Devenu professionnel depuis plus d’une décennie, le football sénégalais continue encore de faire face à ses propres contradictions. Un survol de ses dix ans, laisse transparaitre des gros maux qui plombent son développement harmonieux. En sus des difficultés financières qui entravent le fonctionnement de la ligue sénégalaise de football professionnel (Lsfp) et des entités notamment les clubs, le football professionnel marche sur une «béquille» et souffre d’un manque d’attractivité lié à un déficit d’infrastructures, de sa irrégularité dans les compétitions africaines de clubs ou encore la rareté des grands derbies et classicos.
La crise sanitaire du coronavirus a certainement mis à nu la précarité du football professionnel sénégalais et des clubs. Ces entités ne cessent d’étaler leurs inquiétudes face à leurs difficultés financières. Le championnat suspendu depuis mi mars puis différé en novembre prochain, a mis les clubs de l’élite devant leurs difficultés liées au paiement des salaires des joueurs. Ces difficultés sont endémiques et confirment au fil des années que la professionnalisation du championnat de football de ligue 1 au Sénégal continue encore à se chercher dix ans après l’entrée dans cette ère du football sénégalais. Cette saison, l’interruption n’a pas fait exception. Les clubs sénégalais peinent à faire face à leurs obligations.
LES FINANCES : L’IMPOSSIBLE EQUILIBRE DE LA LSFP ET DES CLUBS PRO
A l’entame de la saison marquant la 10ème année de professionnalisation de la discipline, la tentative de la Ligue sénégalaise de football professionnel d’arrêter une date pour le démarrage de la saison 2019/2020 a mis à nu des énormes problèmes financiers et du boulet que la Ligue pro traine pour répondre aux exigences du professionnalisme. Avec les dettes contractées au fil des ans, l’instance dirigée par Saër Seck s’est d’emblée, retrouvée avec un déficit budgétaire de plus de 200 millions F Cfa, à l’orée de cette présente saison. Cette situation qui a retardé le début de la saison de la Ligue 1 et 2 a été révélatrice de l’état de lieux du football.
La fédération sénégalaise de football a dû voler au secours de la LSFP avec une subvention de 150 millions de F Cfa permettant à la Ligue pro de faire rouler le ballon sur les pelouses. Cette situation renseignait sur les incohérences qui ont fini de plomber le football professionnel et entraver le fonctionnement adéquat des clubs de l’élite professionnelle Le diagnostic de Amsata Fall, directeur exécutif de la Ligue reste en effet éloquent : « les clubs souffrent d’un héritage de l’amateurisme. Ceux-ci doivent avoir une autre gestion, une nouvelle planification. C’est cette entité qui doit s’occuper de la gestion du club et de la pérennité du club. Ce que bon nombre de clubs, en dehors de ceux issus des centres de formation, n’ont pas. Les clubs s’occupent plus des résultats du dimanche. Ce qui plombe la restructuration, la modernisation et la recherche de ressources additionnelles notamment dans le domaine du marketing sportif et du sportif. Il faut d’autres races de dirigeants qui évoluent dans le domaine du business, des actionnaires pour compléter les dirigeants traditionnels», relevait-il.
SPONSORS, INFRASTRUCTURES, RARETE DES DERBIES…
Quoiqu’il en soit, ce constat met à nu le fonctionnement des clubs au bout de dix ans d’existence. Avec la faiblesse des recettes de billetterie, du sponsoring privé très limité, les clubs se sont pour la plupart rabattus à d’autres sources privées, le plus souvent, de partenaires étrangers. Si ce n’est pas souvent à un mécène particulièrement le président de club. Les clubs sénégalais s’adossent également à un marché des transferts du reste très irrégulier. Dans ce domaine, les centres et Académies qui jouent depuis quelques années, les premiers rôles dans football sénégalais, se révèlent être les championnats et plus grands pourvoyeurs. Plusieurs internationaux sénégalais évoluant dans les championnats les plus huppés en Europe, sont issus de clubs comme Génération foot, avant d’être transférés en Europe moyennant d’importantes retombées financières.
Le professionnalisme ne se résume pas seulement à un problème de paiement des salaires des joueurs, le manque de sponsors au niveau des clubs et des activités de la ligue professionnelle reste patent depuis quelques saisons. Il est perceptible au niveau de ces infrastructures, au niveau des compétitions. Le manque d’attractivité est plus en plus une réalité dans les stades de football. Par conséquent, les grands derbies et autres classicos qui rythmaient jadis le championnat sénégalais et qui mobilisaient les supporters ont changé la donne. Progressivement, le football a selon de nombreux observateurs, perdu son lustre. Pour ces derniers, la fermeture du stade Demba Diop est sans doute passée par là ou n’a pas été pour arranger les choses. Surtout pour certains clubs dakarois qui peinent à trouver des terrains d’entrainement. Mais les équipes qui au fil de la saison, valsent de stades en stades pour jouer les matchs de championnats. Les compétitions sont aussi jouées dans des conditions difficiles. Ce qui a eu un impact négatif sur la qualité du jeu mais aussi des résultats sur le plan international. Cela se traduit par une absence répétée en compétitions africaines de clubs.
Au cours de ces dernières saisons, les clubs sénégalais auront constamment du mal à atteindre les phases de poules des compétitions africaines. Même l’équipe nationale locale, émanation des clubs sénégalais, peinera plusieurs éditions durant à se qualifier au Championnat d’Afrique des nations (Chan). La conséquente la plus immédiate de cette irrégularité, se sentira lors de la saison écoulée avec le forfait pour la coupe d’Afrique des clubs africains de Teungueth FC, vainqueur de la coupe du Sénégal. Mais également par l’élimination précoce des représentants du Sénégal sur la scène africaine. La conséquence d’un manque de public derrière les clubs et de la ligue professionnelle mènera à un découragement des sponsors. Cela occasionne une faible médiatisation du football professionnel. L’arrivée de la firme chinoise StarTimes avec un partenariat de 9,7 millions d’euros sur 10 ans avait suscité un d’espoir aux acteurs du football. Il devrait permettre à la Ligue Pro de faire face et palier l’absence de sponsors et la faiblesse de la billetterie et des recettes. Mais l’espoir s’est finalement dissipé avec les contentieux déclenchés par la vente des décodeurs entrainant une suspension du contrat. Au grand dam de la marche du football.
L’ACCOMPAGNEMENT DE L’ETAT TOUJOURS ATTENDU
En plus des fonds issus des fonds de la Fifa ou encore des retombées de la Coupe du monde et de la Can, la Ligue de football sénégalais restera toutefois suspendue à l’accompagnement de l’Etat qui tarde encore à se concrétiser. Dans cette direction, le directeur exécutif de la Ligue professionnel, indiquait à la voie.
Selon lui, l’Etat doit jouer sa partition dans de nombreux domaine. «Il n’y a pas aujourd’hui un football qui se gère en Afrique ou ailleurs sans l’accompagnement au préalable de l’Etat. Cet accompagnement peut être direct par le biais de subventions, en termes d’infrastructures. On voit que l’Etat fait beaucoup d’efforts au niveau des infrastructures qui, sont encore, insuffisantes. Mais elles ne répondent pas aux standards internationaux», regrette Amsata Fall avant d’ajouter : «Dans les pays qui nous entourent, des clubs ont des terrains, des infrastructures et s’y entraînent quand ils veulent. Alors que nos clubs louent des infrastructures. Le volume de jeu n’est pas le même quand on loue et quand vous avez votre propre terrain».
Maitre Augustin Senghor, l’avait rejoint lors de la rencontre Génération foot contre LPRS Oil en notant la précarité des clubs sénégalais à faire face à leurs charges. Le président de la FSF n’avait pas manqué de formuler sa demande pour un accompagnement de l’Etat. «Nous avons des difficultés. En 2009, l’Etat du Sénégal avait pris l’engagement d’accompagner le football professionnel. On ne peut pas faire du foot professionnel au Sénégal, sans l’accompagnement de l’Etat dans le processus», at-il soutenu avant de poursuivre «Le problème est que le football sénégalais repose aujourd’hui sur un pied. Puisque nous ne sommes ni subventionnés, ni accompagnés par les sponsors, comme c’est le cas de certains pays, les clubs sont obligés de vendre chaque année leurs joueurs pour pouvoir s’engager dans la saison suivante. Nos joueurs locaux touchent des salaires infimes, comparés aux autres pays d’Afrique, mais également d’Europe», avait résumé le patron du football sénégalais.