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Perdu de vue en sélection ces trois dernières années, Khadim Ndiaye revient dans une «Tanière» où il occupait, jadis, la place de N°1. N’empêche, même après une éternité loin de la sélection, il dit se «prépare pour jouer». Sans user de la langue de bois, le portier d’Horoya AC, marié entre-temps, parle du son statut dans le club, son séjour en Guinée où Ébola a fait des milliers de victimes, et surtout ses relations avec Amara Traoré. «Il m’a crée», assure-t-il, toujours avec son franc-parler qui a forgé sa personnalité de «bad boy».

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Vous revenez en sélection après 3 ans d’attente. Comment avez-vous vécu cet épisode ?

C’était dur. Mais c’était aussi une source de motivation. Je me disais que ce n’était peut-être pas parce que je n’étais pas bon, mais ce que je faisais ne rassurait pas ceux qui étaient en place. Il fallait travailler davantage pour être plus performant et essayer de séduire celui qui allait venir, sachant qu’on ne savait pas encore qui serait-ce. Ce coach est Aliou Cissé, un guerrier qui ne fait pas de cadeau. Il convoque ceux qui méritent d’être appelés. Peut-être que je fais partie de ce lot uniquement pour ce match à venir. Et c’est à moi de donner ce plus pour revenir encore.

Certains vous reprochent d’être distrait sur un terrain. Est-ce que votre absence n’était pas liée à ce comportement ?

Ce sont eux qui le disent. Chacun a sa façon de jouer. La manière dont Buffon joue n’est pas la même que celle de Neuer. Ces gens s’attardent sur des détails. Ce n’est même pas cohérent, parce que comment peut-on être distrait alors qu’on joue pour l’Equipe nationale du Sénégal ? Ce n’est ni la Linguère ni le Port, mais le symbole de toute une Nation. Peut-être aussi que ceux qui tiennent ce discours m’apprécie et veulent que je m’améliore et change en maturité et en mentalité.

Qu’avez-vous appris pendant cette longue traversée du désert en sélection ?

J’ai gagné en maturité avec mon voyage en Guinée. J’ai compris beaucoup de choses. J’ai su que ce qu’on te tolère ici (au Sénégal), on ne te le pardonne pas là-bas. Quand je suis arrivé au Horoya AC, j’avais trouvé sur place deux gardiens internationaux guinéens de l’Equipe A (Syli) que j’ai renvoyés sur le banc. A ce moment, si j’étais distrait ou avais fait un cadeau, je perdrais ma place et ce serait très compliqué de revenir au Sénégal. Ce serait mon enterrement.

C’est aussi votre manière de jouer de faire un dribble face à Samuel Eto’o devant 60 000 spectateurs ?

Vous savez, ce n’est pas une question d’Eto’o ou qui que ce soit. Eto’o n’est pas le meilleur joueur du monde. Même Messi, on le dribble. C’était une situation où il n’y avait que le dribble qui pouvait me permettre de m’en sortir et je l’ai fait. Si j’en avais abusé, je serais sanctionné et il y aurait eu but.

«Amara dérangeait beaucoup de personnes qui ont manigancé une politique pour le liquider»

Vous êtes prêt à retenter le coup si c’était à faire…

(Il coupe) Si cela nécessite un dribble pour éviter le but, je le refais. Mais encore une fois, je n’avais pas dribblé pour le seul plaisir de le faire. En football, on dit que «le dribble est inutile quand la passe est possible». Les gardiens européens le font pourtant. Parfois, Neuer fait un crochet avant de faire une passe. J’avais fait ce geste parce qu’Eto’o venait comme un fou sur moi et le ballon n’était pas stable. Quand j’ai contrôlé, il était à un – deux mètres. J’ai armé une frappe et il avait levé le pied pour me contrer. Au lieu de dégager au risque de voir le ballon être contré et finir dans le but, j’avais jugé qu’il était mieux de faire un crochet puis une passe.

Comment avez-vous vécu le départ d’Amara qui vous a emmené en Guinée ?

Je l’avoue, c’était un épisode difficile parce que tous les Guinéens connaissent qui est Amara. Ils ne doutaient pas de ses qualités. Même le président du club m’en parle parfois en me disant : «Amara fait partie des meilleurs techniciens de football que j’ai rencontrés.» Mais vous savez, c’est un pays un peu compliqué et Horoya un club pas comme les autres. Ils sont exigeants et les décisions ne viennent pas du président, parce que c’est un club composé de deux comités. Il y a peut-être aussi le fait que sa rigueur arrangeait Horoya, mais ne faisait pas les affaires de certaines personnes qui tournent autour. C’est une équipe très compliquée. Il y avait beaucoup de choses qui se passaient à l’intérieur et Amara était venu avec une organisation qui ne permettait plus aux gens qui sont aux alentours d’amasser de l’argent. Cela dérangeait beaucoup de personnes qui ont manigancé une politique pour le liquider. Mais le plus important pour moi est qu’il m’a laissé entre de très bonnes mains.

Vous avez presque eu le même parcours de la Linguère jusqu’en Guinée. Quelles sont vos relations ? 

Je veux que cela soit clair une bonne fois pour toutes, si on parle de moi aujourd’hui dans le football, c’est grâce à Amara Traoré. C’est lui qui m’a créé. Il a forgé mon profil de gardien de but international. Il m’a pris à Saint-Louis Football Center pour me préparer pendant une année. J’ai vécu chez lui pendant trois ans. Je le répète, c’est lui qui m’a créé.  Il m’avait dit : «Si tu viens à la Linguère, je travaillerai avec toi. Je vais te «tuer», mais tu seras en Equipe nationale du Sénégal.» Cela a abouti au bout de deux ans. Je joue en Guinée où il m’a laissé entre de très bonnes mains. Mais je ne me décourage jamais parce que je connais ma valeur. C’est au moment où les gens me critiquent que je tiens le plus à mon but. Je ne lâche jamais. Je saisirai toujours le peu d’occasions que j’aie.

Vous n’avez pas songé à quitter Horoya à son départ ?

Non, parce qu’il m’avait laissé entre de très bonnes mains quand il partait. Il m’avait alors dit qu’il me laisserait là-bas sur certaines conditions, sinon il m’emmenait avec lui. Mon président (du club) a pris ses responsabilités et lui a dit qu’il pouvait être tranquille en lui promettant de me considérer comme son fils. Depuis lors, il m’a confié de grandes responsabilités au sein du club. Il dit à tout entraîneur qu’il fait venir : «Coordonne avec lui. C’est un Sénégalais, mais sous peu, il sera la personne morale de l’équipe.» Et pourtant, c’est un club guinéen. Il y a même eu des joueurs qui m’ont demandé de prendre le brassard, mais j’ai refusé parce que cela ne me créerait que des ennemis. De toutes les façons, que ce soit en club ou en sélection, je suis capitaine à mon poste. Le capitaine n’est rien d’autre que d’essayer d’apporter son expérience à ses amis et coéquipiers qui en ont besoin. Le capitaine n’est pas seulement le brassard. Il n’est pas un roi, mais plutôt le relais de l’entraîneur sur le terrain.

«Mon mariage m’a porté bonheur»

La Guinée a été malheureusement l’un des pays où l’épidémie à virus Ébola a fait le plus de victimes. Personnellement, n’avez-vous pas eu peur en vivant là-bas ?

Je ne connais pas la peur, ce mot n’existe pas dans mon dictionnaire. Que ce soit Ébola, dysenterie ou tomber en syncope, c’est la même chose. On ne meurt qu’une fois. Si je croise Ébola sur mon chemin, je vais marcher sur lui. (Rire) Franchement, je n’en ai entendu que parler. Je n’ai jamais vu quelqu’un qui affirmait qu’il y en eu dans son quartier. Je ne dis pas non plus qu’il n’en existe pas. Quand même, que ça existe ou pas, nous prenons nos précautions pour éviter la maladie.

Vous revenez en Equipe nationale quelques mois après votre mariage. Cela vous a porté bonheur ?

Oui ! Très bien même ! Cela m’a porté bonheur parce que je me suis marié le 18 décembre passé et je suis revenu en sélection. C’est une Saint-Louisienne.   Je suis venu pour jouer et le choix reviendra au coach. Maintenant, que ce soit moi ou un autre, je le pousserai à aller de l’avant pour qu’il soit très fort au match parce que si l’équipe gagne, c’est la victoire de tout le Sénégal.

Après une si longue absence, espérez-vous redevenir N°1 en Equipe nationale, à commencer par ce prochain match contre le Burundi ?

Je me prépare pour jouer. Maintenant, c’est le coach qui choisira lequel sera titulaire. Ici, il y a 25 numéros un (1) et il n’y a que deux qui sont convoqués. Ce qui veut dire qu’il y en a encore beaucoup qui n’ont pas eu cette chance. Même si on a 200 ans, c’est une fierté de venir en sélection parce que cela veut dire que ta Nation compte sur toi.

AMADY DIOP, ANCIEN GARDIEN DU SÉNÉGAL ET FORMATEUR À L’INSTITUT «DIAMBARS» :

«Khadim Ndiaye est devenu meilleur»

«Khadim a maintenant beaucoup d’expérience. Il en avait déjà acquis en jouant au Sénégal. Maintenant, il a franchi un nouveau palier au niveau africain avec son expérience en en Guinée, où il également appris. J’ai vu son comportement et il est devenu meilleur. Il ne fait commet plus certaines erreurs qu’il commettait auparavant. Il est plus concentré et cela prouve que son séjour en Guinée lui a beaucoup servi. Il était plutôt dispersé. Mais je pense qu’il a maintenant changé. Il avait conscience d’avoir perdu quelque chose (sa place de N°1). Il est revenu avec un autre comportement et je pense qu’il a des chances pour réaliser des choses intéressantes. Par rapport à Abdoulaye Diallo, Khadim a un avantage, grâce à son vécu et son expérience africaine. Quant à Abdoulaye Diallo, il vient de découvrir l’Equipe nationale. Cela peut être difficile, parce que les gens ne pardonnent rien. Mais sur le plan de la sérénité et tout ce qui va avec, Diallo a beaucoup d’atouts, parce qu’il a reçu une bonne formation. Il maîtrise mieux certains détails, contrairement à Khadim.»

REPÈRES

Khadim Ndiaye, 30 ans

Date et lieu de naissance : Le 30 novembre 1984 à Saint-Louis

Taille : 1m84

Poste : Gardien de but

Clubs : Linguère de Saint-Louis (2007-2013), Horoya AC (depuis 2013)

Palmarès : Champion de D2 du Sénégal en 2007 (Linguère), champion du Sénégal de Ligue 1 en 2009 (Linguère), vainqueur de la Coupe du Sénégal en 2007 (Linguère), vainqueur du tournoi de l’Uemoa en 2009 et 2011 (Sénégal : Sélection locale), vainqueur de la Coupe de Guinée (2013 et 2014), vainqueur de la Super coupe de Guinée (2014)

Première sélection: Le 23 mars 2010 à Vólos en amical contre la Grèce (victoire 2-0) lors du premier match d’Amara Traoré.

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