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Sélectionneur de l’équipe nationale A entre avril et octobre 2012, après le départ d’Amara Traoré, Joseph Koto revient, dans cet entretien, sur les chances des Lions à la Coupe du monde Russie 2018 (14 juin-15 juillet).

Le tout nouvel entraîneur des U23 estime que l’équipe coachée par Aliou Cissé a un bon potentiel et peut aller très loin dans cette compétition. Les clés du succès : un choix basé sur la forme du moment, une bonne préparation, une bonne organisation et une union autour du sélectionneur.

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Comment appréciez-vous le Groupe H que le Sénégal partage avec la Pologne, la Colombie et le Japon ?
C’est un groupe très difficile. Il ne faut pas sous-estimer ces équipes qui ont un vécu et ont montré beaucoup de choses. Il faut donc les respecter, sans avoir peur d’elles. Ce sont des équipes qui ont des joueurs qui évoluent un peu partout en Europe ; ce qui fait que ça ne sera pas facile. Il faudra les regarder, les superviser, les analyser avant de les jouer. Le premier match contre la Pologne sera très difficile parce qu’un premier match est toujours psychologique. C’est un match qui permet d’avancer et quand on le gagne, on est tranquille. Ça permet de conforter ses chances et de mieux voir la suite. C’est surtout un match à ne pas perdre.

Tant qu’on ne perd pas le premier match, on a encore ses chances intactes et ça permet de dérouler pour la suite, avec des objectifs précis. Le Japon et la Colombie sont aussi de grandes équipes qui ont aussi de très bons joueurs qui peuvent faire la différence à tout moment. Il faut bien les analyser et les superviser aussi.

En face, il y aura des attaquants de classe exceptionnelle (Lewandowski, Falcao, Rodriguez et Okazaki) donc très redoutables. Est-ce qu’on peut dire que les défenseurs sénégalais auront du pain sur la planche ?
C’est vrai qu’il y aura en face de bons attaquants qui sont d’excellents joueurs et qui brillent de mille feux. Pour les maîtriser, il faut mettre en place des plans de jeu parce que tout ça peut se gérer. L’adversaire, si tu le connais, il ne peut pas te surprendre. Il faut bien les préparer, voir leurs côtés positifs et négatifs, comment ils attaquent et défendent, leurs points faibles. Et tout ça, ce n’est que la supervision qui peut le donner. A la direction technique nationale, on s’organise pour ça. D’ailleurs, on a tenu une réunion sur tout cela et tous les entraineurs ont contribué aux échanges. C’est tout ce qui peut aider un sélectionneur à bien faire son travail.

Aujourd’hui, tirer sur Aliou Cissé ne mène à rien. Aucun sélectionneur n’a intérêt à tirer sur lui parce qu’en le faisant, c’est sur notre football qu’on tire. Pour le moment, c’est Aliou Cissé qui est là, il faut que tout le monde le soutienne. Sa réussite est celle du football sénégalais. Si tout le monde fait bloc autour du sélectionneur, on a nos chances intactes et on n’aura pas de difficultés majeures.

Le peuple est très exigeant et attend des Lions qu’ils fassent mieux que ceux de 2002. Est-ce que ce n’est pas trop demander ?
C’est normal d’exiger des résultats. C’est ça le football, ce sont des challenges. Le Sénégal s’est qualifié d’une façon extraordinaire à cette Coupe du monde. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui les gens exigent d’autres résultats. Ce ne sont pas des joueurs extraordinaires qui ont fait 2002, mais des joueurs comme les autres. Et aujourd’hui, on a des joueurs exceptionnels qui peuvent aussi faire la différence à tous les niveaux. Il faut donc qu’on les motive davantage et qu’on leur évite tout ce qui a été mauvais en 2002, les protéger et les accompagner. Il y a des gens qui étaient là en 2002 et qui doivent accompagner l’équipe et conseiller les joueurs. S’ils sont bien motivés, l’équipe pourrait bien s’en sortir.

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La qualification du Sénégal a attiré beaucoup de convoitises. Quels devraient être, selon vous, les critères de sélection ?
Il faut se baser sur la forme du moment. Si on veut se baser sur la forme d’avant, on risque de se tromper lourdement. Il faut donc se baser sur les joueurs qui tournent à la période où va se jouer la compétition. Si on se base sur ça, on ne peut pas avoir de surprises. Un entraîneur ne doit pas suivre son bon vouloir. Un joueur peut donner beaucoup de satisfaction et montrer des choses extraordinaires à un moment, mais après on se rend compte qu’il n’est pas en forme. Ce n’est parce qu’un joueur a donné satisfaction qu’on veut le garder alors qu’il y a d’autres qui sont meilleurs que lui ; c’est tout ce qui peut nous plomber. Un joueur sans temps de jeu n’est pas en forme, car pour être en forme, il faut jouer. Mais on fait confiance au sélectionneur. Il est assez expérimenté et il a joué au haut niveau pour savoir que la forme est la meilleure chose pour un joueur.

Le sélectionneur a-t-il le droit d’être complaisant ?
Aucun sélectionneur n’a le droit d’être complaisant. Quand un entraîneur est complaisant, ça se retourne toujours contre lui.

Heureusement qu’Aliou Cissé est assez ferme sur ce qu’il fait. Il a de bons collaborateurs et ensemble ils ont toujours réussi ce qu’ils faisaient. Aujourd’hui, personne ne veut plus gagner que le sélectionneur lui-même. Aucun Sénégalais ne peut lever la main et dire qu’il veut gagner plus qu’Aliou Cissé. Ce n’est pas possible. Le sélectionneur, il vit le match avant, pendant et après. Donc, personne n’aimerait plus gagner que lui. Il faut lui faire confiance et beaucoup l’aider dans cette tâche.

Un sélectionneur national vit-il une pression à l’heure du choix des joueurs ?
La pression de l’entraîneur, c’est de vouloir toujours gagner. C’est ce qui fait que le sélectionneur national est toujours sous pression. Quand on est entraîneur, il y a obligation de résultat. Ici, au Sénégal, personne ne peut dire à un entraîneur de faire jouer tel ou tel joueur. Les choix lui incombent. Maintenant, les gens peuvent jaser, dire n’importe quoi, mais le dernier mot revient toujours à l’entraîneur. Depuis un certain temps, les journalistes sortent des joueurs de nulle part et ne tarissent pas d’éloge sur leurs qualités dans les journaux. Tout cela, ça peut déstabiliser un entraîneur et si j’étais Aliou Cissé, je ne lirai pas la presse. C’est une période difficile, car tous les joueurs veulent participer à cette grande compétition parce qu’elle va augmenter leur valeur marchande. Les joueurs qui ont disputé le mondial 2002 au Japon et en Corée en savent quelque chose. Après la Coupe du monde, leur valeur a grimpé. Dans ce genre de compétition, les agents sont toujours là et les contrats sont encore plus juteux. C’est donc normal que tout joueur veuille participer à la Coupe du monde.

Est-ce que le fait qu’Aliou Cissé ait disputé une Coupe du monde peut être considéré comme un atout pour l’équipe ?
C’est un grand atout parce qu’au moins il connaît la compétition et c’est important. Le mondial, c’est autre chose. J’ai vécu une Coupe du monde junior, et une autre scolaire et universitaire. Il y a une très grande émulation. Si au niveau de la petite catégorie c’est comme ça, pour l’équipe A ça l’est encore plus. Il faut bien connaître la Coupe du monde, car le règlement est très compliqué.

On joue aujourd’hui, puis on prend l’avion pour aller dans une autre ville jouer une autre compétition. C’est très compliqué. Ces paramètres sont à gérer pour pouvoir faire un bon coaching à tous les niveaux.

Le jeu du Sénégal est souvent décrié…
Le Sénégal joue bien, parce que l’équipe gagne et c’est le plus important. En football, ce n’est pas le fait de mettre une identité de jeu qui est le plus important. Pour chaque match qu’on va jouer, c’est l’organisation qu’on va mettre en place qui sera importante ; l’organisation pour contenir et gagner l’adversaire. De plus, ce n’est pas aujourd’hui qu’on doit dire ou apprendre aux joueurs qui ont joué un peu partout une façon de jouer. En équipe nationale A, c’est très complexe parce que les joueurs viennent parfois pour cinq jours, jouent un match et repartent. Donc, l’entraîneur n’a pas suffisamment le temps de travailler comme au niveau des petites catégories. C’est pourquoi les équipes qui ont l’habitude de jouer longtemps ensemble se retrouvent très facilement. Dans nos équipes nationales, il y a beaucoup de joueurs qui sont venus et qui sont repartis ; donc demander à ces joueurs d’avoir une grosse cohésion comme on le voudrait, c’est parfois un peu complexe. Il nous faut donc jouer avec nos armes, voir ce qu’on peut faire de mieux, nous organiser pour que l’adversaire ne nous domine pas sur le plan défensif, sur le plan offensif et marquer beaucoup de buts.

On a un peuple très exigeant, qui demande aux Lions de faire mieux que ceux de 2002. Cela n’est-il pas une pression supplémentaire pour les joueurs ?
C’est vrai qu’on a un peuple exigeant, qui, dès fois, demande aux joueurs plus que ce qu’ils savent faire. Il arrive même parfois qu’on surévalue nos joueurs. Les Sénégalais pensent qu’ils ont les meilleurs joueurs du monde et quand on joue, ils pensent qu’on doit toujours gagner. Ce qu’ils oublient souvent, c’est qu’on joue contre des équipes qui sont également animées par l’envie de gagner. Donc, quand on joue contre les autres, on peut gagner comme on peut perdre. Il ne faut pas trop crier au départ parce que c’est ce qui amène les difficultés. On doit laisser l’entraîneur faire son travail, l’aider, motiver les joueurs, les mettre dans d’excellentes conditions. Aucune équipe ne joue un match pour le perdre. On a vu de grandes équipes disputer des matchs et ensuite les perdre contre des équipes plus faibles. C’est le facteur chance qui entre en jeu et qu’il faut prendre en compte. La seule chose qui vaille aujourd’hui, c’est d’avoir confiance en l’entraîneur, en l’équipe, la soutenir pour le pousser à la victoire.

Le continent africain sera représenté par cinq équipes. Laquelle, d’après vous, a la chance d’aller plus loin dans ce mondial ?
L’Afrique est très bien représentée, mais c’est le Sénégal qui présente plus de chances, même si l’équipe n’a rien gagné. On a été numéro un d’Afrique il n’y a guère longtemps (dernier classement Fifa de l’année 2017). Cela veut dire beaucoup de choses. Les autres équipes que sont l’Égypte, le Maroc, le Nigeria et la Tunisie ont l’habitude des grandes compétitions. Chacune d’elles a au moins gagné une Coupe d’Afrique des Nations (Can), mais les joueurs avec lesquels ils ont gagné ne sont plus en activité.

Aujourd’hui, personne ne peut nier le fait que le Sénégal figure parmi les meilleures équipes d’Afrique. Pour cette Coupe du monde, on peut bien compter avec le Sénégal qui regorge de joueurs talentueux qui évoluent dans les grands championnats européens et qui tiennent bien leur rang. S’il y a donc une équipe africaine qui peut bien aller loin dans cette compétition, c’est bien le Sénégal.

 

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