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Dans l’expression collective offerte par les «Lions» lors des deux rencontres victorieuses du mois de septembre, face à l’Egypte (2-0) et au Botswana (2-0), c’est le couloir gauche qui aura donné le moins de satisfactions. Soucis de coordination, de placement et d’animation. Le 3-4-3 qui s’installe progressivement n’y est sans doute pas pour rien. Pas facile d’assimiler un système nouveau en quelques matches aussi décisifs, surtout quand on évolue différemment en club comme c’est le cas du milieu gauche, maillon central du couloir. Particulièrement mis en difficulté lors de ces deux matches internationaux, Pape Souaré n’offre pas non plus en club la même assurance que par le passé. Moins tranchant que lors de son passage en équipe olympique, le Lillois ne devrait toutefois pas être inquiété de sitôt. Son remplaçant immédiat, Cheikh Mbengue, a grillé plusieurs jokers avant lui et est d’ailleurs en proie à quelques pépins physiques (lésion musculaire à la hanche gauche). Faut-il trouver une alternative crédible en une éventuelle résurrection d’Armand Traoré, qui a la chance d’évoluer en club dans ce système depuis plus d’un an, mais qui n’a jamais réellement fait montre d’une régularité qui lui permette de s’éterniser en sélection ? A-t-il déjà laissé le train passer ? Quelles solutions immédiates, individuelles et collectives, pour corriger les failles du couloir gauche sans pour autant mettre en péril l’équilibre naissant de l’équipe nationale ? Pleins feux sur le flanc faible.

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Hier, à Nice, Lille a enregistré sa première défaite (1-0) de la saison dans le championnat de France (Ligue 1). Ses deux internationaux sénégalais étaient naturellement de la partie, mais on ne pourrait pas leur imputer cette contre-performance. Surtout, ils offraient des copies assez différentes à la fin du match. Idrissa Gana Guèye aura été fidèle à son habitude, ratissant et redistribuant un nombre appréciable de ballons (62), réussissait plus de 75% de ses passes et gagnait 67% de ses duels, tandis que son compère de la défense, Pape Ndiaye Souaré (24 ans), pour à peu près le même nombre de ballons joués (64), réussissait 56% et gagnait 50% de ses duels. Surtout, il n’effectuait aucun centre en 90 minutes. Effarant, pour un joueur dont la qualité première est surtout dans l’apport offensif. Il est insensé, certes, de comparer les chiffres de deux joueurs aux postes différents. Si nous mettons en lumière ces statistiques, c’est surtout pour évoquer le niveau de performances de l’arrière gauche lillois, qui, sans être catastrophique, est encore très loin de son niveau habituel de la saison dernière. Depuis le début de la saison, Souaré présente des copies très moyennes, très en-deçà du potentiel que l’international sénégalais a montré auparavant. Cela ne s’arrête pas à ses prestations en club. Lors des deux derniers matches du Sénégal, en début septembre, respectivement face à l’Egypte et au Botswana, il a été pointé du doigt par certains observateurs, malgré le plein de victoires dans ces éliminatoires de la CAN. Défaillance personnelle ou défaut dans l’animation du couloir gauche dans un nouveau système ?

«Il lui faut juste arriver à canaliser ses efforts»

 

Amara Traoré, ancien sélectionneur des «Lions» et observateur averti, se veut plutôt mesuré. «Vous avez déjà bien fait de parler de couloir plutôt que de latéral gauche. Dans un système à trois défenseurs, précisément dans ce 3-4-3 utilisé lors des derniers matches, celui qui est à gauche, Pape Souaré en l’occurrence, joue plutôt milieu gauche et en défense, il y a l’axe gauche, l’axe droit et l’axe central. Je n’aime pas quand on personnalise certaines analyses. Mais, par rapport aux deux derniers matches, nous avons pu noter un problème de compréhension entre l’axe gauche (Papy Djilobodji) et le milieu gauche (Pape Souaré). Souaré est un joueur qui apporte beaucoup sur le plan offensif, il l’a montré pendant les Jeux Olympiques 2012 (4 passes décisives en 4 matches) et même en club il s’illustre offensivement. Sur le plan défensif, un peu moins. Quand on est aussi offensif, on peut avoir naturellement des lacunes défensives. Cela peut se comprendre car le joueur n’est pas Superman non plus. On doit pouvoir comprendre qu’il puisse avoir ces difficultés. Il est perfectible. Il lui faut juste arriver à canaliser ses efforts, c’est un garçon très généreux, capable de monter et de défendre, de dépenser toute son énergie sans compter. Sur les deux derniers matches, on l’a vu moins présent aussi bien devant que derrière. Il n’a pas eu le rendement que l’on pourrait espérer de lui.

Il peut y avoir aussi un lien avec le système qui est nouveau pour lui et qu’il doit assimiler peu à peu. Surtout qu’en club, il joue latéral gauche et là, il sert de milieu gauche. Cela requiert des ajustements. Mais il est assez intelligent pour s’améliorer car il est capable d’avoir un impact défensif et d’apporter des centres précis s’il s’applique. Il faut aussi noter que s’il y a des soucis de coordination dans un couloir, cela ne peut être la faute exclusive du milieu, il y a aussi l’attaquant sur ce couloir qui y a un rôle à jouer. S’il ne libère pas l’espace pour faire de la place au milieu, il crée un embouteillage devant. C’est vous dire que c’est tout un ensemble qui doit fonctionner ensemble. Cela part de l’axe de la défense, à l’attaquant, en passant par le milieu du même couloir. Avec l’enchaînement des matches, la coordination viendra progressivement. »

Souaré doit mieux faire

Pas encore de quoi trembler d’inquiétudes, même si l’opposition n’est pas encore grande : une Egypte en reconstruction et un Botswana encore loin du niveau des foudres de guerre du continent. Mais, la sonnette d’alarme est là, à tirer. Que faire si les soucis persistent ? Changer d’animateur du flanc gauche ou corriger les lacunes avec l’actuel liant entre la gauche de la défense et la gauche de l’attaque ? Amara Traoré opte pour cette deuxième idée. «C’est un avantage que les prétendants de qualité se multiplient et qu’ils soient en forme. Mais, je ne pense pas qu’il faille changer à tout moment. S’il y a des failles, il faut d’abord chercher à corriger, d’autant plus que ces failles ne sont pas imputables à une seule personne. Pour l’instant, on peut dire que Souaré fait le job. Il peut mieux faire certes, mais il faut chercher à l’améliorer avant de chercher une alternative. Ensuite, il a un remplaçant et tant qu’on ne peut pas leur reprocher une grosse faute, il sera difficile de les écarter en ce moment où les voyants sont plutôt au vert avec la dynamique de victoire, à moins d’une blessure ou d’une suspension. C’est pourquoi, il est toujours intéressant que d’autres se signalent pour être prêt à saisir une chance qui peut arriver à n’importe quel moment.»

Ce qu’Armand pourrait apporter… 

Sauf cas de force majeure, Souaré ne devrait donc pas encore nourrir d’inquiétudes pour garder sa place dans le Onze des «Lions», d’autant plus que son remplaçant immédiat dans la hiérarchie du sélectionneur, Alain Giresse, n’a pas forcément saisi les chances qui se sont présentées à lui, par le passé. Surtout, Cheikh Mbengue (26 ans), à près de deux semaines du prochain regroupement, traîne une blessure à la hanche pourrait lui faire manquer de compétition avant d’aborder la double confrontation très décisive face à la Tunisie, les 10 et 15 octobre prochains. L’occasion de songer à une solution extérieure au groupe ? Comme Armand Traoré (24 ans), 4 sélections avec les «Lions» ? Sélectionné pour la première fois le 10 août 2011 face au Maroc, le sociétaire de QPR ne s’est jamais éternisé dans la «Tanière» où il n’aura obtenu que quatre sélections depuis cette date. Pas assez intégré malgré un profil offensif intéressant et une aisance technique au dessus de la moyenne, le joueur formé à Arsenal et actuel pensionnaire des QPR, est pourtant plébiscité pour un retour sous le maillot des «Lions», grâce à des prestations personnelles de haut rang en ce début de saison dans la Premier League anglaise. Est-ce suffisant pour prétendre à un retour ? Que peut-il offrir de plus par rapport à ceux qui sont là ? L’avis de notre consultant, Amara Traoré.

«Armand, plus technique, Souaré plus rapide et plus puissant»

«Le fait qu’il y ait plusieurs postulants, ça permet aussi de maintenir ceux qui sont là sous pression, de savoir que rien n’est acquis. C’est intéressant d’avoir plusieurs joueurs aux profils différents. Ce qu’Armand Traoré pourrait éventuellement apporter, c’est plus de technique, par contre Souaré est plus puissant et plus rapide. Armand Traoré a aussi l’avantage d’évoluer dans le système à 3 défenseurs en club. Malheureusement pour lui, son intégration a été un peu plus compliquée que celle de ses concurrents au poste. Il ne faut pas oublier qu’il n’avait pas encore connu le pays, c’est grâce à la sélection qu’il le découvre. L’équipe nationale, c’est très profond pour lui, il lui faut du temps. Son club était aussi descendu en deuxième division et il avait connu quelques blessures. Là, il revient bien. Il va tirer les leçons du passé et s’il a l’occasion de se montrer à nouveau, tout cela devrait pouvoir lui servir. Il faut éviter d’opposer les joueurs, même si c’est une comparaison technico-tactique. Giresse a son groupe en main, maintenant il faudra se bagarrer pour l’intégrer et ceux qui y sont devront tout faire pour ne pas en sortir. Ne vous attendez pas à ce qu’il change maintenant, sans un véritable imprévu, surtout qu’il a obtenu 6 points en 2 matches. Il faut d’abord chercher à améliorer ce qui est là.»

Qu’en pense Alain Giresse, sélectionneur des «Lions» ?

«On peut toujours évoquer des cas particuliers, mais ça reviendrait à la même chose que pour les autres, c’est-à-dire, qu’on cherchera toujours à porter du regard ceux qui ne sont pas là au lieu de se concentrer sur ceux qui sont là. J’ai l’impression qu’on me parle toujours de ceux qui doivent venir plutôt que de ceux qui sont déjà là. Je trouve ça très paradoxal d’ailleurs. Au début, on me disait : «Vous n’avez toujours pas d’équipe-type» et maintenant que le groupe tend à se stabiliser, on me dit qu’il faudrait penser faire venir tel ou tel joueur. Par contre, je ne veux pas dire que c’est figé ou que le groupe est fermé, loin de là. Un groupe n’est pas hermétique. Je ne conteste pas non plus les possibilités que peut offrir Armand Traoré, avec son profil, mais ceux qui ont joué et permis d’avoir gagné les deux derniers matches ne peuvent pas être oubliés et zappés du jour au lendemain sans réel motif valable. Ce qui me gêne un peu dans la présentation des choses, c’est qu’on parle comme si on avait perdu les deux matches contre l’Egypte et le Botswana. Maintenant, je suis d’accord avec vous qu’il faut toujours essayer d’améliorer une équipe, mais c’est mon souci permanent. Et on peut le faire de différentes façons.»

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