnaît pas un arbitre international sans occupation professionnelle conséquente.
Ainsi, en sous-entendu, la Fifa sait que dans le football international, certaines choses peuvent se passer. Mais comme elle l’a fait pour le hooliganisme et le racisme, qu’est-ce qui l’empêche, dans ses organigrammes, de poser des actes allant dans la prévoyance des cas discutables en arbitrage ?
Certes, la Fifa se heurte à l’intransigeance des barons de l’International Board. Car pour ces tenants et gardiens des 17 lois du jeu, on admet que quand c’est compliqué, cela devient moins mondialement et universellement appliqué. C’est pourquoi bien de propositions sont restées dans les cartons ou font l’objet de sempiternels débats, comme l’usage de la vidéo. Et Sepp Blatter gagne du temps, car il sait que cela ne sera jamais simple.
En attendant, il appartient à l’arbitre, qui a librement choisi cette fonction, de savoir entrer dans ce milieu à grosses tentations et de résister, s’il veut ne plus être «le maillon faible du système».
En visionnant la cassette du match de Blida sur requête des Burkinabè, la Fifa a estimé que les reproches faits à Badara Diatta relèvent de questions de faits, domaines de l’exclusivité de l’homme en noir. Mais jusqu’à quand ? En plus, l’arbitre est-il défendable ? La question reste posée.
Waasport