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À un an de la CAN 2015, si elle commence à prendre forme, la préparation du Sénégal tarde à décoller. Le sélectionneur des U20 ne cache pas son inquiétude mais Joseph Koto est résolument engagé pour cette compétition. Il décline sa feuille de route. Entretien

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Après les sélections nationales A et locale, vous avez hérité de la sélection U20 avec un gros challenge : la CAN-2015. Comment vous l’entrevoyez à un an de l’échéance ?

Effectivement pour moi c’est un grand challenge parce qu’aujourd’hui le football sénégalais mérite de gagner quelque chose. Moi, j’ai toujours dit que pour gagner  quelque chose il faut commencer par la petite catégorie. On est à un an de la compétition. Ce n’est pas dans le discours que l’on doit préparer cette échéance mais par des actes concrets.

En parlant d’actes concrets, où en êtes-vous avec la préparation ?

La préparation a débuté par le tournoi de l’UEMOA avec lequel j’ai commencé le travail avec l’équipe junior. Cette même équipe coachée par mon ami et frère Aliou Cissé est rentrée des Jeux de la Francophonie avec la médaille de bronze. D’ailleurs, le Comité exécutif de la FSF m’avait donné l’opportunité d’aller assister à ce tournoi pour superviser 7 à 8 joueurs que j’avais dans cette équipe.

Pourquoi avez-vous déplacé l’équipe junior à un tournoi, celui de l’UEMOA, qui est réservé aux
sélections seniors ?

Quand on est revenu de la Francophonie, on est resté deux mois sans rien faire. Je n’ai jamais imaginé que c’était l’équipe junior qui allait représenter le Sénégal à ce tournoi de l’UEMOA qui, comme vous le dites, est un tournoi purement senior A. Et, faut-il le rappeler, beaucoup de pays qui ont très peu d’expatriés déplacent plusieurs joueurs de leur sélection fanion. C’est donc un tournoi très relevé que les pays de la sous-région veulent remporter à tout prix. Pour certains, c’est même leur Coupe d’Afrique. Donc, on nous demande d’y emmener les Juniors. J’ai accepté. On a travaillé une semaine et on y est allé.

Préparer une sélection junior en une semaine pour participer à une compétition seniors. Pourquoi avez-vous accepté cette gageure ?

Parce que le tournoi était déjà là et il fallait y participer, on ne pouvait pas déclarer forfait. Donc on est parti à Abidjan jouer ce tournoi. On a joué trois matchs et on n’en a perdu aucun. Et chaque fois on pouvait gagner parce qu’on a dominé l’adversaire. J’en suis sorti satisfait parce qu’on a rencontré des équipes seniors très solides. Donc leur tenir tête déjà est, à mon avis, une bonne performance.

Pourtant les critiques ont fusé de toutes parts après l’élimination du Sénégal au premier tour de ce tournoi de l’UEMOA…

Ecoutez, ce tournoi de l’UEMOA, je l’ai remporté deux fois avec l’équipe nationale locale (2009 et 2011, ndlr). Vous savez, au Sénégal, c’est tout le temps compliqué. Dès que l’on  vous confie une équipe, les gens qui sont tout autour ou même en dehors et qui sont animés de je ne sais quoi pensent que l’on doit tout rafler. Alors que très souvent on n’a pas les mêmes moyens ni la même préparation que les adversaires. Et très facilement, on stigmatise l’entraîneur. Mais nous, on était content parce qu’on savait ce que l’on avait en main.

Vous ne semblez pas avoir apprécié ces critiques ?

Non, au contraire, les critiques nous forgent. Moi, j’aime bien les critiques. Quand j’étais joueur, chaque fois que l’on me critiquait, j’avais plus d’allant, plus de force pour repartir parce que j’étais conscient que c’est ce qui pouvait me permettre d’atteindre le plus haut niveau. Donc, le Comité exécutif a continué à nous faire confiance. Et puis l’objectif ce n’était pas ce tournoi de l’UEMOA mais bien la CAN 2015. Par conséquent, on a continué avec le tournoi de l’UFOA au Ghana. On a réalisé un sans faute en phase de poule avec trois victoires en trois matchs. En finale, on a dominé de bout en bout le pays hôte, le Ghana, qui a bénéficié d’un arbitrage hyper maison pour gagner. Donc, on est revenu avec la médaille d’argent.

La sélection junior a été performante à deux tournois sous-régionaux réservés aux équipes seniors. Quelle est donc le problème ? 

Vous savez, la difficulté avec cette équipe, et c’est pourquoi parfois j’ai peur, c’est qu’on ne peut retenir les joueurs. Après le tournoi de l’UFOA au Ghana, presque tous les joueurs ont été sollicités et la plupart d’entre eux sont partis en tests, certains ont déclassé parce que nés en 1994 et donc exclus pour la CAN 2015. Des 18 joueurs qu’on avait, il ne nous restait plus que 6. Donc, l’équipe était complètement décimée, il fallait ainsi remettre une équipe en place pour travailler en vue de la CAN 2015.

On ne peut pas dire que la préparation se poursuit sous les meilleurs auspices avec les deux défaites enregistrées au récent tournoi de Bamako…

Vous me permettez de faire la genèse de cette affaire. Il y a deux semaines de cela, le Directeur technique national nous a appelés, mon adjoint Malick Daff et moi, pour nous informer qu’il y  avait un tournoi dit de la Paix à Bamako. Notre première réaction a été de nous réunir au siège de la Fédération avec la DTN, le coach national Alain Giresse, le coach des Olympiques Aliou Cissé. On a un peu statué sur ça. Comme il n’y avait pas d’équipe et que rien n’était fait, on s’est dit qu’il ne fallait pas accepter ce tournoi-là.

Et pourquoi avez-vous finalement accepté d’y aller ?

Les gens ont insisté arguant que c’est un tournoi pour la paix et qu’il fallait que la sélection U20 y aille, qu’il y avait des corrélations diplomatiques, etc. C’est pourquoi on a accepté. Ensuite, ça n’a pas été négatif. Ce tournoi nous a permis de voir certains joueurs mais également les autres équipes qui sont de potentiels adversaires à la CAN 2015.

Mais de là à accepter un déplacement par la route pour rallier Bamako…

Cela fait mal. Si on s’était déplacé par avion, les joueurs auraient eu le temps de récupérer. Mais faire 1600 kilomètres par la route, c’est difficile. Il est vrai que l’on était dans un car climatisé mais ce n’est pas le meilleur des cadres, ce n’est pas le car de l’équipe nationale où il y a des toilettes et tout le confort. On était ainsi obligé de nous arrêter tout le temps pour permettre aux joueurs de faire leurs besoins, de manger, etc. Leurs joueurs avaient les membres ankylosés à cause de la longue position assise. Ensuite, on n’était pas seuls dans le car ; il y avait les athlètes, les pongistes. Au total, c’était des conditions très difficiles.

Ces conditions de voyage expliquent donc le fiasco à ce tournoi de la Paix ?

Quand on est arrivé, on nous a donné une équipe du Mali qui s’est préparée depuis longtemps pour son tournoi et on a perdu (2-0, ndlr) le plus logiquement du monde. Et pourtant, les gosses se sont bien défendus et auraient même pu le remporter s’ils s’étaient mieux préparés. Sur ce match, je ne pouvais pas véritablement évaluer les joueurs. Deux jours après, on a joué et perdu (3-1, ndlr) le deuxième match contre le Burkina qui se prépare à jouer contre le Mali en éliminatoires de la CAN U20. Donc, ce sont deux équipes bien préparées.

Mais, admettez que le résultat comptable est quand même négatif puisque vous avez perdu vos deux matchs ?

Vous savez, un entraîneur n’aime pas perdre. Mais dans ces conditions, il a toutes les chances de perdre. Et quand l’entraîneur perd, il est déstabilisé et son image est quelque peu ternie par les critiques. On me dira encore : vous l’avez accepté (d’emmener l’équipe au tournoi de Bamako, ndlr), mais pourquoi ne l’accepterions-nous pas ? Nous avons opté d’être entraîneur. C’est notre boulot. Aujourd’hui, on a un poste, on nous confie un travail et même si on sait que le travail est difficile, on est obligé de le faire. Et il y a eu du positif dans ce tournoi parce que nous avons pu opérer à un choix de joueurs, 6 des 18 joueurs et nous allons renforcer cette base avec des joueurs issus des championnats parce que les juniors proprement dits n’ont pas encore commencé leurs compétitions.

Avez-vous établi un programme de préparation cohérent et bien ficelé en direction de la CAN 2015 ?

Oui à partir du tournoi de Bamako qui nous a permis de détecter quelques joueurs, 6 au total comme je l’ai dit tantôt. Maintenant le programme se déroule, on nous a redonné un tournoi qui va se jouer en Libye. On est obligé de reconduire le même schéma en  prenant des joueurs qui évoluent dans le championnat. Dernièrement, Aliou (Cissé) a fait un regroupement avec des joueurs olympiques dont certains étaient dans notre collimateur, une dizaine au total. Nous allons ajouter à ce groupe d’autres joueurs pour pouvoir travailler durant une semaine avant de rallier la Libye pour un tournoi. C’est une opportunité pour voir encore certains joueurs. Et au retour, on va maintenant dérouler notre planning.

À quoi consiste ce planning ? 

Notre planning consiste d’abord à faire le tour des centres de formation. Très souvent, les gens s’offusquent quand ils voient beaucoup de joueurs des centres de formation dans les sélections des petites catégories. Pourtant, même la France a commencé à avoir des résultats avec l’émergence des centres de formation et des écoles de football. Au Sénégal, les joueurs quittent même les clubs traditionnels pour les centres de formation parce que, pour eux, il y est plus facile de décrocher un contrat à l’extérieur. En outre, ils y ont une bonne prise en charge, sont bien rémunérés, etc. Pour avoir de bons joueurs, on est obligé d’aller dans ces centres de formation qui se donnent les moyens de leurs ambitions.

Mais vous n’allez quand même pas vous focaliser sur les seuls centres de formation ?

Non, ce ne sera que la première phase de la détection au sortir de laquelle il y aura une sélection des centres de formation. Et puis, on ira dans les régions, deux jours pour chacune d’elles. Déjà, la DTN a demandé aux CTR de faire un travail préalable de détection ; c’est à partir de là qu’on mettra une sélection des régions. Puis avec le championnat junior et les autres championnats, on fera d’autres sélections. Et par la suite, on fera un tournoi avec les entraîneurs du Sénégal pour décider du groupe de joueurs avec qui on va travailler en direction de la CAN. En dehors de ça, on demande à tous les entraîneurs du Sénégal de signaler les bons joueurs qu’ils auraient.

Et les expatriés dans tout ça ?

Où qu’un talentueux joueur sénégalais puisse être, on ira le chercher. Nous faisons aussi une détection à l’extérieur où on a des antennes. Récemment, l’entraîneur national Alain Giresse, dans sa tournée, a pu prendre contact avec certains joueurs. Et aujourd’hui, on a déjà quelques joueurs qu’on a ciblés. Pour eux, il est d’ailleurs prévu un camp d’entraînement en France. On pourra les voir et par la suite il y aura un autre camp d’entraînement à Dakar d’où sortira un groupe de joueurs qui joueront un tournoi dit de Dakar qui va nous permettre de procéder à notre revue d’effectif.

En dehors de ça, on jouera avec des clubs d’ici, des équipes de la sous-région. Parce que, nous, on ne participe pas aux éliminatoires, donc si on ne joue pas en même temps que les autres, on aura un déficit de préparation. Par conséquent, il faudra que l’on puisse jouer un match amical international chaque fois qu’il y aura une journée d’éliminatoires, pour avoir de la compétition.

Quel est l’objectif que l’on vous a assigné dans cette CAN 2015 ? 

On ne va pas dire que l’on va gagner cette Coupe d’Afrique parce que, jusqu’à présent, le Sénégal n’a jamais atteint ce niveau-là. Mais on a l’avantage quand même du terrain. Par conséquent, le premier objectif que l’on a c’est quand même de nous classer parmi les quatre premiers, c’est-à-dire être demi-finaliste pour décrocher la qualification en Coupe du monde, chose que l’on n’a jamais eue au Sénégal. Maintenant, quand on arrivera en demi-finale, on fixera le deuxième objectif que tout le monde connaîtra en ce moment-là.

 

Stades

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