L’emblématique coach allemand de Liverpool, Jürgen Klopp, s’est confié, à bâtons rompus, à Stades, faisant le bilan à mi-parcours de son club pour la présente saison de la Premier League. Dans cet entretien exclusif l’ex-coach du Borussia évoque sa proximité avec ses joueurs. Il n’a pas occulté la place qu’occupe Sadio Mané dans son dispositif. Il s’est également prononcé sur les chances du Sénégal à la prochaine Coupe d’Afrique des Nations qui démarre dans moins de trois semaines au Gabon.
Coach, comment expliquez-vous la bonne dynamique de votre équipe qui, depuis le début de la saison, reste collée au peloton de tête de la Premier League ?
Le mérite revient aux joueurs. Depuis le début de la saison, ils ont une attitude remarquable. Les observateurs voient le résultat de leurs efforts le jour du match, mais mon staff et moi voyons chaque jour que leur attitude et leur capacité sont d’un très bon niveau. Dans le monde professionnel où nous sommes, travailler dur est le minimum qu’un joueur puisse faire. Mais je pense que c’est l’envie et la faim de victoires qui peuvent faire qu’une équipe soit meilleure qu’une autre. C’est ce que je vois chez mes joueurs à Melwood (Camp d’entrainement de Liverpool). Donc, ma réponse à votre question est que ce sont les joueurs eux-mêmes qui font cette dynamique.
Pensez-vous être à votre place au classement ?
Pas du tout. Je ne pense vraiment pas à cela et je ne regarde même pas le classement au mois de décembre. Je sais que les gens vont dire que ce que je raconte n’a pas de sens, mais c’est la vérité. Nous savons que nous sommes sur la bonne voie, mais nous voulons surtout y être à la fin du championnat ou quand viendra le moment d’aborder les dix derniers matchs. C’est là où tout va se décider. Pour le moment, nous ne nous focalisons que sur le prochain match, sur les trois points que l’on doit prendre. En réalité, je n’ai pas besoin d’un classement pour apprendre quelque chose de mon équipe. Nous avons beaucoup de bons joueurs, mais ce qui est le plus important c’est comment les faire jouer ensemble, comment peuvent-ils devenir une équipe. Donc, je suis très content de mon équipe, pas par rapport à leur classement actuel, mais aussi par rapport à leur rendement sur le terrain et leur capacité à travailler ensemble.
Partagez-vous l’avis des observateurs qui estiment que la défense reste le maillon faible de Liverpool ?
Je ne partage pas cet avis. Même pas une seconde. Certains pourraient le penser, mais je ne me préoccupe pas trop de cela. Nous voyons à chaque seconde de chaque match que nous défendons bien. Nous avons de bons défenseurs, mais c’est bien plus que cela. Il s’agit de voir plutôt comment nous défendons en équipe, mais pas de se focaliser sur les seuls défenseurs. Ce que pensent les gens n’est pas vraiment important pour moi. Nous avons l’attitude et la capacité qu’il faut pour bien défendre et nous le faisons très bien. Le reste ne m’intéresse vraiment pas.
Expliquez-nous un peu cette complicité que vous avez avec vos joueurs. On a l’impression que vous êtes un papa poule qui veille sur ses enfants…
Il y a certainement des moments où tu agis comme un parent, mais pas tout le temps. La relation avec les joueurs est très bonne, très saine. Pas seulement avec moi, mais avec tout le staff. En fait, on est tous la pour les aider. C’est eux qui jouent et mon devoir est de les mettre dans les conditions et dans un environnement où ils pourront s’exprimer et donner le meilleur d’eux-mêmes. S’ils se comportent mal, ce sera de ma faute et tout ce qu’ils font de bon, le mérite leur revient. C’est comme ça que je vols la relation avec les joueurs.
Quel objectif vous êtes-vous fixé cette saison ?
Avoir le plus de succès possible. Je suis désolé si ce n’est pas la réponse que vous attendiez. Je pense qu’on peut faire quelque chose de spécial cette saison. Mais pour le moment, il est impossible de définir ce que veut dire «spécial». Nous ne sommes pas seuls dans ce championnat. Des équipes comme Chelsea, Arsenal, Manchester City, Manchester United veulent toutes gagner. Elles essaient donc d’atteindre leur objectif en même temps que nous. Je sais que nous avons une équipe qui peut rivaliser avec ces dernières que je viens de citer et nous serons dans la course. Je n’ai pas de boule de crystal pour dire à quel rang nous serons au terme de la saison, mais une chose est claire : on donnera tout pour réaliser tout ce que nous pouvons réaliser.
Parlez-nous un peu de Sadio Mané, que vous avez enrôlé l’été dernier. Pensez-vous qu’il peut remporter le Ballon d’Or africain ?
Sadio est une personne spéciale et un joueur spécial. Je l’ai raté quand j’étais à Dortmund, mais, fort heureusement, j’ai pu rectifier le tir cette année avec Liverpool. J’ai eu beaucoup de chance. Je ne veux pas mettre la pression sur lui en prédisant ce qu’il devra ou ne devra pas gagner. Je sais que l’Afrique regorge de talents au plus haut niveau et que Sadio a une place de choix parmi eux. Il a tout pour être ce qu’il veut. Je suis très heureux que son talent soit pour le moment au service de Liverpool.
Dans quelques jours, il va quitter Liverpool pour la CAN-2017. N’est-ce pas qu’il vous manquera ?
Bien sûr qu’il nous manquera. Et je suis sûr qu’il manquera aussi à ses coéquipiers. Quand on l’a recruté, tous les joueurs ont reconnu que c’était une bonne chose. Mais pour être honnête, je ne veux pas trop me focaliser sur les conséquences que pourrait avoir sur l’équipe l’absence de Sadio Mané. Quand il est là, il nous apporte beaucoup, mais quand il n’est pas la, je veux juste qu’il se concentre sur son pays.
Tous s’attendent à ce qu’il fasse une bonne CAN. Pensez-vous qu’il pourra gérer cette pression ?
Il pourra bien la gérer. Même s’il est encore très jeune, il a beaucoup d’expérience maintenant. Jouer à Liverpool, c’est déjà beaucoup de pression. Il saura donc ce que veut dire jouer et espérer gagner chaque week-end. Ce que j’aime chez lui c’est qu’il n’a jamais de pression. Il joue avec le sourire et la confiance. Si les joueurs tiennent à l’équipe du Sénégal et veulent qu’elle gagne, ils ne devront pas se focaliser sur la pression. Si je dois donner un conseil, ce serait de leur dire que la pression n’aide jamais, donc il ne faudrait pas en mettre sur l’équipe. Il faut plutôt croire en elle et la soutenir. Donnez-leur le sentiment que vous l’aimez, même quand elle ne gagne pas tout le temps. Sadio est très fier de son pays, il l’aime et se sent privilégié de le représenter à cette compétition. Je sais qu’en sélection, tout ce qui compte pour lui c’est de tout donner pour rendre fier le pays. Nous le soutenons et nous espérons qu’il reviendra à Liverpool avec son incroyable sourire.
Suivez-vous un peu le football africain ? Pensez-vous que le Sénégal a les moyens d’aller jusqu’au bout ?
Je suis bien le football africain. Comme je l’ai dit plus haut, c’est un continent qui regorge de talents. Je ne pense pas que ce serait sage pour moi d’indiquer un favori. Je ne veux déranger personne. Liverpool a beaucoup de fans dans beaucoup de pays africains. Il est toutefois évident que grâce à Sadio, je ne manquerai certainement pas de supporter le Sénégal quand il jouera. L’équipe n’a pas besoin que les gens prédisent qu’elle va être championne. J’espère juste qu’elle fera de son mieux.