Lamine Ndiaye, Tp Mazembe : « Omar Seck avait voulu me faire venir à la Ja »
Lui, c’est presque le cursus à l’envers de ses autres collègues coaches sénégalais. Et pour cause, Lamine Ndiaye s’est d’abord fait un nom en Afrique, au Coton Sports de Garoua (Cameroun) avant de rentrer prendre les rênes de l’équipe nationale et repartir, en Rd Congo cette fois, après son limogeage de la tête des « Lions ». « C’est que j’ai vécu plus de 20 ans en France ! Et en venant au Cameroun en 2000, c’était dans l’intention de faire partager mes connaissances avec mes compatriotes africains », soutient l’ancien meneur de jeu international de la Seib de Diourbel. Ce joueur qui s’était fait un nom au Rc Strasbourg aurait bien aimé que ce fût prioritairement avec ses … compatriotes sénégalais.
« J’étais en contact avec Omar Seck, alors président très ambitieux de la Ja qui voulait me faire venir, mais cela n’avait pas abouti », regrette depuis Lubumbashi (Rd Congo) Lamine Ndiaye où, sur le banc technique, il fait les beaux jours du Tp Mazembé. En fait, l’ancien sélectionneur des « Lions » soutient avoir été « assez bien connu en Afrique », avant de prendre en charge l’équipe du Sénégal. C’est qu’avec le Coton Sports de Garoua, en plus du titre de champion du Cameroun décroché en 2000, il avait disputé les demi-finales de la Coupe de la Caf. Et, après un court break, il était revenu chez les « Cotonniers » pour « frôler de peu le triplé » en 2002 – 2003 puisque qu’en plus du championnat et de la coupe du Cameroun, il ne s’était incliné qu’en finale de la Coupe de la Caf. Reparti en France après cette performance, il avait été « harcelé » pour revenir au poste en 2005 – 2006 où il conduisit à nouveau le Coton Sports, au titre de champion du Cameroun « quatre journées avant la fin des matches ».
Le moment idéal pour lui de retrouver les « Lions » pour un bail qui n’alla pas au-delà de l’élimination de l’équipe du Sénégal de la Can et du Mondial 2010. « Mais parfois, on apprend et l’on s’enrichit même des échecs. C’est pourquoi toutes les expériences sont bonnes à prendre », philosophe aujourd’hui celui qui a parfaitement bien rebondi au Tp Mazembé de Lubumbashi (Rd Congo). Arrivé à la tête des « Corbeaux » en septembre 2010 en remplacement du Franco-italien Diego Garzitto, Lamine Ndiaye a en effet été vice- champion de Rd Congo la même année, avant d’aider son club à conserver son titre en Ligue africaine des champions. Mieux, il avait hissé les « Corbeaux » en finale de la Coupe du monde des clubs, « une grande première pour une équipe africaine » qui brisait « l’axe Europe – Amérique du Sud » dont les représentants avaient toujours disputé le dernier acte de cette épreuve. Lamine Ndiaye pense même qu’il aurait pu prétendre à une passe de trois en Ligue africaine des champions si, en 2011, son club n’avait pas été « injustement disqualifié » de la phase de poule.
N’empêche, il dut beaucoup s’employer « à remobiliser les troupes » après ce qu’il appelle « un coup de poignard » pour conduire encore ses troupes en demi-finales de la compétition majeure africaine en clubs en 2012 et à un nouveau titre de champion de Rdc. Et aujourd’hui, même si « il ne faut jamais dire jamais » en football, Lamine Ndiaye estime que la possibilité qu’on le voie un jour sur le banc technique d’un club sénégalais « n’est pas d’actualité ». Il s’emploie, pour l’heure, à préparer le championnat de Rdc qui va bientôt démarrer. Avec l’ambition de remporter plus de titres. Et de mieux vendre le produit Sénégal.
Lamine Dieng, As Douanes : « C’est parce qu’on nous reconnaît une compétence et un crédit »
Comment expliquez-vous que, depuis des décennies, les entraîneurs sénégalais de foot s’exportent plutôt bien sur le continent ?
« C’est certainement du fait d’une compétence et d’un crédit qu’on nous reconnaît à l’extérieur. Car, nul n’est prophète chez soi. Le monde est devenu un village globalisé et tout se sait. Et il y a beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte, comme le niveau de professionnalisation de notre football, le fait aussi que les droits des entraîneurs soient respectés chez nous au moins que nous ne tendons pas la main. Il y a aussi le niveau de prise de conscience de l’importance d’un leader technique capable de galvaniser ses hommes, autant dans le jeu qu’à travers les relations humaines. »
Est-il plus facile ou plus difficile pour un technicien de s’imposer à l’étranger ?
« Personnellement, je n’ai aucun problème ici ou à l’extérieur. J’arrive à m’adapter très vite. En plus, même si le langage du football est universel, il est important de savoir parler la langue du pays. Et les principales langues avec lesquelles on communique généralement dans le football sont le français, l’anglais et l’espagnol que je maîtrise assez bien, en plus de me débrouiller en allemand. Car, il est très important de savoir faire passer son message. Sinon, les problèmes sont les mêmes ici qu’ailleurs. »
Sauf pour ce qui est des moyens, peut-être ?
« Tout à fait. A l’extérieur, en tout cas, là où j’ai eu à officier, les moyens sont autrement plus conséquents qu’au Sénégal. Juste un exemple : pour les déplacements, ces équipes-là sont logées à l’hôtel et le transport se fait en avion ou en bus climatisé. En plus, les équipes ont des terrains d’entraînement, voire de compétition. Alors qu’ici, on se débrouille. Et puis, ce qui est aussi très important, les salaires y sont beaucoup plus consistants. »
Donc la tendance à « l’exode » des techniciens sénégalais est appelée à s’accentuer dans les années à venir ?
« J’en suis convaincu. Car, ici, les gens sont très bien formés. Et l’on a une très bonne presse à l’extérieur. Rien que pour ne citer que mon cas, il y a deux ans, j’avais des contacts avancés avec un club équato-guinéen, l’année dernière une équipe du Gabon a cherché à m’enrôler. Et il y a juste 2 semaines, deux émissaires d’un grand club de la sous-région qui a même enlevé un trophée continental sont venus me taquiner. Mais, à chaque fois, j’ai refusé pour convenances personnelles. »
Pensez-vous que d’avoir été entraîneur national peut aider à franchir les frontières de son pays ?
« Ah oui ! C’est plus facile après avoir été entraîneur national. Parce que cela donne une certaine visibilité. Et sur place, on peut bénéficier d’une période de grâce pour bien dérouler sa feuille de route. »
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Plus prophètes ailleurs que chez eux ?
« Au niveau africain, nous techniciens sénégalais avons une réputation de sérieux et de travailler de manière professionnelle. Et ce sont ces facteurs qu’on privilégie sur le continent ». L’avis est de Momar Thioune, ancien entraîneur du Diaraf, du Ndiambour, de l’Etics, entre autres clubs locaux, qui a eu à exercer sa profession au Maroc et en Tunisie, notamment. Il sait donc de quoi il parle et est bien placé pour comparer avec les pratiques en cours dans son pays. « Ici, on privilégie ceux qu’on appelle les « fils du club » qui sont généralement initiateurs ou n’ont que le premier degré. C’est vrai qu’ils sont moins chers. Mais, le seul amour du club ne saurait suffire », tranche-t-il. Un avis partagé par Bamour Fall, autre technicien local qui a roulé sa bosse au Burkina Faso et en Guinée équatoriale. « Au Sénégal, c’est très difficile pour nous entraîneurs. Puisque si la qualité ne nous fait pas défaut, ce sont les structures des clubs qui font la différence », selon l’ancien entraîneur du Port. Il rappelle d’ailleurs qu’au moment où il arrivait à l’Etoile filante de Ouagadougou (Efo) en 2004, « au Sénégal, on sous-estimait le football burkinabé. Mais j’avais trouvé sur place un club bien structuré, avec son terrain gazonné et éclairé et avec toutes les commodités ». En fait, après la Can 98 organisé par le Pays des Hommes intègres, les différents terrains d’entraînement qui avaient été refaits à l’occasion, avaient été cédés aux grands clubs à charge pour ceux-ci d’y ajouter d’autres structures comme des centres d’accueil ou des restaurants. Autant à l’Efo (2004 – 2006) avec qui il a réussi le doublé Coupe – Championnat que chez « le frère ennemi », l’Asfa Yennenga (2006 – 2008) avec qui il a été champion et « fait l’Afrique », Bamour Fall témoigne avoir travaillé dans de « meilleures conditions » qu’à Dakar. « A l’Efo, on avait même la capacité de recruter de bons étrangers, ivoiriens et ghanéens principalement, pour rehausser le niveau de notre équipe », ajoute-t-il.
Pour avoir entraîné en D2 marocaine à Nador, Momar Thioune renchérit que même à ce niveau, « j’avais beaucoup plus de moyens que dans un club sénégalais de D1 ». Et à Gafsa, en Tunisie, il certifie avoir été logé dans un hôtel 4 étoiles et que son « traitement salarial était très conséquent et ne souffrait d’aucun retard. Là-bas, tout est fait pour vous mettre à l’aise et ne penser qu’au boulot ». Ce qui, selon lui, n’est pas le cas au Sénégal.
Pis, d’après Bamour Fall, « le temps n’a fait qu’accentuer l’avance de ces équipes-là par rapport aux nôtres au plan des moyens et des infrastructures ». Et il a payé le prix fort pour le comprendre. Car, il se souvient parfaitement qu’alors qu’il était aux commandes techniques du Renacimiento de Guinée équatoriale où il a passé 9 mois, il avait « été écrasé à Lubumbashi par le Tp Mazembé ». Il déclare avoir visité les installations des « Corbeaux » et était arrivé à la conclusion qu’il n’y avait pas photo et que « le Tp Mazembé en écraserait d’autres ». Ce qui s’est confirmé grâce aux gros investissements du président du club, Moïse Katumbi qui ont permis aux Noir et blanc de remporter deux fois de suite la Ligue africaine des champions (en 2009 face à Heartland et en 2010 contre l’Espérance de Tunis).
La preuve ? L’année dernière, le Tp Mazembé s’est payé un deuxième avion perso. Et dans le même temps, que faisait le champion du Sénégal, l’Uso ? Eh bien, il quémandait un bus climatisé auprès du maire de Dakar…
lesoleil