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Le président de la Ligue sénégalaise de football professionnel (LSFP) dit tout. Dans cet entretien accordé hier, mardi 1er mars, à Sud Quotidien, Saer Seck est revenu sur les contre-performances des clubs sénégalais dans les compétitions africaines, l’élection de Gianni Infantino à la tête de la Fifa contre le candidat de l’Afrique. Sans occulter la coïncidence de l’organisation de la soirée Sargal Foot Pro avec le match retour de l’As Douane en Guinée qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. 

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Depuis 2004 avec la Jeanne d’Arc de Dakar, les clubs sénégalais, n’ont réussi à dépasser le deuxième tour. Comment expliquez la récurrence de ces contreperformances ? 
Le fait que les clubs sénégalais n’atteignent pas le deuxième tour, est une déception. C’est décevant d’autant plus que ces dernières années, on a des clubs dont on pensait qu’ils pourraient franchir ce tour préliminaire.
On constate également à chaque fois qu’on regarde nos équipes face à l’adversaire, on a l’impression qu’ils peuvent passer. Sauf dernièrement avec la Douane qui a fait 3 mi-temps égale avec Horoya Ac avant de sombrer.
Chaque fois les équipes sénégalaises ont été très proche de se qualifier. Toutefois, il faut se rendre à l’évidence qu’aujourd’hui, les résultats ne sont pas à la hauteur de nos attentes. Même si notre football progresse dans sa régularité, dans les compétitions. Si les joueurs, avant les matchs de coupes d’Afrique, avaient  des compétitions dans les jambes, on n’arrivera  effectivement à franchir ce palier. L’une des premières raisons : c’est la tendance est à l’affaiblissement de notre football lors des intersaisons. On n’arrive pas à renforcer nos clubs. Ceci se traduit d’abord, par l’irrégularité des champions.
Quand, le Casa Sports a été champion, l’année suivante il a joué contre la relégation. Ensuite Diambars a été Champion, et a été quasiment dans la même situation. Puis, As Pikine a été champion, et on connait la suite.
Donc, quand on regarde les trajectoires des champions du Sénégal, elles sont largement en baisse par rapport à l’année de suite.
Pourquoi ce paradoxe ?
Ce paradoxe est dû au fait que les équipes sont largement chamboulées quand elles gagnent. Nos meilleurs joueurs ont un petit peu le bénéfice des lauriers. Généralement, ils partent dans les championnats tels que le Maroc, la Tunisie et même le Gabon.
Cette année on l’a encore vu avec la Douane qui a perdu à la fois 4 internationaux, notamment Sory Keïta, Sylvain Badji, Nestor Mendy et Ibou Kholé Diouf. Malheureusement, les recrues ne sont pas au niveau de ceux qui sont partis.
Est-ce qu’on peut en déduire que le championnat du Sénégal n’est plus attractif. Alors qu’au Horoya AC, la moitié de l’effectif est composée des joueurs étrangers ?
 Non ! On peut dire le contraire. Le championnat est attractif, mais, il est attractif pour les étrangers qui viennent faire leurs emplettes dans notre championnat. Ce qui veut dire que notre championnat a de la qualité, que nos joueurs ont de la qualité. Ce sont nos joueurs de qualité qui vont faire le boulot dans ces clubs-là.
Pourquoi vous n’arrivez pas à garder vos meilleurs joueurs?
Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Economiquement, nous ne n’avons pas la santé financière pour garder ces joueurs-là. Aujourd’hui, vous avez deux clubs phares à Conakry qui sont gérés par de riches guinéens. Ces clubs sont dirigés par des personnes  qui ont énormément d’argent. Et  dans l’équipe qui a éliminé l’As Douanes (Horoya AC, Ndlr), on a deux internationaux sénégalais qui n’auraient pas quitté notre championnat et qui ont été bien préparé au Sénégal. Il s’agit de Pape Amadou Touré et Khadim Ndiaye. Les Guinéens sont aussi venus chercher quelques joueurs à Diambars que je n’ai pas laissé partir.
Tant qu’on n’a pas un environnement économique développé, on ne peut pas stabiliser nos joueurs. Je pense que ça doit être le prochain  travail de notre football et de la Ligue, de manière à développer effectivement l’économie autour des clubs de la Ligue professionnelle.
Malheureusement, à chaque fois, on perd 4, 5 éléments, qui sont des éléments clés, et qui sont des  internationaux. Regardez l’équipe de CHAN qui s’est qualifiée au premier tour ou encore l’équipe U23 avec les locaux. Qui reste-t-il ? Quand vous prenez la défense, il ne reste qu’Alioune Ndiaye. Quand vous prenez l’attaque, il ne reste personne. Tous les attaquants sont partis. Il reste un des remplaçants qui a été avec U18, c’est Dominique Mendy qui est encore au Qatar.
Autrement dit, le Sénégal forme ses joueurs pour les vendre mais pas pour les conserver pour jouer les grands rôles en Afrique ?
Pour le moment on n’est pas les moyens de les conserver. On est quand même dans un pays qui est en voie de développement où les moyens sont maigres. Quand un jeune de par ses compétences, ses qualités montre qu’il peut effectivement jouer ailleurs et apporter quelque chose et qu’on puisse lui offrir entre 40 et 50 millions F.CFA de salaire net, dans un pays comme le Maroc, il est impossible de le retenir. Parce qu’il n’y a aucun club au Sénégal qui peut lui offrir ça.
Feu Oumar Seck alors président de la JA, avait pourtant réussi à attirer des joueurs de la sous-région alors que le football sénégalais était amateur et conserver les meilleurs éléments du championnat. On peut citer Aba Koné (Mali), Narcisse Yaméogo (Burkina Faso), Abdourahmane Konteh (Gambie).
Comparaison n’a pas raison et que vous confondez entre amour et tambour. Ce qui a changé, c’est que dans ces championnats malien qui va entrer dans le professionnalisme, guinéen et surtout marocain, l’Etat a investi des sommes colossales. Au Maroc, tous les ans, l’Etat met au niveau de chacun club environ 400 millions de F.Cfa. L’état marocain a donné un terrain synthétique à chacun des clubs.
Le Gabon a fait la même chose. Et le président Ali Bongo met des milliards et des milliards dans les clubs gabonais pour qu’ils puissent se renforcer.
Et le Mali et la Guinée ?
Dans la sous-région, on n’a aujourd’hui, à la fois Horoya AC, le patron de loterie de la Guinée (Mamadou Antonio Souaré, Ndlr) est assis sur une grosse manne financière, investit et paie des millions et des millions de F Cfa aux joueurs. Idem pour le club d’Afia.
Au Mali, ils sont en train de s’organiser dans la même vaine. Ce qui fait que le marché a complètement changé. Aujourd’hui, au lieu de devenir un pays d’accueil, des joueurs qui sont dans «l’amateurisme» dans leur pays, ont des structures économiques qui dureront le temps que ça durera. Mais qui ont des cultures économiques avec des ressources qui, non seulement pour les garder, mais en même temps ces pays qui étaient récepteurs à l’époque, vont chercher des meilleurs joueurs. Donc, ces pays vont devenir des pays émetteurs, au lieu de devenir des pays récepteurs.  La donne a totalement changé. La période d’Oumar Seck a complètement changé. Oumar Seck aurait été aujourd’hui dans la même situation pour un salaire de 500.000 F Cfa payé à un joueur, il ne pourra pas aller chercher un international Camerounais, Malien ou guinéen.
Qu’entendez-vous concrètement de l’Etat du Sénégal en dehors de la disponibilité des infrastructures ? Qu’il y ait une subvention annuelle à chaque club ?
Le football professionnel a produit ce qu’il a produit. Regardez l’équipe nationale du Sénégal. Sur le 23 joueurs, le 15, 16 ou 17 proviennent du championnat professionnel  sénégalais, de Diambars, de Dakar Sacré Cœur, de Génération foot, de Jaraaf etc.
Quand vous prenez l’équipe des U23 qui a été champion au Brazzaville (Jeux africains), c’est pareil. Quand vous prenez l’équipe des U20 c’est pareil. Ce que nous sommes en train de faire est  crédible. En termes de production, de formation, il n’y a pas de contestation possible. Par ailleurs, on voit effectivement que la ligue professionnelle, avec 30 d’abord puis 26 clubs, pour assainir, emploie un certain nombre de jeunes sénégalais.
Tout le monde constate également que le salaire au niveau de la ligue professionnelle a évolué. Je ne dirai pas suffisamment élevé mais  ça a évolué de 50 milles en ligue 2 à 75 milles en ligue1.  Aujourd’hui en ligue1, il n’y a pratiquement aucun joueur qui touche 75 milles FCfa. Les salaires sont entre 100 milles et 250 milles voire 300 milles pour certain joueur. Quelques rares, ce sont ces deux entre 300 et 500 milles. Ce qui est une réalité économique palpable.
Je comprends les préoccupations par ailleurs, qui sont normales pour un Etat, notamment le développement de l’agriculture, la sécurité, l’éducation et la santé. Toutefois, l’Etat a également  comme préoccupation majeure l’emploi des jeunes. Quand une organisation comme la nôtre, permet  de manière permanant de pérenniser 1500 emplois, cela montre qu’on mérite l’attention de l’Etat. Ces forces sont à consolider. Ces produits (L1 et L2, Ndlr) on peut en faire un produit  qui soit  économiquement autosuffisant. Mais, il faut que l’Etat nous aide à franchir ce palier très rapidement.
Il faut que l’Etat donne l’équipement et l’aide à ce football là comme cela ce fait en Algérie, au Maroc, au Gabon, en Tunisie, en Afrique du Sud. Maintenant l’Etat a effectivement deux choix. Le  choix de dire, c’est une association de privés. Donc, ils n’ont qu’à assumer leur responsabilité ou de doter les clubs de subventions comme le fait les états en Europe, où ce sont les démembrements de l’Etat qui forment les clubs régionaux.
En France, il y avait des conseils régionaux qui contribuent en donnant de l’argent pour subventionner les clubs. Il n’y a pas longtemps la mairie de Paris donnait de l’argent pour le PSG.  Quand j’entends un certain nombre de remarques, presque des quolibets provenant de très grands sportifs, malheureusement, cela ne fait pas plaisir.
Cela ne va pas dans le sens de la consolidation du travail et les efforts qui sont faits par les dirigeants des clubs. Même si, on est assez grand pour assumer ce que nous sommes en train de faire. Donc, ce qu’on attend de l’Etat, ce qu’il finance le football. Pas Ad vitam æternam. A ce que je sache, l’Etat finance la presse non ? La presse n’est pas pour l’essentiel une activité privée ? L’Etat finance la culture non ?  Le football aussi, c’est de l’art sur le terrain. Donc,  il y a certain type de débat, on pouvait s’en passer.
La coïncidence de la soirée Sargal Foot au match retour en ligue des champions de l’As Douanes a été fustigée par certains observateurs. Comment expliquez-vous une telle programmation ? 
Le Sargal Foot Pro est un événement annuel. C’était sa 6ème édition. C’était la première fois que cette édition coïncide avec un match de football. Nous avions des contraintes par rapport au calendrier de ce match de la Douane. Mais également du grand Théâtre. Si aujourd’hui, nous n’avons pas tenu cette soirée le 28 février, elle aura été à la fin du mois juin.
Nous avons aussi choisi un cachet populaire. Parce qu’on ne peut pas faire la fête  du football sans être avec les acteurs du football que sont les supporters, la presse qui sont tout le  temps, avec nous. Nous ne voudrons pas nous retrouver dans un cadre plus restreint, avec des invités triés sur le volet ou de faire la fête du football sans une autre partie de ce football. Car, en football, le plus important, c’est les supporters. Cela peut être un choix qui est critiquable. Mais, c’est notre choix. C’est ce qu’on a fait l’année dernière et il n’y avait pas eu de critiques. C’est ce que nous avons voulu reproduire cette année aussi. Les quatre premières éditions étaient dans un cadre plus retreint (King Fahd Palace). Donc, on avait la possibilité de la faire le 28 février ou d’attendre la fin du moi de juin.
Pourquoi n’avoir pas organisé cette fête bien avant ? Juste après la fin du champion par exemple. 
C’est une réflexion que nous  sommes en train de mener. Notre volonté est de faire le Sargal bien avant le démarrage de la saison. Mais, il faut savoir que la ligue a des contraintes sur le plan économique. Le Sargal, c’est le budget de 30 à 40 millions. Ces 30 à 40 millions ne sont pas disponibles à la fin de la saison. On aura donné à la Douane ces 20 millions pour avoir remporté le titre, puis avancé 15 millions (la Ligue a donné 15millions à l’As Douane pour préparer son match de la ligue des champions). C’est l’argent prévu pour le paiement mais la ligue ne l’avait pas reçu.
Donc, sans cet argent, on ne peut pas faire le Sargal foot. Il faut que les choses soient claires ! On ne peut le faire que quand on a les moyens suffisants. Quand nous nous sommes rapprochés du Grand Théâtre, malheureusement nous n’avions plus que cette date du 28 février. C’est à notre corps défendant. C’était avec énormément de regret, que nous avons présenté à la Douane les excuses de la ligue sénégalaise de football. Mais, ce n’était pas de notre volonté, ni notre souhait que cela se produise le jour du match.
D’ailleurs, nous allons prendre toutes les dispositions pour que cela ne se reproduise pas. Nous travaillons de telle sorte que le Sargal foot se tient la prochaine fois avant le démarrage de la saison.
L’élection du président Gianni Infantino à la tête de la FIFA contre le candidat de l’Afrique Cheikh Salman. Quelles peuvent les conséquences pour l’Afrique ?
Il y a deux temps. Le temps de la campagne électorale et celui de l’élection. Gianni Infantino est élu le président de la FIFA. Il faut lui transmettre toutes nos félicitations, parce que les élections se sont déroulées dans conditions parfaites. Mais également nos encouragements pour qu’il puisse faire un travail plus efficace. Aussi, qu’il soit utile pour l’assemblée des différentes associations nationales et pour le football en général.  C’est vrai que ce n’était pas le candidat de l’Afrique, qui a gagné, mais il sera le président de tout le football. Nous le jugerons sur ses actes. L’Afrique ne sera pas non plus un spectateur.
Il n’y a pas de craintes que l’Afrique n’ait pas voté pour Infantino ?
Ces deux confédérations (Caf et Afc, Ndlr) font la moitié des fédérations de la FIFA. Le président Infantino est obligé d’en tenir compte et de travailler en harmonie avec elles pour le développement du football mondial. Non, il n’y a pas de craintes. Gianni Infantino est suffisamment fin pour savoir qu’il ne peut pas se mettre à dos de 54 fédérations. C’est clair !  Ces 54 fédérations ne vont non plus rester des bras croisés, regarder une revanche sur  elles. Il n’y a donc  pas de craintes. Il a d’ailleurs annoncé des mesures qui sont extrêmement  positives, notamment les contributions financières à donner aux associations sportives.
La subvention annuelle qu’il promet de faire passer de 250.000 dollars à un million de dollar ?
Oui ! Un million de dollar d’aide en ce qui concerne le transport et le développement. Mais en tout, ce sont 6 millions de dollars contre 250 milles sous l’ère de Sepp Blatter. Soit 5 millions de dollars sur  4 ans et plus 1million de dollar. Ce qui fait à peu près 6 millions de dollars pour quatre ans.

 

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