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On ne se voulait guère du genre «oiseau de mauvais augure», en soulevant ce phénomène, il y a quelques mois. On parlait de «coachicide» dans ces colonnes, en référence aux liquidations de masse qui se passent sur les bancs de touche du football sénégalais. L’hécatombe devient aujourd’hui ahurissante.

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Avec quatre entraineurs passés à la guillotine en 8 journées de Ligue 1, le taux de mortalité dépasse toutes les calamités qui peuvent menacer n’importe quelle espèce vivant sur terre.

Bien sûr qu’il n’y a aucun risque d’extinction de la race. Dans le groupe humain que constituent les entraineurs, la faculté de régénération est automatique. Vous coupez une tête, une autre pousse. L’adjoint est déjà formaté pour cela. A défaut, on fait jouer les chaises musicales. Un bouge, un autre s’installe. C’est la logique du milieu ; elle fonctionne sous toutes les latitudes.

A force de subir, le milieu s’est fait une raison. Le métier d’entraîneur est un bail à durée déterminée, un contrat à résultat, une exigence de performance et un destin qui peut se jouer à pile ou face. On est habitué à cette insoutenable légèreté qui peut faire sauter un coach à la moindre humeur d’un président, au premier mouvement de foule de supporteurs surexcités ou quand le besoin d’un électrochoc se fait sentir pour réveiller des joueurs amorphes.

S’il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil et que la chute d’un entraineur relève souvent de la chronique d’une mort annoncée, l’épidémie qui ravage les bancs sénégalais étonne. Elle arrive trop tôt. Le mal est endémique, mais ses symptômes se signalaient plus tard dans la saison. Pour voir ses effets mortels se propager à la vitesse actuelle, il fallait qu’on soit proche de la ligne rouge de la descente pour ceux chez qui l’ambition est de survivre, où qu’on sente l’éloignement du podium pour ceux qui nourrissent des rêves de gloire.

Dans un championnat de Ligue 1 où aucun destin n’est encore joué, où les premiers d’aujourd’hui peuvent être les derniers de demain ou d’après-demain, cette tendance matinale à régler les contradictions au couteau, laisse perplexe.

Peut-être que l’ego des présidents se surdimensionne-t-il ?

Devenu le boss dans l’environnement professionnel d’aujourd’hui, tranchant depuis le haut des tribunes avec la logique de «qui paye commande», ne dépendant plus de la bonne vieille mécanique associative où les affinités et la démocratie participative tendait vers le consensus décisionnel, «prési» se met désormais dans la peau de César. Du haut de la loge, le pouce vers le bas, il vous liquide un pauvre hère dont la vie tenait en 90 minutes passées à crier sous le vent des paroles avalées par la clameur des tribunes.

Peut-être aussi que l’envergure des coaches n’est-elle plus de taille assez respectable pour peser sur le banc et voir venir les vents et les marées sans jamais perdre leur casquette ?

Aussi légers que des kleenex, il suffit souvent de deux à trois usages pour que leur teneur soit éprouvée, que leur niveau de contenance soit dépassé et qu’ils finissent à la poubelle. On dirait que l’espèce s’est dégénérée, manque de personnalité et verse dans la banalisation. Les raccourcis faciles, tout comme les destins précipités pervertissent beaucoup de choses. Mais une vérité demeure ; la formation fait l’homme, son parcours l’aguerrit et ses résultats le consacrent.

Peut-être qu’enfin les mésaventures de la Douane, la saison dernière, hantent-elles l’esprit des manitous qui trônent au-dessus des clubs ?

Demeuré fidèle à Lamine Dieng, un entraineur offrant l’une des plus solides assises dans ce pays (arrivé en cours de saison), le club, de défaite en désillusion, a fini par une incroyable descente en Division 2. La possibilité de survivre était toujours là, pendante, mais les sables mouvants n’ont jamais lâché la proie.

En hommes avertis, les «prési» ont peut-être appris à trancher dans le vif, dès que la ligne de gouverne ne pointe plus vers l’horizon espéré.

Il faudrait cependant un peu plus de lucidité dans le charivari qui s’installe. Quand les mauvaises performances s’accumulent, il faut porter le diagnostic sur les véritables déterminants du désastre et sur les facteurs qui le conditionnent. L’échec montre des limites, il ne résume pas toujours les capacités ou les incapacités techniques.

Dans le travail qui consiste à gérer l’entrainement, à opérer des choix stratégiques et tactiques, à mettre le joueur dans de bonnes dispositions psychologiques, à porter son talent à une expression optimale, l’entraîneur est central, mais la qualité de son environnement d’expression est essentielle.

Cette facilité à liquider les coaches traduit la fragilité d’un statut que rien ne porte à considération et d’un corps qui ne s’organise autour de rien du tout. Entités autonomes, maîtres de leurs destins, les clubs sont souverains et le massacre peut continuer. Mais pour la Ligue Pro comme pour la Fédération sénégalaise de football, on doit bien savoir qu’un tel chaos n’est pas constructif à terme.

 

Waasport

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