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Après les fastes de 2002, l’Equipe nationale de football du Séné­gal n’a jamais réussi à garder le cap. Entre prestations en demi-teinte, bordées de rares éclaircies et de franches déconvenues, elle a toujours laissé un goût d’inachevé aux milliers de supporteurs. La faute à d’éternels recommencements jamais menés à terme, à des guéguerres jamais vraiment terminées, des choix toujours discutables.

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Finalement, l’Equipe nationale est devenue un mouroir de stratégies, de schémas de jeu maintes fois réaménagés jamais adaptés. Plusieurs coachs se sont succédé avec leurs certitudes technico-tactiques. Le milieu de terrain, reposoir de toute leur science footballistique, a vu passer les stratégies et surtout les hommes.

Entre 2002 et 2012, il a découvert des talents, a assisté d’un regard attendri à leur explosion au plus haut niveau. Il a aussi observé, impuissant à leur dégringolade, nécessaire étape pour une régénération.

Qui sont les hommes du passé glorieux ? Que vaut le système 4-4-2 où ils se sont exprimés ? Quel est le nouvel ordre mondial en matière de milieux de terrain ? Quels handicaps doit encore franchir la nouvelle génération pour espérer flirter avec  le top du top ? Plusieurs spécialistes se sont penchés sur la question. Le Quotidien a mis la balle au centre.
Les éternels nostalgiques de l’Equipe nationale de foot garderont toujours le regard braqué dans le rétroviseur. A défaut d’un présent plus saillant, ils pourront se contenter de mâter les vidéos surréalistes, exultant les faits d’armes où leurs héros mettaient sur le tapis la France, l’Uruguay, la Suède…Leur effectif complet  de ces années fastes, récité par cœur et leur Onze-type classé même par le moins calé des footeux. Leur numéro de dossard, leurs gestes de classe mondiale et leurs dribbles imités jusque dans les bleds les plus enfouis du pays. Jeunes dieux qui sur les chemins de Bamako, de Corée et Japon ont écrit les plus belles pages de leur carrière de footballeur. Cette bande qui a éclos au début des années 2000 a correspondu à l’une des plus (la plus ?) belles époques du football national et réconcilié les footballeurs avec les amoureux du ballon rond, toujours pleins d’espoirs maintes fois déçus et de contritions jamais consolées.

Symbole d’une race d’hommes au tempérament fort

Après la folie de l’attaque, le milieu de terrain en mettait plein la vue aux innombrables supporters. Champ labouré par d’âpres combats, il est le symbole d’une race d’hommes au tempérament fort. En sélection nationale, il a vu germer des personnalités qui n’hésitent pas à sacrifier à leur ingrate tâche d’éboueurs de l’entrejeu, de gueulards, mais aussi de faiseurs de buteurs. Leur job : régenter le secteur, impulser un nouveau souffle, donner du rythme, proposer aux défenseurs leurs services. Ils sont convaincus dans leur sacerdoce de porteurs d’eau et de faiseurs de jeu que le ravitaillement en bons ballons pour le boulimique et véloce Henri Camara, le sémillant Mamadou Niang, l’inconstant Souleymane Camara et le fantaisiste El Hadji Diouf passe obligatoirement par les bons offices de leurs godasses déjà crottées par les tacles rageurs pour intimider les offensives adverses.

Salif Diao, Bouba Diop, Aliou Cissé, Amdy Faye…

Cette belle fenêtre qui s’est close quelques années plus tard après son lot de déconvenues a laissé grimper jusqu’à la lumière de la lucarne la tête altière de Salif Alassane Diao, le physique de déménageur de Bouba Diop, la crinière batailleuse de Aliou Cissé, le visage de gendre idéal de Amdy Moustapha Faye, les traits crispés par les efforts de Abdoulaye Diagne Faye, l’allure désinvolte de Moussa Ndiaye, la tronche de beau-gosse de Fadiga, le jeu juste de Sylvain Ndiaye et les changements de rythme de Pape Sarr. Ils ont accueilli et hébergé un autre contingent de milieux de terrain qui n’ont pas eu le temps de grandir avant d’être emportés eux aussi par les désillusions. L’espoir né en Moustapha Bayal Sall s’envole comme de la fumée, le talent de Rahmane Barry se termine en feu de paille, l’inconstant Issa Bâ paie l’addition d’une vie dissolue, fertile en frasques conjugales, Ousmane Ndoye n’a jamais réussi à stabiliser le cours de son jeu, trop souvent en baisse, alors que Pape Malick Bâ et Dino Djiba n’ont entretenu que de fugaces espoirs disparus à peine nés. Talents évidents pour la plupart, ils n’ont jamais su (ou pu) rester à flots ou épouser la furie de la vague mugissante de l’épopée de 2002 pour rester dans le même sillage, ou en tout cas faire sentir à tout un Peuple les secrets de l’orgasme extatique d’une victoire finale en Can qu’il n’a fait que caresser sans jamais le saisir.
Sur le pré du stade Léopold Sédar Senghor, sur les aires de jeu du continent et plusieurs stades d’Europe et d’Asie, ils ont promené leur silhouette d’hommes de base et installé une confortable réputation de gladiateur. Chevillards hors normes, ils savaient se contenter d’un jeu sobre, peu esthétique, mais toujours efficace. Parmi eux, rares sont ceux qui savent aérer le jeu élégamment, dicter le tempo et projeter le jeu, imprimer des changements de rythme, accélérer ou relâcher opportunément au gré de la configuration de l’équipe adverse. Ange Marie Victor Diagne, ancien Lion esquisse leur portrait robot : «On avait un milieu costaud où il y avait peu d’artistes et beaucoup plus de porteurs d’eau. En ce temps-là, l’Equipe nationale se basait sur ses solides milieux de terrain pour opérer en contres très rapides. Le profil de ces joueurs était adapté au style de jeu voulu par les différents coachs de la sélection. Quand on a un à deux artistes dans l’équipe, on est forcément obligé de jouer la contre-attaque.»

Le physique de Bouba Diop et Cie

Leur physique se prête avantageusement à ce boulot. Taille presque toujours au-dessus du mètre 80, poids au-delà de 75 kilos. Dans leur feuille de présence, émargent : Amdy Faye, Bouba Diop, Salif Diao, Aliou  Cissé, Diagne Faye, Malick Bâ, Bayal Sall, Guirane Ndaw, Sylvain Ndiaye, Moussa Ndiaye, Khalilou Fadiga, Pape Sarr, Issa Bâ, Rahmane Barry, Dino Djiba ou encore Ousmane Ndoye. Avec des extrêmes comme : Bouba Diop (1m94, 94 kilos), Abdoulaye Diagne Faye (1m87, 84 kilos), Salif Diao (1m84, 73 kilos), Ousmane Ndoye (1m85, 75 kilos), Bayal Sall (1m91, 90 kilos), Amdy Faye (1m84, 78 kilos). Côté gabarit, ils figurent parmi les plus grands du continent. En plus de l’assurance d’une masse musculaire conséquente, ils mettaient souvent à profit un sens du but réflexe. Après leurs offices virulents dans l’entrejeu, libre à eux ensuite de se projeter vers l’avant pour porter au secours d’une attaque en panne sèche ou d’un Henri Camara (meilleur buteur de l’Equipe du Sénégal) en manque d’inspiration.

Pas du genre à avoir des états d’âme dans la limite des 30 derniers mètres ou de patrouiller aux avant-postes, Bouba Diop (meilleur buteur du Sénégal à la Coupe du monde 2002 et plusieurs fois buteur en Can et en club). Régulièrement, ils plantent leurs banderilles depuis les abords de la surface adverse, très souvent improvisés stand de tirs.

La place vacante aux artistes ?

Le système 4-4-2 les a révélés. En essuie-glace devant le quatuor défensif composé de Ferdinand Coly, Lamine Diatta, Pape Malick Diop et Oumar Daf, se relayaient souvent Bouba Diop, Amdy Faye, Aliou Cissé, Abdoulaye Diagne Faye. Juste devant eux, deux autres milieux de terrain avec des velléités offensives encore plus prononcées : Khalilou Fadiga, Makhtar Ndiaye, Moussa Ndiaye, Lamine Sakho, Diomansy Kamara. Bruno Metsu (2000-2002), Guy Stephan (2002-2005), Ablaye Sarr et Amara Traoré (2002-2006), Henryk Kasperczack (2006-2008), Lamine Ndiaye (février 2008-octobre 2008), Amsata Fall (intérimaire), Amara Traoré (décembre 2009-février 2012) ont expérimenté ce système avec plusieurs variantes. Victor Diagne observe : «Le Sénégal a eu l’habitude de jouer de la sorte à tel point que quand on a voulu changer de système et apporter plus d’artistes pour en faire la symbiose avec la génération de 2002, il y a eu problème. Il fallait beaucoup de temps pour s’adapter à ce système. Malheu-reuse­ment ce temps ne nous a pas été accordé parce que derrière il y avait une forte pression due aux impératifs de qualifications pour les grandes compétitions. Il s’y est ajouté le fait que les binationaux avaient du mal à s’adapter dans ces circonstances.»

Cette «Génération dorée de 2002» avait aussi ce côté fun qui l’avait bien servie en termes d’image. Après les rudes joutes livrées sur les pelouses, ils savaient aussi effectuer des tacles …glissants sur d’autres terrains, dans la crème du Dakar by night et mordre à pleines dents dans le gratin des boîtes de nuit, sans jamais mégoter sur leur propre plaisir. Les échos de leur succès avaient depuis belle lurette outrepassé les frontières des milieux sportifs. Chez les groupies, le coup de cœur est presque instantané. Elles s’étaient extasiées sur leurs muscles saillants, leur carrure et prestance.

Moins de dix ans après leur entrée en scène, ils cèdent le piédestal à une autre cohorte de joueurs. Plus en adéquation avec le renouveau (encore une fois ?) prôné par les instances dirigeantes du football, ils lorgnent, toutes ambitions dehors un palmarès au pire, du même tonneau que celui de leurs prédécesseurs, au mieux, une victoire finale en Can et pourquoi pas une participation plus qu’honorable en Coupe du monde ? Certes moins glamours et piètres jet-setteurs, ils ont brandi de sérieuses cartes de visite. Qu’à cela ne tienne ! Il n’en faudra pas plus pour que les suiveurs passionnés demandent à El Hadji Diouf et consorts d’aller se rhabiller pour faire la place aux toutes nouvelles coqueluches du foot sénégalais.

 

Lequotidien

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