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Ancien sélectionneur des Lions, Amara Traoré est bien placé pour porter un regard expert sur la prestation de ses anciens protégés contre l’Egypte (victoire 2-0), vendredi dernier et donner des pistes de réflexion pour la préparation du suivant, contre le Botswana, demain à Gaborone. Sans état d’âme et avec beaucoup de recul, l’ancien coach de la Linguère et du Horoya AC (Guinée) scrute l’actualité de la Tanière.

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Le Sénégal vient de démarrer la campagne des éliminatoires de la Can 2015 par une victoire contre l’Egypte et s’apprête à enchainer par un autre duel à l’extérieur, face au Botswana. Comment le sélectionneur devrait s’y prendre pour réussir la transition entre le soulagement né de la victoire et la remobilisation des troupes pour le match suivant ?

Ce qu’il faut surtout éviter, c’est de céder à l’euphorie. Un athlète de haut niveau doit être capable de gérer le succès d’une victoire. Par bonheur, on a acquis la victoire pour ce match, ça rend plus facile la tâche de l’entraîneur pour la préparation mentale de ses joueurs. Maintenant, il faut vraiment insister sur la nécessité d’éviter toute propension euphorique, parce que les matches sont assez rapprochés, et comme vous dites, c’est un peu comme pendant une phase finale de CAN. Il faut bien gérer cette transition, sachant que quatre jours après la victoire, un autre match aussi important arrive. Il y a les joueurs qui doivent rentrer après le match voir la famille, décompresser un peu, ce qui justifie un quartier libre. Il y a le voyage qui est assez long, finalement l’entraîneur n’a qu’une seule séance d’entraînement très intense. D’ailleurs, la séance qu’on fait ici est la plus importante. C’est là que le coach peut véritablement mettre en place le schéma qu’il veut utiliser, car il ne va pas attendre d’être chez l’adversaire pour le faire. C’est assez délicat quand on n’a pas assez de temps pour mettre en place une organisation. Mais il faut que les joueurs assimilent très vite. Dans ce sens, l’aspect le plus important sera de bien récupérer. Les gens ont tendance à oublier que la récupération est une forme d’entraînement, surtout quand elle est bien faite, après un match et avant un long voyage. Maintenant, les deux équipes vont faire un voyage avant le match de mercredi. Même s’ils sont chez eux, les Botswanais ont fait un voyage en quittant la Tunisie. Ils seront certainement hyper-motivés parce qu’ils jouent chez eux, mais c’est à nous de répondre à cette exigence d’engagement qui nous y attend. C’est un match où il faut des hommes. Apparemment, c’est une équipe qui a un jeu qui se rapproche du style britannique, avec beaucoup de «kick and rush», mais il faut répondre au défi physique. Ce ne sera pas le même match que contre l’Egypte, où on a marqué deux buts sur des transitions, ce qu’on appelle les contres. Là-bas, l’équipe adverse va certes se découvrir, car elle joue chez elle, mais elle aura un peu peur du Sénégal. Le nom du Sénégal représente quelque chose en Afrique et il y aura toujours chez l’adversaire une certaine appréhension d’aborder un match contre les Lions. A nous d’en profiter. Les premiers ballons vont être très importants.

Vous avez évoqué tantôt l’importance de la récupération. Beaucoup étaient sceptiques à propos du choix de se regrouper à Saly, à 80 kilomètres du lieu du match, Dakar, avec la répétition du trajet en si peu de jours…

(Il coupe) Ce sont des choix qui appartiennent à l’entraîneur. Là, on a gagné ce premier match, donc le terrain lui donne raison sur le coup. Mais est-ce que ça se vérifiera pour un autre match ? Il faut éviter de tirer des conclusions hâtives à partir d’un match. Souvent, c’est ce qui nous (Sénégalais) joue des tours. Nous aimons trop entrer dans les superlatifs. Avec nous, c’est soit trop bon soit trop mauvais. On ne connaît pas la bonne mesure. Nous sommes toujours dans la démesure pour apprécier une chose. Il faut attendre les autres matches pour voir ce que ça va donner. Maintenant, sur un plan purement technique, on peut noter qu’un trajet Mbour-Dakar-Mbour, c’est un peu plus de 160 kilomètres. L’équipe qui fait ce trajet plusieurs fois dans la semaine, il faut voir si on peut faire cela et garder la fraîcheur. Ça mérite une certaine réflexion. Les spécialistes en physiologie peuvent y réfléchir. Souvent, on demande aux techniciens d’éviter des déplacements de plus de 60 kilomètres le jour d’un match, ce sont les termes de références, car les joueurs ont tendance à dormir dans le bus quand on va au-delà de cette distance. Mais là, ce sont des généralités et il ne faut pas occulter qu’il peut y avoir des particularités qu’on peut ne pas saisir de loin. Chaque entraîneur a sa méthode, ses idées, ses choix à faire. Il faut prendre tous ces paramètres et savoir aussi que le dernier mot revient à l’entraîneur, qui prend en compte des paramètres que nous ne maîtrisons pas forcément quand nous ne sommes pas dans le groupe.

Mais là, pour le deuxième match qui vient, c’est peut-être une bonne idée, finalement quand il faut fuir une certaine euphorie et récupérer en toute quiétude, car le cadre semble s’y approprier, non ?

Par rapport à ce deuxième match, il faut plutôt s’orienter vers les conditions de voyage. L’avantage, c’est surtout que le Botswana a joué le samedi, c’est-à-dire un jour après le Sénégal et qu’eux aussi vont faire un long trajet (Ndlr : de Monastir en Tunisie à Gaborone, soit 6902 kilomètres et un temps de vol estimé environ à 8h45 par vol direct, là ou le Sénégal fera environ 8h de vol). Ils vont avoir, au maximum, deux séances d’entraînement, lundi et mardi. Sur ce plan-là, les deux équipes sont quasiment dans les mêmes conditions. Ce qui peut faire la différence, c’est que le Sénégal, ayant joué vendredi, va gagner un jour de récupération par rapport à l’adversaire. En plus, le Sénégal voyage par vol spécial, je ne sais pas si c’est le cas pour le Botswana, mais c’est une bonne chose.

Justement, pour contourner ce problème de fraîcheur qui peut se poser, est-ce que l’entraîneur peut songer à faire tourner son équipe de départ ?

Ah non, je ne le pense pas. Il n’y a pas de quoi craindre que les organismes soient autant éprouvés en deux matches. C’est trop tôt. Tu ne peux pas te permettre… A la limite, changer un ou deux joueurs près, en fonction de certaines réalités comme une obligation médicale, avec des joueurs qui peuvent avoir quelques bobos après avoir pris un coup lors du match précédent, ou par rapport à la volonté de l’entraîneur de reconduire ou non le schéma du match précédent. Va-t-il garder une défense à trois ou revenir à un dispositif à quatre ? S’il change, automatiquement ça implique qu’un ou deux joueurs changent, car tout système dépend des hommes chargés de l’animer.

Comment jugez-vous le schéma à trois défenseurs que Giresse a mis en place sur les deux derniers matches officiels, dans un 3-5-2 contre la Côte d’Ivoire en novembre et contre l’Egypte, vendredi passé, dans un 3-4-3 ?

Je n’ai pas à le juger. Je pars plutôt d’un constat du terrain. Ce que le terrain a montré vendredi, c’est que justement, l’équipe a été disposée dans un 3-4-3, effectivement. J’ai lu quelque part que c’était un 3-5-2, non. Ce n’est pas parce que c’est un système à trois défenseurs que c’est forcément un 3-5-2 comme contre la Côte d’Ivoire. Contre l’Egypte, le dispositif initial était un 3-4-3. C’est en cours de match, quand Diamé est entré en jeu à la place de Mame Biram (69e) que le milieu a été renforcé au détriment de l’attaque. Mais, la sortie de Mame Biram n’a pas permis d’avoir une fixation devant car Dame est resté sur un côté et Sadio sur un autre. Ensuite, l’entraîneur a fait entrer Moussa Sow (à la place de Dame Ndoye) pour corriger le tir. Cela a failli payer avec ce ballon que Sadio lui met en toute fin de partie. L’animation à trois défenseurs, c’est toute une culture. On a vu que Stéphane Badji a eu quelques problèmes de positionnement. Souvent, on a eu l’impression que l’équipe jouait avec 5 défenseurs plutôt que 3. Parce que ce n’est pas la même chose. L’entraîneur n’a pas forcément demandé cela, mais sur le terrain, c’est ce que nous avons observé. C’est toute une culture qui ne s’assimile pas aussi vite. Il faut rester patient. L’Egypte a une culture d’une défense à trois. Tout ça demande un peu de temps, du travail quotidien, sur la durée.

Dans la tête des joueurs, le fait d’avoir commencé par un adversaire du standing de l’Egypte et de devoir enchaîner par un adversaire de moindre calibre, peut-il constituer un danger dans la façon d’aborder cette rencontre ?

Il faut dégager cette idée en touche. On ne doit surtout pas faire un jugement sur ces stéréotypes. Cette équipe égyptienne qu’on a vue est assez faible. C’est une équipe qui se cherche, qui part de loin, qui a pris 6-1 contre le Ghana, il n’y a pas longtemps…

Oui mais, concrètement, peut-on enlever cette idée de la tête des joueurs ?

Il faut qu’ils y arrivent ! Ce n’est pas compliqué, car l’entraîneur a les résultats des autres équipes sur son tableau. Rien qu’à voir certains résultats… On a vu, avec cette première journée des éliminatoires, la Sierra Leone mener la vie dure à la Côte d’Ivoire (1-2), le Ghana a fait match nul chez lui contre l’Ouganda (1-1), le Congo est allé battre le Nigeria, même le Botswana a longtemps tenu tête à la Tunisie, en menant au score pendant 75 minutes. Cela doit pousser à l’humilité et à une extrême prudence. Il faut jouer sur la réalité actuelle et éviter de tomber dans le piège des grands noms.

Quel discours auriez-vous tenu aux joueurs si vous les aviez en main, en ce moment ?

Je ne les ai pas en main (rires). Ce qui est important, c’est d’abord la fraîcheur mentale, beaucoup de récupération, ne pas être euphoriques. C’est là que la victoire contre l’Egypte a été importante. La confiance est là. Mais il ne faut pas qu’il y ait excès de confiance. Cette équipe-là est très jeune. Il y a beaucoup de choses à faire. Il faut la laisser grandir encore, avoir un vécu, souffrir ensemble. Ces joueurs doivent surmonter ensemble des épreuves, des combats, des conquêtes. Des matchs comme celui qui aura lieu à Gaborone vont servir à ça. On a fait une bonne entame en battant l’Egypte (2-0). Il y aura de bons moments et des moins bons. C’est là que l’équipe aura besoin de nous tous pour l’aider.

Pendant longtemps, on a accusé Giresse de tâtonner, de se chercher. Là, il enchaine deux matches importants avec une défense à trois, pour des résultats encourageants. Peut-on dire qu’il a enfin trouvé son système par rapport à l’effectif dont il dispose ?

Il va toujours se chercher. Même le jour où il va gagner la Coupe d’Afrique, il va continuer à se chercher. C’est un exercice perpétuel. Comme pour l’enseignant qui ne cesse d’apprendre. L’entraîneur est là pour chercher les meilleurs joueurs, l’animation, le meilleur système…

Après la victoire face aux Pharaons, peut-on estimer que le calendrier, tel qu’il se présente, est plutôt favorable aux Lions ?

Le calendrier n’est favorable à personne. Il faut gagner ses trois matchs à domicile et aller engager au moins 4 points à l’extérieur pour se prémunir de toute mauvaise surprise. C’est pourquoi le match contre le Botswana est très important. Celui qui perd au Botswana encourt beaucoup de risques. Dans une poule de quatre, il faut assurer le maximum à domicile, prendre 6 points contre l’équipe supposée plus faible et aller chercher un point sur les deux autres adversaires.

Est-ce une bonne chose que les rencontres soient autant rapprochées, avec six matches à jouer dans un intervalle de deux mois ?

C’est une très bonne chose pour la fédération, pour les entraîneurs, pour les clubs et même pour les joueurs. C’est bon pour tout le monde parce que l’équipe qui perd va tout de suite vouloir se rattraper.

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