Habib Beye, ancien capitaine de l’Olympique de Marseille et désormais consultant sur Canal +, ouvre la boîte aux souvenirs pour nous évoquer la finale de Coupe de France 2007 entre Sochaux et l’OM.
«Quelle première image vous revient en repensant à la finale de 2007 ?
Ce qui m’a peut-être le plus marqué, c’est la déception de Robert Louis-Dreyfus à la fin du match. Il avait eu des mots très durs dans les vestiaires. Après un si long règne sans trophée, cette fois-ci, il y croyait vraiment. Et puis sans dénigrer les qualités de Sochaux, on était bien bien au-dessus de cette équipe. On avait l’impression que cette Coupe nous était promise.
C’est un de vos pires souvenirs de footballeur ?
(Du tac au tac). C’est le pire. De toutes mes finales perdues à Marseille, ce fut la plus compliquée à digérer. La première en UEFA, on avait fait un parcours fantastique (NDLR : Dniepr, Liverpool, Inter, Newcastle) et on est tombé sur l’une des meilleures équipes d’Europe qui allait finir championne d’Espagne, le Valence de Rafael Benitez. On était presque allé au bout de notre rêve et il y avait eu des circonstances, avec Barthez expulsé. Contre le PSG, l’année suivante en Coupe de France, c’est pareil, tu te tues au bout de cinq minutes avec une erreur. Derrière, Dhorasoo, qui n’a jamais frappé de sa vie des vingt mètres, il marque… Voilà . Alors que Sochaux, on menait, on a la balle du 3-1 avec Wilson Oruma. Et puis derrière la sanction…
Le scénario est cruel… Quand Djibril Cissé inscrit le but du 2-1 dans les prolongations, vous vous dites que c’est terminé honnêtement ?
Oui, inconsciemment. Dans la rencontre, on est dominateur, comme je l’ai dit, Wilson (Oruma) loupe une occase de 3-1 qu’il met tous les jours d’habitude. J’étais capitaine, ça faisait quatorze ans que l’OM n’avait rien gagné donc oui, je ne vais pas vous le cacher, je m’y voyais déjà . Je me suis projeté moi là -haut en train de soulever la Coupe. Et puis, attention, ça n’a rien à voir avec le côté corporate, mais avec Pape Diouf on s’était lancé un défi.
De quel genre ?
Bah il est Sénégalais, moi aussi… On s’était parlé, on s’était dit que ce serait bien qu’on aille chercher le premier trophée de l’OM depuis tant d’années ensemble. Et avec toute l’équipe et le staff aussi ! En y repensant, je vous avoue que je m’y suis vu dans cette tribune en train de la lever et partager ça avec le peuple marseillais. Malheureusement, il nous aura manqué cinq minutes…
Après l’égalisation de Sochaux avec Le Tallec à la 115e, les tirs au but arrivent. Vous vous dites que c’est déjà foutu ? C’est quoi votre discours en tant que capitaine ?
Franchement, quand on va à la séance, on se dit qu’on a autant de chance que les Sochaliens même si le dénouement fait que psychologiquement, ils sont certainement au-dessus de nous à cet instant. En fait, il y a un moment clé quand j’y repense. Je ne sais pas si tout le monde le sait. Ce qui a été prépondérant, c’était le choix de Franck (Ribéry).
«Je m’approche et Ribéry me dit : “Je ne tire pas”…»
C’est à dire ?
Je suis le capitaine, je m’approche de chaque joueur pour savoir qui veut tirer. Albert (Emon) n’avait pas fait de liste, c’était plutôt ceux qui se sentaient de le tirer. Je m’approche et Franck me dit : «Je ne tire pas». Je dois vous avouer que quand il dit ça… Je suis surpris. Ton meilleur joueur, ta star, celui qui faisait la différence… ça a surpris pas mal de coéquipiers. A ce moment-là , tu te dis : «Ca sent pas bon…». Mais ça a duré une petite seconde, il fallait embrayer et ne pas faire tomber tout le monde dans une sorte de psychodrame avant les tirs au but.
D’autres regrets avant la séance ?
Individuellement, je regrette de ne pas avoir tiré dans les cinq. Parce que j’étais capitaine et que j’aurais dû prendre mes responsabilités. Après, je vous avoue que je n’étais pas programmé pour cet exercice. J’étais juste après Ronald Zubar, mais il a malheureusement raté. Après coup, dans ma chambre d’hôtel, j’étais seul et je me suis dit que j’aurais dû y aller. Après, les cinq se sont désignés tout naturellement. Puis on s’est rendu compte qu’on était à égalité et Zub’ a dit : «J’y vais». ça va tellement vite. Si je pouvais revenir en arrière, j’aurais tiré.
Comment se déroule l’après-match pour vous ?
On était tous abattus. Dans ces cas-là , il n’y a pas grand chose à dire. Robert Louis-Dreyfus est venu dans le vestiaire. Il a dit ce qu’il avait à dire. C’était une réaction à chaud de quelqu’un d’extrêmement déçu. Il y a certaines paroles qui ont pu dépasser les limites. Tu ne t’attends pas à un tel discours venant de lui. Mais tu te dis aussi que c’est un président qui a investi énormément dans l’Olympique de Marseille et qui lui aussi s’est vu, comme moi, comme nous tous, soulever enfin un trophée. Et la Coupe de France est mythique en plus à Marseille.
«Cette année-là , l’OM aurait dû gagner le Championnat et la Coupe»
La colère venait aussi du fait que l’OM était ultra favori ?
Ce qui est paradoxal c’est que cette équipe, pour moi attention, devait tout gagner cette saison-là . Le Championnat et la Coupe. On devait être dominateur de partout. Cette année-là , je pense qu’on avait une équipe supérieure à Lyon. Peut-être pas en termes d’expérience, mais en qualité intrinsèque. On finit deuxièmes mais cet effectif-là , c’était un gâchis. Quand tu vois les éléments offensifs : Nasri, Ribéry, Niang, Pagis… Tiens en reparlant de Pagis, RLD regrettait aussi que Pagis ne joue pas la finale et ne rentre pas.
Comment ça s’est passé le retour à Marseille ?
Je crois qu’il n’y avait pas grand monde pour notre retour à l’aéroport. Il y avait quelques gens extrêmement déçus. Mais c’était loin d’être malsain, il n’y avait pas d’animosité. La chance qu’on a eu entre guillemets, pour oublier tout ça, c’est qu’on devait aller chercher une place en Ligue des champions. »