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Dans toute démission il y a une forme de renonciation. L’acte que le président de l’As Pikine a posé vendredi, en renonçant à rempiler à la fin de son mandat, alors que son club l’y appelle, n’y échappe pas. Il exprime une défaite dans ses intentions ou dans ses capacités. Il traduit un signe d’épuisement à poursuivre une œuvre à laquelle les sacrifices n’apportent plus le sourire des victoires, des trophées et des lendemains prometteurs. Modou Fall part au terme d’un mandat de quatre ans. Il y a mis les formes, le fond reste discutable.

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Pikine est une banlieue au potentiel énorme. Un management plus éclairé et une plus grande résilience auraient permis, à la longue, à un président de club d’y bâtir quelque chose de moins fragile. On l’espère de Guédiawaye qui présente les mêmes similitudes.

Mais nul ne peut reprocher au président de l’As Pikine d’avoir dit “assez”. On sait ce qu’est un président de club au Sénégal. Sa solitude financière est dramatique, quand tout repose sur la profondeur de ses poches, sur le poids de son coffre-fort, sur son agilité à brandir le carnet de chèques.

Modou Fall a jeté le manche. Il y a longtemps qu’il s’était débarrassé de la cognée. Son départ était attendu. Il avait été déjà annoncé. La volonté d’y mettre les formes l’avait poussé à ne pas démissionner il y a quelques mois. Mais les derniers mois ont été difficiles à l’As Pikine. Un club qui faisait courir les footballeurs il y a deux ans, se faisait courtiser par les politiques et les chercheurs de voix en début de saison, remplissait la tribune d’honneur de Demba Diop d’un beau monde les soirs de grands événements, ne paye plus ses salariés depuis deux mois.

Le départ du président de Pikine en annonce d’autres. Omar Guèye Ndiaye de Ouakam a décidé de partir. Le président de la Linguère a accepté une rallonge d’un an, contraint et forcé, mais on ne l’y reprendra plus. Ababacar Sy a clairement affiché ses intentions de tourner la page et le club saint-louisien se doit de réfléchir à l’avenir de son leadership.

Tel est le propre de la quasi-totalité des présidents de clubs sénégalais. On est dans un système de fuite en avant où le souffle financier finit forcément par lâcher. Chacun se débat dans son coin, alors qu’une synergie de lutte aurait pu permettre d’imposer à l’Etat ce qu’il doit faire pour porter le football sénégalais… vers l’émergence. Car le professionnalisme actuel, l’Etat s’était engagé à l’accompagner. A ce jour, aucun sou n’est venu concrétiser cette promesse.

A écouter Modou Fall, son malheur se lit dans les chiffres : “Le club est actuellement déficitaire de 40 millions. Il a récolté 200 millions et a dépensé 240 millions.” Sa certitude est sans doute que c’en n’est pas fini, avec un As Pikine tombé en Ligue 2.

On est en Rd Congo. Précisément à Bukavu, à la frontière avec le Rwanda. Dans le hall de l’hôtel, samedi après-midi, au milieu de rares téléspectateurs indifférents (ici on supporte Bukava Dawa, une fois vainqueur de la Coupe nationale en 2008), on a regardé le Tp Mazembe laminer les Marocains du Moghreb Tétouan : 5-0. C’était à 1 500 km dans le sud, à Lubumbashi, dans la province du Katanga.

La facilité avec laquelle les “Corbeaux” ont signé leur victoire fut si extraordinaire qu’on a eu du mal à se convaincre qu’au coup d’envoi les deux équipes étaient à égalité de points  (8 pt), et se disputaient une victoire qualificative pour la demi-finale de Ligue des champions. C’est la cinquième fois, depuis 2009, que le club de Lubumbashi accède à ce stade de la compétition. Elle compte deux victoires finales en 2009 et 2010.

La période 2009-2015, c’est le moment passé par Modou Fall à la tête de l’As Pikine. Pour un titre de champion du Sénégal, une Coupe nationale et un tour préliminaire de Ligue africaine des champions franchi. On ne tente pas la comparaison avec Mazembe. Les chiffres qui vont suivre donnent une ampleur du fossé qui sépare le club sénégalais de l’élite africaine.

Mazembe, c’est un budget annuel de 10 millions de dollars (5 milliards de francs Cfa). Le salaire moyen d’un joueur y est de 2,5 millions de francs et certains passent même à la caisse pour 12 millions de francs. Dans le staff technique, les émoluments montent jusqu’à 15 millions.

La santé financière du Tp Mazembe étonne en Afrique. Une victoire en Ligue des champions ne rapporte que 750 millions de francs, une participation en quart de finale vaut 200 millions et une demi-finale 300 millions. Les transferts et les produits du club complètent donc difficilement le budget de 10 milliards.

On a beau nourrir tous les doutes face à l’origine de ces 10 milliards de budget, le “miracle” du président Moïse Katumbi est là. C’est un homme d’affaires riche et prospère, gouverneur de la province du Katanga depuis 2007. Et mécène d’un club. Au Sénégal, les Moïse Katumbi n’aiment pas le foot.

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